Ecrivain anarchiste, il passera sa vie à brouiller les pistes, changeant d'identité, de pays, de métier, etc. Ce n'est qu'après sa mort que l'on saura, avec certitude, que B. Traven était bien Ret Marut, militant anarchiste, créateur du journal anarchiste " Der Ziegelbrenner" entre 1917 et 1921, à Munich.
Lorsque la République des Conseils de Bavière est proclamée, le 7 avril 1919, Ret Marut travaille avec Landauer et Eric Mühsam. Echappant de peu à la répression qui suivra, on perdra sa trace.
C'est en 1926 que sortira son premier roman "Le vaisseau des morts", sous le nom de B. Traven. La plupart de ses livres, sous couvert de récits d'aventure, mettent en scène des indiens du Mexique, que la faim et l'exploitation poussent à la révolte.
Outre "Le trésor de la Sierra Madre", on peut citer surtout "La révolte des pendus", "La charrette", "Rosa Blanca". Des extraits de "Der Ziegelbrenner" ont été publiés en français sous le nom de "Dans l'état le plus libre du monde" (Ed. de l'insomniaque,1994).
e n’est pas B. Traven qui le fera mentir. Quoiqu’il soit mort au Mexique à un âge avancé il y a plus de trente-cinq ans – après avoir vendu à des millions d’exemplaires ses livres traduits dans des dizaines de langues –, Traven est considéré en France comme un romancier d’aventure quasi exotiques. C’est tout juste si l’on se souvient qu’il est l’auteur du Trésor de la Sierra Madre. Dans ce pays où n’importe quel imbécile vaguement lettré confond Clemenceau et Louise Michel, c’est intentionnellement qu’on ignore B. Traven, l’un des plus grands écrivains du vingtième siècle. Le Vaisseau des morts et La Révolte des pendus (réédités par La Découverte, collection « Culte Fictions » dirigée par J.-C. Zylberstein), soi-disant redécouverts aujourd’hui, furent parmi les premiers écrits de Traven traduits en français dès les années 1930. Pour Le Vaisseau des morts, on nous annonce fièrement qu’il s’agit de « la première traduction intégrale » par Michèle Valencia. Mais de qui se moque-t-on ? Charles Burghard l’avait traduit en 1934. Et où l’adaptation du poète suisse Jaccottet desservait-elle l’intention de l’auteur ? Espérons que la traductrice a été honnêtement payée pour faire de la paraphrase. Pour ce qui est de « l’éditeur » qui signe courageusement la notice liminaire « Sur B. Traven », les qualificatifs viennent à manquer. On ne saurait faire plus faux-jeton, car même un analphabète a loisir de se renseigner. Donc, plutôt que de lire des demi-vérités assorties d’escroqueries manifestes, rétablissons ce que nous savons sur l’écrivain qui s’est caché quatre-vingt-dix ans sous divers pseudonymes.
Jointe en 1926 au manuscrit de Das Totenschiff, la lettre adressée à la Büchergilde Gutenberg (club du livre ouvrier qui eut, sous la direction d’Ernst Preczang, grande influence sous Weimar) spécifiait : « Quand on postule pour un emploi de veilleur de nuit ou d’allumeur de réverbères, on se voit demander un curriculum vitae à bref délai. Mais ce n’est pas une chose à exiger d’un travailleur qui crée des œuvres intellectuelles. C’est impoli. Et c’est l’inciter à mentir. Particulièrement s’il croit, pour des raisons bonnes ou mauvaises, que sa vie véritable pourrait décevoir les autres. Cela ne vaut certes pas pour moi. Ma vie personnelle ne serait pas décevante. Mais elle ne regarde que moi, et je tiens à ce qu’il en soit ainsi. Non par égoïsme. Mais parce que je préfère être juge moi-même de mes propres affaires. » Son héros, Gale, est décrit comme un « marin américain déserteur » qui a trouvé refuge au Mexique parce qu’il était « indiscret, et quasi insultant, de s’y livrer à des investigations sur le nom, la profession, la provenance et la destination de quelqu’un » [2]. Mais dès sa publication en Allemagne, Oskar Maria Graf et Erich Mühsam s’étaient souvenus de leur compagnon de lutte du temps de la République des conseils de Munich. Le révolutionnaire allemand Traven, alors connu sous le nom de Ret Marut, éditait depuis 1917 la revue radicale Der Ziegelbrenner [3]. Pris par la soldatesque le 1er mai 1919, il échappa par une chance inouïe à la sanglante répression, puis fut condamné à mort par contumace : il avait donc bien des raisons de ne jamais vouloir passer pour un émigrant allemand et de récuser toute « qualité de compatriote » avec les massacreurs du prolétariat allemand. Il ressort bien des lettres et des articles de Traven consacrés à sa « biographie » que cet opiniâtre anonymat découle surtout et d’abord de sa conception du monde : « Je veux, pour ma part, contribuer à ce que disparaissent les autorités et le respect de l’autorité, que tout homme conforte en lui-même sa conscience d’être tout aussi important et indispensable à l’humanité que n’importe quel autre, quoi qu’il fasse et quoi qu’il ait fait. » [4]. Si la littérature, c’est des mots qui ne se contentent pas de n’être que des mots, les éditeurs modernes ne sont que des menteurs et des fieffés escrocs. Le seul article honnête paru en France était jusqu’ici celui de Claire Auzias (Traven est de retour, Chimères, été 1997), qui se souvenait que ses cendres dispersées au-dessus d’Ocosingo appelaient avec vingt-cinq ans d’avance la révolte des indigènes du Chiapas