Comment rendre le RMI invivable, histoire de trouver de la main d’oeuvre pas chère pour les patrons et de réaliser des économies pour le Conseil général ?
Michel Mercier, président du conseil général du Rhône, a plein d’idées... Faire payer les parents et les ex-conjoints des Rmistes, multiplier les visites à domicile, cibler certains types de
précaires, compliquer l’accès au RMI, par exemple.
Un accès plus difficile au RMI
Quand le conseil général du Rhône parle d’une « organisation plus opérationnelle de l’accès au droit au RMI », nous devons bien
évidemment comprendre que quelques embûches seront ajoutées au parcours… avant même de percevoir quoi que ce soit.
Il s’agit en effet d’ajouter à la demande de RMI un questionnaire sur la situation du demandeur, qui comportera sans doute quelques questions pièges, surtout pour
quelqu’un qui n’est pas forcément informé et qui se sentira obligé de répondre pour que son dossier soit traité. Ce questionnaire facilitera très certainement les autres mesures de contrôles que
vient de prendre le département : composition familiale, isolement ou liens familiaux maintenus, situation au niveau du logement ou de l’activité, … Autant de détails qui peuvent donner lieu
à des vérifications, des baisses d’allocation, des soupçons de fraude. 
La déclaration d’impôts sera également exigée, sous prétexte de renforcer le contrôle des ressources. Normalement, seules les ressources des 3 mois précédents la demande sont prises en compte
pour étudier le droit au RMI, alors pourquoi la déclaration d’impôts ? Le Conseil Général du Rhône envisage-t-il de calculer les ressources sur une période plus longue que 3 mois ? Il
peut s’agir aussi de glaner quelques informations supplémentaires : à quelle adresse est domicilié le précaire pour les impôts, a-t-il déclaré un emploi salarié ? Une activité
indépendante ? Et puis, que se passera-t-il pour ceux qui n’ont pas fait de déclaration d’impôts ? Refus ? Allongement du délai d’attente ?
Le Conseil Général du Rhône affiche son intention d’appliquer le décret sur l’obligation de faire valoir ses droits aux créances
alimentaires. Et comme évoqué dans l’article Parents isolés et Rmistes : attention si on vous demande de faire
valoir vos droits à une pension alimentaire, il s’agit autant de l’ex-conjoint que des parents.
Une source d’économies à coup sûr pour le Conseil général : si un Rmiste demande et obtient une pension alimentaire de son ex ou de ses parents,
celle-ci sera déduite de son RMI (car il ne fait pas de doute que le caractère différentiel du RMI va être appliqué à la lettre) et il se sera peut-être fâché avec des proches qu’il aura
éventuellement assignés au tribunal, s’il ne le fait pas ou n’obtient pas de dispense, son RMI sera amputé de 200 euros .
Pour l’API la réduction maximale est celle du montant de l’allocation de soutien familial (81 euros), mais le texte du décret ne précise rien pour le RMI : chaque conseil Général sera donc
libre d’appliquer la réduction qu’il veut.
Un contrôle encore plus étouffant
Ceux qui réussissent à toucher le RMI ne doivent pas se réjouir trop vite !
Comme la plupart des départements, le Rhône met en place un système de référents pour tous les allocataires, et l’obligation de conclure un contrat d’insertion.
Mais il va plus loin : un nouveau cahier des charges pour les référents RMI prévoit des rendez-vous plus fréquents et en privilégiant les
visites à domicile. Signalons d’ailleurs que tout ce que les conseillers généraux socialistes ont trouvé à redire à cette mesure, c’est qu’elle augmente la charge de travail des
référents, et qu’il faut des compensations financières pour les associations. Quelle opposition !
Autre manière de contrôler (et de faire des économies) : cibler les précaires en fonction de certaines caractéristiques. A Paris, ce sont les intermittents du
spectacle et les démissionnaires qui ont droit à un traitement de faveur (la décision d’attribution du RMI est prise directement par le Conseil général de Delanoë, alors que les autres dossiers
sont traités par la CAF). Dans le Rhône, il s’agit des travailleurs indépendants et des gens du voyage, dont une CLI (Commission Locale d’Insertion, qui étudie le droit au RMI, participe aux
décisions de suspension) créée pour l’occasion s’occupera.
Sur les gens du voyage, le Conseil Général indique que les aides devront s’articuler avec la mise en œuvre du schéma départemental d’accueil. Faut-il comprendre que les personnes qui ne seront
pas dans une aire d’accueil officielle ne pourront pas avoir accès au RMI ?
La criminalisation est depuis la décentralisation un outil de baisse du nombre de Rmistes pour le département du Rhône. Depuis 2004, le Conseil
Général a déposé 235 plaintes auprès du procureur de la république, et va à présent être informé de tous les dossiers étudiés en commission de fraude des CAF et MSA (organismes payeurs
du RMI), « y compris ceux pour lesquels la fraude n’est pas retenue [mais dont] l’intention est établie » Rappelons que la loi française ne reconnait pas le
"délit d’intention" mais la mise en place d’un arsenal répressif s’adressant uniquement aux pauvres devient habituel (voir Pour condamner les pauvres, autant se passer de la justice …).
C’est vrai, les détenus ne peuvent pas percevoir le RMI, alors pourquoi ne pas envoyer les Rmistes en prison ?
C’est l’envers du RSA
Le RSA, c’est permettre aux employeurs de continuer à payer des salaires de misère et de profiter des formes d’emplois précaires en apportant un complément, pas
forcément financier et totalement arbitraire, pour que les allocataires des minima sociaux qui reprennent un boulot ne crèvent pas de faim, viennent à l’heure au boulot parce qu’ils ont eu une
place en crèche, etc…
Mais comme le RSA ne va sortir personne de la misère et de la précarité, il faut rendre le statut de Rmiste sans emploi invivable : en multipliant les
contrôles et les réductions d’allocation, en rendant l’accès au RMI plus difficile et plus long…
Comme on ne gagnera pas franchement plus en bossant (avec ou sans RSA), baissons le RMI pour rendre l’emploi comparativement plus attractif !
Sur le RSA, voir
aussi Le RSA de l’abbé Hirsch : la croix et le kärcher et l’interview d’une précaire d’AC ! parue sur le site de nouvel obs
Une certaine vision des précaires
Michel Mercier ne parle que d’insertion professionnelle quand il évoque le RMI. Même s’il estime que 40% des Rmistes sont « en souffrance » ou tout
simplement « malades » (il cite notamment les troubles mentaux, les problèmes d’alcoolisme…), et ne peuvent pas travailler à temps plein. Mais ils peuvent travailler ! Pour eux, il
existe des contrats aidés à temps très partiel, des entreprises d’insertion…
Même si Michel Mercier croit à la valeur travail, sa vision des Rmistes indique une orientation qui conduirait à ce que connaissent d’autres pays européens. Il y a
le Royaume uni, où le faible taux de chômage s’explique par le nombre de précaires placés dans une catégorie « handicapés inaptes au travail ». Mais il y a aussi
l’Espagne. Ce pays n’a pas d’allocation nationale comparable au RMI, mais certaines collectivités locales (entre la communauté d’agglomération et le Conseil général) ont des allocations de ce
type. Ainsi dans la communauté de Madrid, il existe une renta minima de inserciòn, que seuls les plus précaires demandent. C’est en partie dû aux critères, notamment la
prise en compte des ressources de toutes les personnes du foyer, quels que soient leurs liens. Cette allocation est perçue comme bonne seulement pour les gitans, les alcooliques, quelques mères
célibataires…
En gros, un sous-RMI pour ceux qui n’ont guère d’intérêt productif pour les patrons, teintée de psychiatrisation, et un filet bien serré pour ramener autant de
précares que possible vers l’emploi.
Depuis la décentralisation, un département à la pointe du contrôle et du retour à l’emploi contraint
En 2005, le Conseil Général lançait plusieurs opérations à destination des Rmistes du département. Pour commencer, l’opération « perdus de
vue », afin de reconvoquer les 6900 allocataires du RMI « inconnus des services sociaux du département » (sans contrat d’insertion et rendez-vous à
répétition avec un référent, les pauvres !). Résultat : 850 suspensions et 140 plaintes adressées au procureur. Plusieurs collectifs de chômeurs et précaires avaient à l’époque occupé
différentes (commissions locales d’insertion).
Ensuite, incontournable depuis 3 ans, l’opération « vengeance, pardon, vendanges » : déjà en 2005, 4000 Rmistes étaient convoqués pour des séances
d’information collectives destinées à les convaincre d’aller faire les vendanges, en échange d’un peu d’argent de poche en plus du RMI. L’opération avait fait pas mal de remous, de nombreux
précaires n’ayant pas l’intention de se faire exploiter de la sorte (voir le dossier RMI sur le site d’AC !
Rhône).
sur la politique
d’insertion du Conseil Général du Rhône au moment de la décentralisation du RMI et les actions menées contre, voir les articles publiés en 2005 par le collectif AC ! Rhône
Un sénateur qui aimerait étendre ses pratiques de président de Conseil général
Fin 2005, Mercier remettait avec Henri de Raincourt un rapport sur les minima sociaux, où il proposait de décentraliser aux départements
l’allocation parent isolé (non pas financé par l’Etat comme le RMI, mais par les cotisations de Sécurité sociale) avant de fusionner les deux allocations, et surtout, d’appliquer aux trois principaux minima sociaux (RMI, ASS, API) le même dispositif d’accompagnement que subissent les rmistes.
C’est ce qui se met en place : une partie des rmistes (cela dépend si le Conseil général fait partie de l’expérimentation) et tous les allocataires de l’API sont éligibles à
l’expérimentation du revenu de solidarité active. Pour les bénéficiaires de l’API, la question de l’accompagnement est discutée dans le cadre du vote de la loi.
Ils souhaitaient également que les conseils généraux aient la possibilité de graduer les sanctions à l’encontre des Rmistes (fautifs de quoi ?), ce que
connaissent bien les chômeurs indemnisés (ARE ou ASS).