L:u sur la liste résistons rezo cet article de presse et on publie, car c'est loin des ornières militantes.
Lancée quatre jours avant l’élection de Nicolas Sarkozy, en mai 2007, “l’affaire de la dépanneuse” sera jugée quelques jours après l’élection de son successeur.
Ce dossier d’association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroriste est le premier concernant “la mouvance anarcho-autonome” à arriver jusqu’au tribunal.
Antérieure à l’affaire de Tarnac, l’enquête marque le début de la préoccupation pour “l’ultragauche”, désignée par le pouvoir politique et les services de
renseignement comme une priorité dans la lutte contre le terrorisme.
Dans cette affaire, six personnes sont accusées de former un groupe voulant “porter atteinte aux intérêts de l’État” par des actes de sabotage. Certaines
d’entre elles ont fait de la détention préventive, jusqu’à un an. Mais un silence quasi-total a entouré les cinq ans d’instruction, comme nous l’écrivions en janvier 2011. Le procès débute lundi. Nous
republions ici un bref résumé avant le début des débats.
Un colis sous une dépanneuse
Le 2 mai 2007, des policiers regardent sous une dépanneuse de police, garée devant le commissariat de la rue de Clignancourt à Paris. Ils découvrent un sac
plastique contenant des bouteilles de liquide incendiaire et un dispositif de mise à feu. La section antiterroriste de la brigade criminelle est saisie pour identifier ceux qui ont déposé
ce paquet, qui n’a pas explosé, sur lequel la police recueille cinq
traces ADN.
En janvier 2008, des douaniers contrôlent la voiture d’un couple au
péage de Vierzon, dans le Cher. Dans leur coffre, ils trouvent un plan de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville, du chlorate de soude et de la documentation sur la
fabrication des explosifs. Après 96 heures de garde à vue sous le régime de l’antiterrorisme, Inès M. et Franck F. se retrouvent à Fleury-Mérogis et subissent le traitement réservé aux “détenus
particulièrement surveillés”.
L’ADN d’Inès correspond à
l’un de ceux relevés sous la dépanneuse de police. Identifiés depuis longtemps par les services de renseignement comme “appartenant à la mouvance anarcho-autonome”, Inès et Franck
deviennent les premières figures d’ultragauche mises en examen pour terrorisme depuis les lois de
1986.
Peu médiatisée malgré la constitution de comités de soutien et une large couverture dans les organes
militants, l’affaire échappe au grand public. Inès reste un an en détention provisoire, Franck quatre mois. En attendant une décision du magistrat, la justice les remet finalement en
liberté sous contrôle judiciaire.
Mélange pour fumigène
A l’époque de l’arrestation d’Inès et Franck, trois hommes en route pour une manifestation contre les centres de rétention sont interpellés à Fontenay-sous- Bois. Ils transportent des ingrédients pour fabriquer un fumigène : un mélange non explosif
de sucre, de farine et de chlorate de soude. Les policiers trouvent aussi quelques clous. Ils en concluent que les trois hommes possèdent de quoi confectionner une “bombe à clous”. Les analyses
chimiques contrediront cette hypothèse. Mais l’ADN de deux d’entre eux correspond à ceux de la dépanneuse.
Ces trois dossiers, ainsi qu’une tentative d’incendie dans un entrepôt de la SNCF, attribuée au frère d’Inès (dont l’ADN a aussi été retrouvé sur la dépanneuse)
pendant le mouvement anti-CPE de mars et avril 2006, ont été joints au même dossier, instruit par le juge antiterroriste Edmond Brunaud, qui a depuis quitté la galerie Saint-Eloi. Dans son
ordonnance de renvoi, celui-ci écrit :
“Cette tentative de destruction s’inscrivait dans une campagne de fait de même nature menée vraisemblablement par des groupuscules de l’ultra gauche hostiles à
la candidature de l’actuel Président de la République Française et ayant pour but l’atteinte aux intérêts de l’Etat, de troubler les élections présidentielles en embrasant les cités sensibles
de Paris et de sa banlieue par un effet de contagion.”
Les prévenus, hostiles à la classification policière de terrorisme et à ce qu’ils appellent “les journaflics”, ont toujours refusé de s’exprimer autrement que par
des lettres publiées dans leurs propres journaux et sites internet. On peut y lire le récit de leur vie en prison,
le déroulement des interrogatoires ou leur dénonciation de l’état de la société française. Leurs écrits et d’autres sont
regroupés dans trois dossiers intitulés “Mauvaises intentions”, qui font d’ailleurs le point de manière assez complète sur l’affaire.
Cinq demi-journées d’audience sont prévues au tribunal correctionnel de Paris pour ce procès.