Vous avez surement entendu parlé dans les différents réseaux de la prochaine iniative conjointe organisé par le collectif de soutien aux sans papiers 26-07 et par Survie26-07 et par le collectif libertaire du Laboratoire le 8 janvierà 15h30 par la diffusion du film de Camille de vitry:"le prix de l'or"
Troisième réserve d'or après l'Afrique du Sud et le Ghana, le Mali tente de maîtriser l'essor spectaculaire de ses exploitations aurifères, tout en menant
depuis les années 90 une politique de privatisation forcée voulue par la Banque mondiale. Une restructuration qui devait amener des investissements étrangers, améliorer le rendement des usines de
traitement et relever le niveau de vie de la population, parmi les plus pauvres du monde. De fait, l'or profite largement aux multinationales sud-africaines, américaines, canadiennes ou suisses:
elles décrochent d'importantes concessions, ont recours à des méthodes de travail parfois dignes du régime d'apartheid et s'enrichissent sans réglementation transparente, dénoncent plusieurs ONG
locales.
Des villages disséminés dans la brousse, quelques champs de mil et de coton, de maigres troupeaux de zébus... la vie n'est pas facile pour les agriculteurs et les
éleveurs de la région de Bougouni, au sud-est du Mali. Dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, qui compte toujours parmi les 10 Etats les plus pauvres du monde, le voyageur serait bien en peine de
découvrir le moindre signe extérieur de richesse. C'est pourtant ici qu'a été inaugurée le 15 février 2001 l'usine d'exploitation du gisement aurifère de Morila. Avec un sous-sol contenant en
réserve plusieurs centaines de tonnes d'or, selon les estimations officielles, le site a rapidement été classé comme le plus prometteur du Mali. Pour accéder à la concession dirigée par la
compagnie sud-africaine Anglogold, il faut compter 3 heures de route depuis la capitale Bamako, puis quitter la nationale RN7. Après avoir traversé plusieurs hameaux, passer 2 heures à sillonner
une piste défoncée, praticable en camion ou en 4X4 uniquement. Le trajet nous plonge en plein coeur d'une zone préservée, celle de la savane arborée, pastorale et agricole traditionnelle du Mali.
Derrière une colline de latérite, se découpe soudain la silhouette massive du site industriel, ses remblais grisâtres, son bâtiment administratif, sa piste d'atterrissage, ses grues et sa
machinerie complexe.
Avec son rendement annuel dépassant les 19,6 tonnes de précieux minerai, Morila suscite aujourd'hui bien des convoitises. L'exploitation bat son plein à l'abri des
curieux et derrière un vaste réseau de clôtures et de fils de fers barbelés. Devant l'entrée du site, une vingtaine de poids lourds sont garés en rang d'oignon. «Armes et caméras interdites»,
rappellent des affiches géantes. Un sas d'accueil dissuasif. Les gardes armés filtrent les arrivants et fouillent les affaires personnelles des quelque 2700 employés vivant pour la plupart dans
les baraquements de l'usine, sorte de petite cité fortement hiérarchisée et vivant en parfaite autarcie.
TOLERANCE ZERO
Malgré une recommandation du ministère du Tourisme, impossible de pénétrer même accompagnés dans la zone d'exploitation. Les seules informations que nous
obtiendrons seront celles qui se déroulent sur un large écran à diodes lumineuses rouges, donnant les chiffres de production du jour et incitant les ouvriers au travail et à se plier aux règles
de sécurité en vigueur. «Tolérance zéro du non-respect» est le message qui défile en continu tandis que nous devons finalement rebrousser chemin.
Si la gestion sud-africaine du site industriel est connue pour sa rigueur, quitte à se faire taxer par certains observateurs de «système calqué sur le régime
d'apartheid», les responsables d'Anglogold ne semblent pas accorder autant d'attention au respect de l'environnement au-delà des grilles du chantier. A Bamako, l'organisation de développement
Guamina (lire encadré) tente d'alerter depuis plusieurs années le gouvernement sur les risques de pollution grave qu'entraîne ce genre d'exploitation à ciel ouvert, notamment à Sadiola, une
importante zone aurifère à la frontière avec le Sénégal, également exploitée par la multinationale sud-africaine en participation avec Iamgold (Canada), le Gouvernement du Mali et la Banque
mondiale.
A un jet de pierre du site industriel, le village traditionnel de Morila observe en silence l'extraction de tout l'or malien. Les revenus générés par l'exploitation
du minerai ont modifié certaines habitudes. Un instituteur de la région dresse le bilan de cette coexistence étrange. «Des dizaines de jeunes hommes des villages voisins de Sanso et de Fingula
sont aujourd'hui employés à la mine. Ils gagnent plus de francs CFA que ce qu'on aurait pu imaginer avoir. Ils ont acheté des mobylettes ou des toits en tôle ondulée pour leur maison, ce qu'on
n'avait jamais vu ici auparavant. Depuis deux ans, la direction d'Anglogold a aussi installé un réseau pour électrifier certains villages, favorisé l'adduction d'eau, installé des puits, fait
construire des écoles.»
LES LANGUES SE DELIENT
Gestes de solidarité pour acheter le silence de la population locale? Sans doute. La pression politique qu'exerce la compagnie est aussi efficace. La passion de
l'or, les habitants de Morila la connaissent bien: la région a en partie vécu autrefois de l'orpaillage traditionnel, une pratique très répandue au Mali qui fait vivre des dizaines de milliers de
personnes dans le pays et bâtit parfois de petites fortunes. Dans la région, un gisement est même en cours. Le chef du village en a récemment interdit l'exploitation aux habitants, «de peur de
mettre en cause la mine mère, dont l'installation est seulement à un kilomètre», confirme un témoin.
Parfois, certaines langues se délient. «Nous attendons toujours la réfection de la route, qu'ils ont promise depuis leur arrivée. Le passage des camions soulève une
poussière incroyable», précise un autre. A côté de la mine industrielle, les éleveurs apprennent aussi à se méfier du «gaz qui tue». «Le cyanure-là, ça tue directement. L'an passé, il y a eu un
écoulement. Une demi-douzaine de boeufs sont morts.» Un regret: celui de voir, un jour, mener par le gouvernement de Bamako une évaluation officielle d'impact concernant l'usine de Morila. Elle
reste toujours à faire.
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UNE MULTINATIONALE SUISSE DANS LA COURSE
Plus de 26 tonnes d'or produites en 2000, 51 tonnes en 2001, des prévisions avoisinant les 65 tonnes pour 2003... c'est sur l'essor remarquable du potentiel minier
que parie aujourd'hui le gouvernement de Bamako pour redresser son économie, une des plus pauvres du continent. «Deuxième produit d'exportation, l'or a déjà supplanté le bétail sur pied et
s'apprête à damer le pion au coton dans un proche avenir, selon certaines statistiques. A lui seul, il représente le quart des quotas d'exportation du pays», résume le magazine économique
Investir au Mali.
Face au mirage d'une fortune facile, de nombreux problèmes liés à l'exploitation aurifère au niveau industriel se posent aujourd'hui. D'abord, les risques élevés de
pollution. Détérioration du patrimoine national, fragilisation des sols, dispersion de cyanure, de mercure et de produits toxiques nécessaire au lavage de l'or... les sources d'inquiétude sont
multiples, comme le mentionne une récente étude d'impact écologique menée par l'organisation de développement malienne Guamina.
Après inspection du site de Sadiola, cette ONG a déjà pu remarquer des cas de «contamination de l'eau souterraine par le cyanure à la suite d'infiltrations», des
déchets liés à des fuites d'huile et au drainage. Pour Souleymane Dembele, coordinateur général de Guamina et responsable du dossier «mines d'or», un autre risque provient des parts de plus en
plus faibles que les multinationales d'exploitation opérant au Mali reversent au pays comme royalties. «Cette situation résulte de la politique d'attraction des investissements étrangers au Mali
menée par le gouvernement depuis le début des années quatre-vingt-dix», explique le coordinateur.
Une politique d'ouverture qui a porté ses fruits. Aujourd'hui, des multinationales comme Anglogold (Afrique du Sud), Randgold, IAMGOLD, Nevsun Resources, African
Metals Corp. (Canada), s'arrachent les concessions. Le manque de transparence concernant les contrats, le respect du code minier ou les conditions réelles d'exploitation du sous-sol malien rend
difficile toute tentative de mener un travail critique d'observation du comportement social et environnemental des compagnies minières étrangères au Mali. Même la liste complète des sociétés
présentes et de leur zone d'attribution n'est pas disponible. Impossible donc pour un citoyen malien de connaître les activités précises de la multinationale Axmin, dirigée par le Suisse
Jean-Claude Gandur et prospectant non loin de Sadiola, à la frontière du Sénégal. Axmin a récemment obtenu quatre concessions d'exploitation dans la zone de Kofi (région Ouest du Mali), avec des
intérêts défiant toute concurrence. GLe
Face aux droits humains, le silence est d'or
Depuis plus de cinq siècles, l'exploitation des importantes réserves d'or enfouies en Afrique de l'Ouest représente un enjeu économique et stratégique crucial
pour les sociétés occidentales.
La richesse du métal jaune avait dès le XIVesiècle attiré l'attention des explorateurs arabes. Elle a ensuite attisé la convoitise des puissances coloniales
européennes, le drainage de l'or africain vers l'Europe se déroulant alors simultanément, et depuis la fin du XVesiècle, avec un autre commerce sordide: celui de la traite des Noirs. Au nom de
la déclaration universelle des droits de l'homme, l'esclavage a ensuite été aboli, le régime colonial est tombé. La guerre froide qui paralysait le continent africain dans la lutte d'influence
menée par guérilla interposée entre les Etats-Unis et l'ancien bloc de l'Est, relayée aux oubliettes.
On aurait pu imaginer que le Mali, sorti d'une longue période de dictature, deviendrait enfin libre d'exploiter à sa guise ses étonnantes réserves d'or, troisième
en importance après l'Afrique du Sud et le Ghana. C'était sans compter la politique de privatisation forcée dictée depuis le début des années nonante par la Banque mondiale. On connaît la
rengaine: les plans de restructuration des industries maliennes doivent amener des investissements étrangers, améliorer le rendement des usines de traitement et relever le niveau de vie de la
population, parmi les plus pauvres du monde.
De fait, l'or du Mali profite aujourd'hui largement aux multinationales sud-africaines, américaines, canadiennes ou suisses qui décrochent ici, et en toute
discrétion, d'importantes concessions sous prétexte qu'elles sont les seules à pouvoir installer sur place les infrastructures d'exploitation permettant une extraction du minerai à l'échelle
industrielle. Leurs usines de traitement de l'or s'accaparent des surfaces dépassant souvent plus de 40hectares du sol malien. Elles érigent des forteresses impénétrables, fonctionnent en vase
clos, sont dirigées par des cadres anglo-saxons qui imposent leurs conditions de travail à la main-d'oeuvre africaine locale. Certaines ont recours à des méthodes de surveillance parfois dignes
du régime d'apartheid, comme l'a dénoncé avec force la documentariste Camille de Vitry dans un film intitulé Le prix de l'or en évoquant le cas du complexe industriel de Sadiola, site
d'exploitation proche de la frontière sénégalaise et sous la responsabilité de la multinationale sud-africaine Anglogold.
Une situation qui n'a pas l'air d'embarrasser les institutions financières internationales, partenaires de plusieurs concessions aurifères sous le confortable
label de «l'aide au développement». GILLES LABARTHE