Le 29 mai 2012 à La Paz, capitale de la Bolivie, une vague de perquisitions est menée par la FELCC (force spéciale de lutte contre le crime), lors de laquelle treize personnes sont embarquées. De délation en délations, il ne reste que cinq inculpés, accusés d’un certain nombre d’attaques incendiaires ou explosives contre l’administration pénitentiaire, le vice-ministère de l’environnement, une caserne militaire, banques et entreprises entre 2011 et 2012. Parmi eux, Henry Zegarrundo est le seul à être resté digne de son éthique anarchiste face à l’Etat et ses sbires, rejetant toute forme de délation et d’innocentisme. Il est toujours incarcéré à la prison de San Pedro à La Paz. Voici donc un recueil de lettres de prison et de textes de contre-information et de solidarité sur la situation du compagnon et sur l’affaire en général, car pour nous anarchistes, la solidarité ne connaît pas de frontières.
Le 29 mai 2012 à La Paz, capitale de la Bolivie, une vague de perquisitions est menée par la FELCC (force spéciale de lutte contre le crime), lors de laquelle treize personnes sont embarquées. Parmi celles-ci, l’Etat ratisse très large dans les milieux punks et libertaires, arrêtant anarchistes, punks, membres d’organisations comme l’OARS (Organisation Anarchiste pour la Révolution Sociale), le Red Verde por la Liberación Total (Réseau vert pour la libération totale) ou le CJAC (Collectif des Jeunes Anarcho-Communistes), artistes, hares krishnas [1]... La plupart des interpellés sont relâchés le soir même, certains n’ayant visiblement pas su (ou voulu) tenir leur langue lors des premiers interrogatoires.
Après ce premier tri, quatre personnes restent inculpées : Henry Zegarrundo, Nina Mancilla, Renato Vincenti et Víctor Hugo Gironda (les deux derniers sont
membres de l’OARS). Le 31 mai, des mesures préventives sont décidées lors d’une audience : Henry et Nina sont placés en détention provisoire, tandis que Renato et Víctor sont assignés à
résidence et non incarcérés sous le motif de « collaboration et engagement à continuer de collaborer », car ces balances auraient au moins donné des noms de supposés membres de la
FAI-FRI [2].
Un cinquième inculpé, Mayron "Krudo" Mioshiro, est, lui, arrêté le 4 juin et mis en détention préventive. La maison de sa mère avait été perquisitionnée le 29 mai
mais il ne s’y trouvait pas.
Le 30 mai, Henry et Nina sont présentés par le pouvoir, lors d’une pompeuse conférence de presse, comme une dangereuse cellule terroriste avec des liens internationaux. Carlos Romero, Ministre de l’Intérieur, y expose en guise de « pièces à conviction » saisies lors des perquisitions : des fanzines, affiches, drapeaux, patchs, vestes et masques de carnaval ainsi qu’un revolver de calibre 22 (trouvé chez Renato Vincenti).
Les accusations pour Henry, Nina et Krudo sont « terrorisme » et « tentative d’homicide » et concernent en tout une vingtaine d’attaques revendiquées par la FAI-FRI entre 2011 et 2012, dont des sabotages de distributeurs de billets, des attaques contre la Direction du Régime Pénitentiaire, le vice-ministère de l’environnement, une caserne militaire, des fast-foods (Burger King, Pollos Copacabana), un importateur de voitures Renault (après les élections présidentielles en France), des supermarchés, etc.
Depuis le début, Nina affirme de façon abjecte son « innocence », qu’elle n’a rien à se reprocher et demande à l’Etat que « justice soit
faite » contre les « vrais coupables ». En septembre 2012, elle sort une lettre publique où elle clame à nouveau son « innocence », et où, sans citer de nom mais en
donnant tout de même des informations détaillées, elle dit reconnaître la femme (désignée par l’accusation comme étant Nina) que l’on voit sur une vidéo de sabotage de distributeur de billets.
Elle lui demande de « prendre ses responsabilités », c’est-à-dire d’aller se livrer aux flics, conséquence logique, selon elle, de l’éthique libertaire, comme si l’éthique libertaire
consistait à remplir les prisons. Depuis, l’Etat a su récompenser la dissociation et la délation de Nina par une assignation à résidence, plutôt que l’incarcération comme Henry.
Peu après, Virginia Aillón, une écrivaine figure du milieu libertaire bolivien mais pas mise en examen, s’y met aussi en publiant une lettre au titre
univoque : « innocents !!! », qui appuie tout ce qu’avance Nina comme arguments autoritaires et pro-délation, et affirme inlassablement l’innocence de Nina et Henry.
Henry rompt alors tout contact avec Nina et ceux qui la défendent et leur demande publiquement de ne plus se solidariser avec lui.
Henry a écrit deux lettres depuis la prison, et une interview réalisée au parloir fin 2012 a également été publiée. Il y montre sa fermeté dans le refus du jeu du « coupable » et de l’« innocent » et dans le rejet de la délation. Il a toujours maintenu une position très digne, en accord avec son éthique anarchiste, ne se dissociant jamais des pratiques dont il est accusé, tout en précisant qu’il ne fait pas partie de la FAI/FRI.
Beaucoup de débats ont eu lieu autour de la question d’une solidarité avec Krudo. En effet, ce dernier a signé une déclaration portant préjudice à Henry et Nina lors de sa première audience. Il a depuis expliqué sa confusion dans ses deux lettres, racontant que l’on a modifié ses déclarations et qu’il n’a pas osé changer avant de signer, son avocat commis d’office le poussant, selon lui, à sauver sa peau au détriment des autres. Même si nous reconnaissons la bonne volonté qu’il montre à vouloir désormais rester clair dans ses rapports avec la justice, pour nous cette « erreur » n’est pas excusable, surtout lorsque ses explications par rapport à son craquage ne sont jamais bien claires. Il est actuellement enfermé à la prison pour mineurs de Qalauma (officiellement centre de réinsertion sociale pour adolescents et jeunes privés de liberté).
Aujourd’hui, Henry est incarcéré à la prison de San Pedro à La Paz. Son avocat tente de lui obtenir l’assignation à résidence à la place de la détention préventive, mais les audiences ont été reportées 8 fois pour cause d’absence de procureur, d’absence du dossier d’instruction etc. Lors de la neuvième audience, le juge a refusé l’assignation à résidence. Deux audiences ont de nouveau été suspendues depuis, et avant la prochaine doit avoir lieu un changement de juge (demandé par Henry).
On peut écrire à Henry en envoyant un mail à solidaridadnegra@riseup.net qui transmettra (car il n’est pas possible d’envoyer un courrier directement aux prisonniers en Bolivie).
Si nous avons décidé de nous intéresser au cas d’Henry, malgré la distance qui nous sépare, c’est que son attitude, son éthique et son refus de collaborer à une quelconque enquête de juges et de flics nous parle et que notre solidarité ne s’arrête à aucun poste-frontière. De plus, dans l’adversité que représente sa situation, pris en tenaille entre les forces de répression de l’Etat et la collaboration directe d’une partie du mouvement libertaire, nous ne pouvons que lui affirmer une solidarité encore plus forte.
Liberté, donc, pour Henry Zegarrundo et tous les autres prisonniers non repentants de la guerre sociale.
Février 2013 à Paris,
Des anarchistes solidaires au mépris des frontières.