À 58 ans, dont trente-sept passés derrière les barreaux, Philippe El Shennawy est à bout de forces. Abattu par le refus de la cour d’appel de Versailles de confondre de façon significative les 25 ans de prison qui lui restent à effectuer pour des braquages avec prises d’otages et des évasions répétées, il a cessé de s’alimenter depuis le 25 mai.
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L’examen approfondi de son dossier pénal a ouvert un mince espoir : un relèvement de la sûreté associée à ses peines a été demandé devant le tribunal d’application des peines. En cas d’issue favorable, Philippe El Shennawy pourra demander une libération conditionnelle. Une perspective incertaine qui demandera du temps. Son avocate n’espère pas d’audiance avant le mois de septembre.
« Il n’arrêtera pas », prévient pourtant Martine El Shennawy, compagne du détenu, contactée jeudi 28 juin par téléphone. « Ce n’est pas une grève de la faim, c’est un suicide. Il me dit que le seul droit qui lui reste est de mourir. »
À 58 ans, déjà affaibli par des grèves de la faim répétées, Philippe El Shennawy apparaît, selon ses proches, nettement diminué après 34 jours sans s’alimenter. Il boit seulement des boissons sucrées qui ne lui permettront pas de tenir longtemps.
Pour n’avoir pas cessé de répondre aux juges et de se battre pour ses droits de détenu, Philippe El Shennawy a payé au prix fort ses forfaits. Il n’a pas de sang sur les mains, mais reste jusqu’à aujourd’hui classé « détenu particulièrement signalé » malgré l’avis contraire du personnel pénitentiaire. « Même les médecins ont témoigné qu’il n’était pas dangereux lorsqu’il était placé en unité pour malades difficiles (UMD), sous camisole chimique, s’indigne Martine El Shennawy, qui a raconté son histoire dans un livre. On a voulu le faire taire, parce qu’il s’est battu contre la machine judiciaire. Parce qu’il n’a pas baissé les épaules. Mais c’est pourtant ce qui lui a permis de tenir. Sinon il serait déjà mort. »
L’avocate de Philippe El Shennawy rapporte aussi le désespoir de son entourage, qui manque aujourd’hui d’arguments pour le faire renoncer à ce dernier combat. « Ceux qui le côtoient sont très touchés, raconte Me Virginie Bianchi. Il est difficile d’accepter qu’il puisse mourir faute de perspectives. »
Le 18 mai, la cour d’appel de Versailles n’a accordé que 5 ans de confusion de peine à Philippe El Shennawy, repoussant à 2032 la date de sa sortie de prison. Une décision qui soulève l’incompréhension générale : « J’ai demandé que le juge d’application des peines et l’administration pénitentiaire puissent faire un rapport sur Philippe El Shennawy, comme c’est habituellement le cas dans ce type de procédure, raconte Virginie Bianchi. Mais ils ont refusé. »
Aucune indulgence n’a été accordée au quinquagénaire, au terme d’un parcours carcéral qui lui vaut une image de « dangerosité » qui ne correspond plus à sa personnalité. Celle d’un homme intelligent et déterminé, qui se passionne pour l’informatique et s’engage comme président d’honneur de l’association Ban Public. « Philippe El Shennawy ne représente plus aucun risque pour la société aujourd’hui. Sa détention n’a plus de sens, assure un professionnel proche du dossier, sous couvert d’anonymat. C’est une marque d’orgueil et une absence de considération folle de se prononcer sur un détenu sans s’enquérir de l’avis de ceux qui le voient tous les jours. »
Une course contre la montre se joue donc pour ses proches et une partie des professionnels. « Nous explorons toutes les voies possibles, parce qu’on ne sait plus comment le faire tenir, raconte Me Bianchi. Il me laisse mener toutes les actions tout en me disant qu’il ne croit plus en rien. »
Aucun recours en grâce n’a été adressé pour le moment au président de la République. La voie judiciaire est préférée à la voie politique, trop incertaine. Mais cela prendra du temps. Et pour l’heure, le désespoir et la détermination de Philippe El Shennawy restent entiers.