Une lettre ouverte de la part de proches de Nabil :
Le 12 février 2013,
Nous avons écrit à de multiples reprises l’administration pénitentiaire au sujet de la situation de notre ami Nabil. Sans jamais aucune réponse ni réaction. Alors, nous adressons cette lettre à toute personne qui voudra bien la lire et la relayer, en espérant que cela permettra de faire savoir comment l’AP s’acharne sur lui et de faire évoluer sa situation. Nous avons bien conscience que son cas n’est pas unique et souhaitons bon courage à tous les détenus subissant ce genre de choses, et à celles et ceux qui les aiment !
Depuis des années, nous avons pu observer à quel point l’incarcération est destructrice. Nabil avait pourtant un parcours carcéral qui semblait plutôt « normal ». Après d’autres incarcérations qui avaient été plus « tumultueuses », il faisait tout pour éviter les soucis avec l’AP (et pourtant c’est parfois difficile !). Il faisait des projets de sortie dans lesquels nous le soutenions : il souhaitait demander une libération conditionnelle pour mener à bien un projet de maraîchage. Ensemble, nous lui avions trouvé un logement et un employeur. Il n’a jamais été soutenu par les juges, SPIP, etc. et n’a obtenu que des refus. Ce qui est profondément déprimant et révoltant.
Depuis des mois, il subit ce qui nous semble être un acharnement particulier, une situation de plus en plus hardcore. Certains surveillants lui mettent régulièrement la pression, voire le menacent. Il subit des fouilles répétées que nous qualifions de harcèlement. Quelques objets trouvés lors de ces fouilles (Lettres ? Clés USB ? Une machine à tatouer bricolée ??? ...) semblent avoir finalement fourni le prétexte d’un placement à l’isolement. Notre ami est au fond d’un couloir dont on a l’impression qu’on n’atteindra jamais le bout, on nous éloigne de plus en plus, de jour en jour. C’est intenable.
Au quartier d’isolement, il est enfermé en cellule toute la journée, seul, sans voir personne, sauf les surveillants, quelques fois dans la journée. Il voit de temps en temps le personnel médical. Qui ne semble d’ailleurs « pas inquiet » quand une personne qui pèse aujourd’hui 51 kilos en a perdu 15 au cours des derniers mois, quand une personne en est venue à sa taillader le torse pour qu’un surveillant lui restitue ses affaires alors que c’était son dû. Il est en isolement strict, il n’a le droit de parler à personne, de voir personne. Il a accès quelques heures par jour à une « salle d’activité »... où il n’y a pas d’activités pour une personne seule ! Il y a un babyfoot, histoire de lui rappeler à quel point il est seul ! L’accès à un livre de bibliothèque est compliqué par des procédures extrêmement complexes puisqu’il n’a pas le droit de voir le bibliothécaire. La « cour de promenade » semble être une farce : un minuscule carré de quelques mètres aux murs très hauts et plafonné de grillages. Il refuse d’y aller. Quoi de plus compréhensible ? Ce n’est pas un endroit pour prendre l’air. Il ne peut pas se procurer le minimum vital : les mandats que nous lui envoyons mettent dix jours à lui parvenir. Comme la plupart de nos lettres.
Heureusement, les parloirs sont maintenus (même s’ils se déroulent dans des cabines spéciales, minuscules, avec dispositif de séparation et avec toute une mise en scène ultra sécuritaire quand il y est amené, heureusement qu’on en rit !). Quand il arrive au parloir, il a du mal à parler car il ne parle plus de la journée, avec personne. (Sauf quelques surveillants, trois fois par jour.) Ces moments sont extrêmement précieux pour lui et pour nous. A trois reprises des surveillants ont posé des soucis pour l’entrée au parloir. Ils lui ont dit, ou ont dit à la personne venue le visiter, qu’il n’avait pas de parloir, que le rendez-vous n’était pas inscrit, ou annulé. Ce qui était faux. Nabil a du insister à chaque fois, étant persuadé qu’il avait bel et bien un rendez-vous et qu’il y avait droit. Nous n’avons pas compris pourquoi cela s’était produit. Mais ce que nous savons, c’est que ces parloirs sont les seules choses qui le rattachent au monde, ils sont vitaux pour lui, mais aussi pour ceux et celles qui l’aiment. Le priver de cela, c’est vraiment tenter de lui faire péter les plombs.
Notre ami nous a dit pour la première fois qu’il avait peur des surveillants, nous prenons ça très au sérieux. Certains l’ont provoqué, menacé, essaient de le pousser à bout. Ils profitent de sa situation : complètement isolé face à eux, comment se défendre et être soutenu ?
Il nous semble que certains surveillants cherchent des personnes à punir, coûte que coûte, suite aux évènements survenus dans cette prison. Est-ce que Nabil est une cible idéale parce qu’il a porté plainte contre la maison d’arrêt de La Talaudière ? Parce qu’il a parfois écrit publiquement au sujet de la prison et de ce qu’il en pensait ? Parce qu’il exprime parfois ce qu’il pense un peu fort en détention ? Nous partageons ses positions et avons compris à quel point c’était dangereux, mais vital, d’exprimer son avis en prison, de ne pas toujours se laisser faire.
Pour l’instant, Nabil a réagi avec les mots et exigé que les droits lui soient appliqués « normalement ». Quand il s’est senti poussé à bout, il s’en est parfois pris à lui-même pour exprimer sa protestation, ce qui est inquiétant. Mais c’était un moyen de ne pas réagir directement aux provocations pénitentiaires.
Nous nous sentons parfois bien seules et impuissantes face à cette situation, alors nous pensons à tous ceux et toutes celles qui subissent pareil, voire bien pire. Nous ne baisserons pas les bras. Nous espérons que d’autres (amis ou inconnus, de dedans ou de dehors...) seront solidaires.
Son avocat a déposé un recours au tribunal administratif afin de le faire sortir de l’isolement.
Des proches de Nabil.
P.-S.
Pour avoir un récpitulatif (non-exhaustif) de ce qui s’est passé là-bas et suivre la lutte qui s’y mène : http://luttes-au-centre-de-detention-de-roanne.overblog.com