Nos vœux vont notamment aux gens qui luttent, réfléchissent –
sachant “pleurer, rire et comprendre [essayer de-]” –, qui se battent
pour une tout autre vie : pour soi-même, les autres, dans une mise en
commune de singularités […]
Oreste, Lucia , 31 dicembre 2010
Bonjour à Vous
Nous avons pensé
solliciter votre attention et, si vous en tombez
d’accord, votre soutien actif, pour une cause qui peut sembler
modeste : tenter d’arracher deux personnes, deux Allemands, Sonja
Suder et Christian Gauger, un vieux couple heureux, vivant en
France
depuis 32 ans, à la mécanique implacable d’une procédure
d’extradition.
Nous, c’est le comité Stop-extraditions-Maisons-Abris, constitué au
cours de
la procédure menaçant Sonja et Christian, mais inscrit dans la longue histoire
des
résistances aux tentatives d’extradition d’anciens militants des années
70-80
ayant trouvé refuge en France depuis des décennies. Malgré de longs
mois
d’efforts, et bien que des initiatives locales nous aient montré une large
sympathie
de la part de ceux à qui nous avons pu nous adresser, notre voix s’est
perdue
dans la cacophonie des comptes rendus d’évènements, scandales,
mobilisations,
appels à l’aide, catastrophes… qui bombardent le quotidien, abasourdissent
les
consciences et tétanisent la volonté de tous et de chacun.
Vous, êtes de ceux qui peuvent nous aider. Parce que la menace qui
pèse
aujourd’hui sur ces deux personnes est de toute évidence absurde, indigne,
et
pourtant imminente, nous sommes décidés à nous y opposer immédiatement,
par
des gestes signifiants qui engagent notre dignité.
Nous proposons de partager notre engagement à des personnes qui, par
leur
talent et/ou leur volonté active, sont « reconnues », et dont la parole et les
gestes,
accompagnant les nôtres, auraient une plus grande résonance dans
l’espace
public.
Eux, leur histoire s’enracine dans le
terreau des révoltes sociales des années
70 à Frankfort, dans lesquelles ils se reconnaissent.
En 1978 sous le coup d’un mandat d’arrêt, ils quittent l’Allemagne pour
la
France.
En 2001, à l’issue d’une première procédure d’extradition, ils sont déclarés
non
extradables, les faits dont ils étaient accusés étant, en droit français,
prescrits.
Depuis lors ils vivent à visage découvert, dans leur petit appartement en
banlieue.
Quand en 2007 une nouvelle procédure d’extradition est lancée contre eux,
au
mépris flagrant du principe de « l’autorité de la chose jugée », puisque
aucun
élément nouveau n’est apporté depuis le jugement prononcé par la
même
chambre en 2001, c’est à la même adresse que les policiers les « trouvent » et
les
arrêtent.
Après une longue procédure, particulièrement éprouvante
pour qui est attaché aux normes classiques du droit, ce que
nous pouvons bien appeler la traque judiciaire
inter-transnationale
de nos camarades Sonja et Christian a atteint son
épilogue :
vendredi 3 Décembre dernier, le Conseil d’Etat a
émis un arrêt
de rejet du recours formé par Sonja et Christian
contre le décret d’extradition
signé en Juillet 2009 par le Premier ministre
François Fillon.
Un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme
a été déposé par Maître Irène Terrel, avocate de Sonja et
Christian, mais cette démarche n’est pas automatiquement
suspensive de l’exécution du décret.
Quelqu’un pourrait
demander :
« De quoi sont-ils accusés? »
Le jugement par contumace n’existant pas en Allemagne, Sonja et
Christian
sont encore aujourd’hui des « prévenus ». Le droit formel lui-même admet
une
distinction entre la « vérité judiciaire », décrétée par une sentence mais qui
ne
saurait jamais être définie comme effet ni source de « certitude absolue », et
la
« vérité historique » qui peut éventuellement échapper à jamais ou se révéler
à
travers des éléments nouveaux (c’est ce qui justifie, entre autres, l’abolition de
la
peine de mort).
Que dire alors de « la vérité » d’une histoire surgie d’une époque
devenue
quasi illisible aujourd’hui, faite de témoignages, d’actes d’accusation, d’articles
de
presse …
(Une note d’approfondissement (1) mise en annexe retrace toutefois les moments
clefs
de leur parcours).
« Que risqueraient-ils à leur retour en
Allemagne ? »
Evidemment, pas de certitude possible, mais de graves
inquiétudes légitimes.
(Vous trouverez également en annexe une note d’approfondissement
(2) à ce sujet).
Pourquoi cette extradition est-elle pour nous
intolérable ?
Le 10 Octobre 2009, le Président de la République Francaise
M. Sarkozy déclarait (interview au journal Le Figaro) : « Ce
n’est pas une bonne administration de la Justice que de
se
prononcer 32 ans après les faits, alors que l’intéressé
a
aujourd’hui 76 ans ». Cette déclaration
concernait la
question de l’extradition de Suisse de Roman Polanski,
citoyen français, réclamée à la Confédération Helvétique par
les Etats Unis d’Amérique.
Il se trouve qu’au moment même où il prenait ainsi position
publiquement dans une affaire qui ne relevait pas de son
pouvoir, Sonja et Christian recevaient la notification du
décret d’extradition signé par le premier ministre M.Fillon
au nom de l’exécutif dont le Président de la République est
le chef. Ceci 35 ans après les faits, alors que, comme Roman
Polanski, ils sont prévenus, réclamés en vue d’être jugés,
que Sonja avait alors 77 ans et Christian, de surcroît
cardiaque et souffrant de séquelles d’un accident cérébral,
69 ans….!
Nous avons alors, à l’époque, adressé au Président de la
République Française une Lettre ouverte
(Vous trouverez cijoint
le texte de cette lettre, la réponse d’un conseiller
technique de l’époque et notre réponse à celle-ci, que nous avons
placardée sur quelques murs de Paris).
En déclarant cela, avions-nous écrit, le Président de la
République n’exprimait pas une opinion, mais rappelait un
principe fondamental du droit, la nécessité impérative de
limites temporelles dans l’exercice de la Justice pénale.
Chose qui autorise tout pays à opposer, si ces conditions ne
sont pas remplies, un non possumus à une
extradition réclamée
par l’un de ses partenaires dans le système de relations
interétatiques. La Confédération Helvétique en a depuis fait
la preuve en refusant finalement de donner suite à la demande
d’extradition de Roman Polanski.
L’application ici d’un double poids-double mesure
est flagrante !
Du moment où, à leur corps défendant, Sonja et Christian
seraient expédiés vers les geôles d’Allemagne,
cette
déclaration du Président de la République subirait une
véritable mutation !
Elle finirait par donner raison à ceux qui, à l’époque de
« l’affaire Polanski », dénoncèrent « le privilège de
l’impunité pour les débauchés du Château »
[Cf. les réactions
publiées dans la presse]. Elle participerait ainsi au
populisme pénal qui réclame à hauts cris une justice infinie,
une punition sans fin, proche d’une véritable théologie de la
vengeance, avec lequel la déclaration du président de la
République semblait prendre une distance.
L’argument qui vaut, à lui seul, la pertinence
irréfutable d’une requête de refus
d’extrader, est –
dans le cas-Polanski comme dans le nôtre – celui du
temps
passé par rapport au « délai raisonnable » requis en
Droit
afin que soit remplie une des conditions nécessaires à
la
définition de « procès équitable ».
Cher(e)s
ami(e)s
Nous pensons que, en dépit de notre évidente pauvreté
des
moyens, il nous revient de nous interposer afin de ne
pas
laisser commettre cette véritable forfaiture.
Nous nous devons de considérer, d’abord, le sort de Sonja
et Christian comme suspendu, entre autres (et c’est cela qui
nous concerne), à notre capacité de manifester notre volonté
de nous opposer à cette extradition absurde et inique, en
organisant une campagne et des gestes de solidarité concrète
et de résistance active.
Nous avons envisagé et voulons proposer différentes actions
: parrainages / constitution d’un réseau d’accueil de
personnes déclarant publiquement leur décision d’héberger
Sonja et Christian / avec au centre un lieu - abri de mise
en lien et d’agitation.
(Pour plus d’informations sur l’initiative de Maisons-Abris,
vous trouverez ci-joint la documentation des deux journées de
mobilisation qu’ont eu lieu le 25 et 26/07/09. Une vidéo de 5 mn
est visible sur Daily Motion ou Rue 89 vidéo, titre : Alerte
Extraditions !).
Nous sommes prêts, quant à nous, à déclarer publiquement et
appliquer effectivement ces décisions.
Mais pour percer le mur de silence et d’indifférence à
l’abri duquel risque de se commettre cette indignité, nous
proposons aussi de partager notre engagement, à des personnes
dont la parole et les gestes auraient une plus grande
résonance dans l’espace public.
Nous venons donc vers vous, pour vous proposer un
geste
de solidarité concrète, un
parrainage actif :
déclarer publiquement que vous êtes prêts, dès à présent,
à
les héberger,
à faire de votre lieu de vie une
Maison-Abri.
Une trentaine de personnes (dont nous communiquerons les
noms à qui prendra contact avec nous en vue de participer à cette
action) a déjà pris cet engagement, mais nous avons besoin
d’encore bien plus d’énergie contre la menace et autour de
Sonja et Christian !
Ce geste pourrait, se reliant à d’autres initiatives,
d’autres gestes, concourir à élaborer ensemble, à créer une «
micro-politique » (au sens de Michel Foucault), un point de
résistance au monstre froid de la « Raison d’Etat », qui se
manifeste ici dans un mélange de ridicule et de cruauté
Nous venons donc vers vous, pour vous proposer un
geste
de solidarité concrète, un
parrainage actif :
déclarer publiquement que vous êtes prêts, dès à présent,
à
les héberger,
à faire de votre lieu de vie une
Maison-Abri.
Une trentaine de personnes (dont nous communiquerons les
noms à qui prendra contact avec nous en vue de participer à cette
action) a déjà pris cet engagement, mais nous avons besoin
d’encore bien plus d’énergie contre la menace et autour de
Sonja et Christian !
Ce geste pourrait, se reliant à d’autres initiatives,
d’autres gestes, concourir à élaborer ensemble, à créer une «
micro-politique » (au sens de Michel Foucault), un point de
résistance au monstre froid de la « Raison d’Etat », qui se
manifeste ici dans un mélange de ridicule et de cruauté
particulièrement révoltant.
Nous avons ainsi pensé à une rencontre entre Sonja et
Christian et vous, leurs hôtes, dans celle qu’a été la
première Maison-Abri, au cours de laquelle une
déclaration
publique commune pourrait être faite, s’adressant, à travers
les médias que nous espérons pouvoir intéresser à cet
événement, à ceux qui ont entre leurs mains le sort de ces
deux « extradables ».
Nous avons imaginé offrir pour tous ceux, connus et
inconnus, qui auront entendu notre appel, dans ce même lieuabri,
une belle fête, d’une chaleur lucide, au coeur de cette
époque et de ce monde réfrigérés. Ces projets, évidemment,
restent à mettre en forme, et chacun prendra, dans cette
danse de vie autour d’un couple d’amoureux, la place qui lui
convient.
Pour le dire avec Gilles Deleuze et Félix Guattari, les
« pratiques de solidarité concrète » sont en quelque sorte la
forme élémentaire, moléculaire, immédiate, dans laquelle
commence à être pratiquée, avant tout par respect de soi,
« amor sui », une « morale provisoire » : «
tâcher d’être à
la hauteur de ce qui nous arrive » …ou qui
vient d’arriver
près de chez nous !
Nous sommes, nous aussi, habités par cette évidence qu’une
vie humaine vaut toutes les autres et toutes les grandes
causes collectives, et mérite en particulier d’être défendue
de toute notre énergie contre tout abus de pouvoir.
Nous nous devons de tout mettre en oeuvre pour obtenir la
suspension de l’exécution du décret d’extradition de Sonja et
Christian, pendant le temps du recours devant la « Cour
Européenne des Droits de l’Homme », et son report (terme
juridique pour abrogation)
définitif.
Ne laissons pas extrader Sonja et Christian !
C’est pour cela que nous nous permettons de solliciter, (dans
les délais les plus courts possibles, l’exécution de
l’extradition pouvant légalement se faire à tout moment),
votre réponse.
Si vous êtes d’accord pour vous impliquer dans cette
histoire, contactez-nous :
Soit par mail : janielacoste@gmail.com
Soit à l’adresse : Janie Lacoste 67 Rue de la mare 75020
Soit par téléphone : 09 51 51 07 10 — 06 85 14 05 21
Dès que des réponses nous seront parvenues, il nous faudra
rédiger une courte déclaration commune et un texte
de
soutien à cette initiative que nous ferons circuler le
plus
largement possible
* * *
Vous trouverez toutes informations et documents sur le
site
www.stopextradition
s.org
Courriel :
stopextraditions@hotmail.fr
En annexe : notes d’approfondissement
Note (1)
Parcours judiciaire de Sonja et Christian
- Le 15 Septembre 1978 un juge fédéral émettait un mandat
d’arrêt contre eux. Ils auraient, selon le Ministère
public, participé à deux attaques contre des entreprises
faisant commerce d’uranium avec l'Afrique du sud, et à un
incendie criminel contre le château d'Heidelberg, qui fera
des dégâts matériels.
- La même année, Hermann Feiling, militant se réclamant de
la mouvance des Cellules Révolutionnaires (RZ), est
grièvement blessé par son propre engin au cours de la
préparation d’un attentat contre le consulat d’Argentine,
attentat par lequel il entendait protester contre
l’organisation de la coupe mondiale de foot dans un pays
ensanglanté par le putsch militaire de Videla deux ans plus
tôt.
Maintenu en isolement à l’hôpital, interrogé pendant des
mois par la police, il finit par impliquer Sonja et
Christian. Il reviendra plus tard sur ses déclarations, mais
sa parole ne sera pas, cette fois, retenue.
Se sentant suivis par la police, Sonja et Christian
quittent l’Allemagne et viennent vivre en France.
Difficile aujourd’hui de ressentir le climat de l’époque en
Allemagne, de se souvenir clairement de la sinistre prison de
Stammheim, du “modèle allemand” de répression spéciale, dont
on retrouvera la violence dans la Grande Bretagne de Thatcher
contre les indépendantistes Irlandais.
- Ce n’est qu’en 1999, donc plus de 20 ans plus tard, que
de nouveaux chefs d’inculpation apparaissent contre Sonja:
participation à la prise d'otages du siège de l'OPEP à Vienne
et complicité dans une tentative d’assassinat.
Cette accusation s’appuyait sur la parole d’un ex-militant,
Hans Joachim Klein. Personnage au parcours complexe, Klein vit
réfugié en France depuis 1977, il y publie un livre où il
reconnaît sa participation à cette action et prend ses
distances avec la
trajectoire finale de son passé militant.
Ce livre fait de lui un personnage connu. Il est arrêté et
extradé en 1998 . Au cours de son procès, il prononce des
regrets à propos de son passé et, pour la première fois, il
livre des informations impliquant plusieurs personnes, dont
Sonja (plus tard, il se rétractera à son sujet
*). Il est
condamné à 9 ans de detention. En 2003, après 5 ans de prison,
il a été libéré et le ministre de la Justice de Hesse a
définitivement effacé le reste de sa peine pour que Klein
puisse "avoir la possibilité de redevenir définitivement un
membre de la société". (Source AFP).
[*Cf. Libération du 12 décembre 2010 : « Arrêté en France, Hans-Joachim Klein, l’ancien bras
droit de
Carlos, issu des RZ, avait désigné en 1999 Sonja Suder comme l’une des personnes
ayant convoyé les armes
utilisées pour la prise d’otages de Vienne. En 2000, lors de son procès à
Francfort, il s’était ravisé en précisant
ne pas l’avoir vue ».]
Depuis il vit de nouveau en France. Or, à son procès, Klein
n’a, pour le moins, pas « parlé d’or » : cela a été depuis,
affirmé par la justice allemande elle-même.
Citons à ce propos l’article du Tageszeitung
(TAZ), qui
rend bien compte de la complexité de la situation :
« L’arrestation de Klein en 1998, comme ses affirmations
quant à la participation de Suder sont une surprise totale.
En Décembre 1975, Klein a dirigé un commando, responsable de
la mort de trois personnes à Vienne, sous la direction de
Ilich Ramirez Sanchez, plus connu sous le nom de
Carlos. Lors
de l’action, Klein, lui-même blessé, et d’autres membres du
commando réussirent à prendre la fuite avec des ministres de
l’OPEP comme otages. En 1976, un commando germano-palestinien
détourne ensuite un avion d’Air France sur Entebbe ; au cours
de l’opération Wilfried Böse et Brigitte Kuhlmann, considérés
comme les chefs historiques des Cellules Révolutionnaires
(RZ), sont tués. Après cette mort, les Cellules
Révolutionnaires se reforment et s’éloignent des groupes du
Moyen-Orient et des méthodes de Carlos ». Ils critiquent la
réduction des horizons de « la gauche
anti-impérialiste » à
un anti-américanisme et anti-sionisme finissant pour devenir
omnivores, et préconisent des attentats de sabotage qui ne
provoquent pas de victimes.
« Sur requête pour complément d’information, le Parquet de
Francfort confirme aujourd’hui, qu’avant 1999 et mis à part
les déclarations de Klein, il n’y a aucun indice permettant
de soupçonner que Suder aurait appartenu aux RZ dans cette
première phase et jusqu’en 1976.
Klein - dont la crédibilité comme témoin est souvent
comparée à celle de Peter-Jürgen Boock, ex-membre de la RAF
et notoire « raconteur d’histoires » - a accusé, en 1999, des
membres des Cellules Révolutionnaires ainsi que d’autres
personnes d’avoir participé à l’attaque contre l’OPEP. Rudolf
Schindler comparaissait déjà pour cette raison en 2001 devant
le tribunal de grande instance de Francfort. Il a été
acquitté de l’accusation de participation à la prise d’otages
de Vienne, malgré les déclarations de Klein. La Cour mettant
en doute « les certitudes de Klein suite à la présentation
des photos d’identité judiciaire le 2.9.1999 ». En effet,
celui-ci accusait Schindler mais également Suder bien
« qu’auparavant il n’ait jamais mentionné la présence d’une
autre femme » déclarait le Tribunal en 2001. Aujourd’hui
encore, en dehors des affirmations de Klein, la justice ne
possède aucun autre fait contre Suder dans l’affaire de
l’OPEP ». (Article paru le 21/03/2010 dans le journal berlinois le
Tageszeitung ).
- Quand ils sont arrêtés en 2000, les faits, datant de
1975 et 1978, sont prescrits, et Sonja et Christian sont
déclarés non extradables. Ils commencent alors une nouvelle
vie à visage découvert.
- En 2007, la nouvelle demande formulée par l’Allemagne
s’appuie sur la nouvelle règle européenne
concernant
l’extradition, qui – en matière de prescription
–
prevoit que soit appliquée la législation du pays
demandeur.
Or l’Allemagne ne faisant pas de jugement par contumace,
applique des délais de prescription plus longs et donne
pouvoir aux juges de doubler ces délais. La requalification
des délits est suffisante aussi pour les augmenter. C’est
ce qui s’est passé dans leur cas. (cf article
TAZ). Pour la
justice allemande, il n’y a donc pas prescription.
Voilà donc, en rupture avec la tradition du droit, une
décision de justice balayée par une autre, appliquant
rétroactivément des régles « défavorables aux justiciables »,
voilà une assurance donnée par l’Institution Judiciaire à des
personnes de pouvoir vivre ici, et qui, 10 ans plus tard, est
reniée par la même Institution (la même Chambre, possiblement
les mêmes juges), condamnant ces personnes à un exil forcé et
les livrant à un destin menaçant.
Note (2)
Que risquent-ils ?
Leur sort est imprévisible, mais une chose est certaine, ils
seront séparés et emprisonnés directement à leur arrivée en
Allemagne.
Ensuite une décision sera prise de maintien en détention ou
de mise en liberté conditionnelle pendant la durée de
l’instruction. Cette décision peut être différente pour
chacun.
Leur statut de prévenu qui, en droit, fait d’eux des
« présumés innocents », donne aussi, paradoxalement, une
apparence de légitimité à la demande d’extradition, puisqu’il
s’agirait, au nom de la recherche de la vérité, de les
présenter à la justice. Or, c’est cette « quête de la
vérité judiciaire», inquisitrice et pénale, qui, en
interdisant entre autres un libre examen critique du passé a
créé, en 35 ans, un imbroglio de déclarations sujettes à
caution, de rétractations elles aussi contestées, de faits
impossibles à vérifier aujourd’hui, d’enquêteurs et juges en
retraite ou décédés.
On pourrait imaginer que ces difficultés induiraient une
décision rapide de non-lieu ou d’acquittement pour manque de
preuve, mais le plus probable est plutôt qu’ils se
trouveraient maintenus longtemps sous la pression de
l’instruction. France/info, rendant compte des
réactions en
Allemagne à la décision française de les extrader, notait que
« Suder et Gauger sont considérés comme la dernière pièce du
puzzle », la dernière chance pour la Chancellerie de faire la
lumière sur les énigmes demeurées non résolues des actions
des mouvements subversifs des années 70.
Seule une amnistie pourrait libérer une parole qui reste
encore aujourd’hui, dans le cadre pénal, prise dans ce piège
implacable où s’entremêlent indissolublement aveu, calomnie,
peur, « repentir », dénonciation… . Elle seule rendrait
possible d’amorcer la reconstitution factuelle et réfléchie
de l’histoire de cette « époque troublée ». Mais c’est un
autre choix qui a été fait : faire passer la
traque infinie
des militants de cette époque pour une "victoire contre le
terrorisme" incessamment rejouée et, du même coup,
criminaliser l'idée même de révolte sociale et affirmer
l'inéluctabilité de sa défaite totale (dans l'isolement,
l'incompréhension et le "déshonneur" de ses acteurs,
jusqu'aux derniers).
Il est, selon nous, proprement effarant, qu’une vie
commencée sous le nazisme (et Sonja est emplie encore du
climat étouffant d’une enfance marquée par la peur de parler,
la méfiance structurelle entre les gens, l’interdiction, dans
une famille antifasciste, de partager l’enthousiasme des
autres), suivie d’une jeunesse dans un pays écrasé, occupé,
honteux de lui-même et toujours sans parole, puisse se voir
voler ses dernières années par une traque infinie, revenant à
lui infliger de fait un traitement qui
rappelle
l’ « imprescriptibilité à jamais » réservée en
droit
jusqu’ici aux « crimes contre l’humanité » –
chef
d’inculpation formulé pour définir les génocides nazi
(pour
en signifier l’horreur
extrême)!
www.stopextraditions.org
Courriel : stopextraditions@hotmail.fr