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La tyrannie la plus redoutable n'est pas celle qui prend figure d'arbitraire, c'est celle qui nous vient couverte du masque de la légalité." Albert Libertad

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le blog du laboratoire anarchiste

File:Wooden Shoe.svg
22 décembre 2008 1 22 /12 /décembre /2008 11:47
Nous faisons suivre cette lettre que nous avons reçu, pour qu'enfin la responsabilité des collabos soit ouvertement dénoncée :
soutien à Françoise Estival. Le syndicat Cnt -ait_valence se mobilisera
Lundi 20h 30 discussion débat autour du livre "feu aux centres de rétention"

Lettre ouverte


Je suis une enseignante. Plus exactement je suis une « maîtresse CRI ».
J’ai reçu comme mission de l’Education Nationale d’accueillir les enfants
étrangers et de leur enseigner le français à l’école primaire. Il s’agit
d’une responsabilité que je considère comme très grande, et je tâche de
l’assumer au mieux de mes possibilités.

Ainsi, tout au long de l’année, depuis 6 ans, j’accueille des garçons et
des filles venus du monde entier. Ils arrivent avec leurs parents et
frappent à la porte de nos écoles. Tous sont chargés des inquiétudes de ce
qu’ils trouveront derrière le portail, mais tous sont chargés des espoirs
de ce que ce grand bouleversement va leur apporter.

Il y a 6 ans, Aynur, Hazan, Eddanur, Tomas, Cristina, étaient de ceux-là.
Timidement, ils atterrissaient dans des classes des écoles de Montélimar.
Chaque enfant regardait son enseignant avec les yeux avides d’apprendre,
mais désolé de ne rien comprendre. En cours de CRI, tout allait plus
lentement, tous captaient des mots, des phrases, ils les redisaient,
gênés au début, mais avec plus d’aplomb chaque jour, car ils se sentaient
de plus en plus en confiance. Et puis en classe, la gentille maîtresse ne
les grondait pas. Elle leur souriait, disait des mots qui, peu à peu
prenaient du sens. Et eux s’essayaient à redire les mots, à répondre aux
questions des copains. C’était parfois tout faux, un mot à la place de
l’autre, et les copains riaient ! C’était vexant au début, mais avec
l’amitié des autres qui donnaient le mot juste, ils finissaient par bien
le prendre et s’améliorer. Et ils se trompaient de moins en moins. Et ils
s’aventuraient à dire des mots nouveaux, des phrases nouvelles. Et les
copains disaient « bravo ! ». Et la maîtresse gentille félicitait. « Tu
apprends très vite ! ». C’était dur pourtant tous ces mots à retenir !

Tous ces efforts à faire pour rester attentif… Alors parfois un brouillard
de mots s’installait tout autour, et ils s’enfonçaient dans le brouillard,
pour se faire oublier, pour s’échapper et penser aux larmes que la
grand-mère n’avait pu cacher au moment du départ…C’était dur, oui, c’était
dur. Le soir, la tête allait exploser, et ils étaient contents de
retrouver leurs parents pour parler la langue facile, celle qu’on n’a «
même pas apprise, parce qu’on la connaît déjà ». Mais les parents ne leur
laissaient pas le temps de se reposer. Ils insistaient pour qu’ils aillent
au soutien FLE , qu’ils révisent les leçons de français, parce que les
parents savent bien que leurs enfants apprendront plus vite qu’eux, et
qu’il faut les encourager pour réussir à l’école. Parce que si on réussit
à l’école, on s’en sortira…

L’année d’après, hormis la manière de rouler les « r », ou de se tromper
d’auxiliaire, plus personne ne se souvenait de leur arrivée ; ils étaient
des meneurs de jeu, des bons en maths, des doués en arts plastiques, et
des excellents apprenants d’anglais, cette langue si difficile à
apprendre pour les autres.

Il y a 5 ans, Richard, Béa, Rachel, Joachim, Onurcan, sont arrivés, il y
a 4 ans d’autres encore. Tous apprenaient avec plus ou moins d’aisance la
langue française et finissaient par se fondre dans le groupe classe et
dans la vie de l’école. Pourtant un mot commençait à résonner comme un
coup de marteau sur l’enclume, le mot « papiers ». Un mot qui faisait mal
à dire, parce qu’il faisait mal dans la tête des parents. Et puis ce mot
s’oubliait, on finissait pas ne plus l’entendre. La vie continuait.

Il y a 3 ans , Gevorg, Alexandre, Kateryna, et d’autres encore, sont
arrivés et ont fait ressurgir ce mot avec plus d’acuité. Un mot qui
faisait de plus en plus de mal à dire. Un mot qui finissait par se coller
comme une marque indélébile sur la peau d’enfants innocents.

Il y a 2 ans, Elvis, Denis, Arbenit, Drilon et les autres, sont arrivés.
Ils portaient les mêmes espoirs et les mêmes inquiétudes que ceux d’il y a
six ans. Ils avaient quitté ce que pour rien au monde, ils ne souhaitaient
revoir. Chaque enfant a regardé son gentil maître, qui les a encouragé.
Ils se sont essayés aux mots. Parfois, cela a marché, parfois c’était
tout faux. Au début, ils étaient vexés de voir rire tous ces garçons et
ces filles, mais ils ont compris, et ils se sont lancés dans l’aventure.
Une incroyable aventure que celle de découvrir qu’on arrive enfin à
communiquer lorsqu’on apprend des mots, des phrases, et qu’on fait des
liens entre tous ces mots et ces phrases. Une alchimie époustouflante !

Et puis, l’éclair, le tonnerre, la foudre. Un énorme tremblement de terre.
Un mot qui tombe, implacable : « REJET »

Des parents qui pleurent, qui disent qu’ils ne peuvent pas rester en
France. Qu’il faudrait repartir là-bas où, pour rien au monde, on ne
voudrait retourner. Alors, qu’il faut se cacher, devenir « clandestins ».
Et retrouver ce mal au ventre terrible dont on vient de se débarrasser.
Entendre les bruits qui font peur et qui empêchent de dormir. Etre
réveillé par les cauchemars, appeler ses parents pour être consolé, mais
trouver des parents qui n’arrivent même plus à consoler. Continuer à aller
à l’école avec la peur. Continuer, continuer,… Les mots se brouillent, ils
se perdent, ils n’arrivent plus à s’accrocher pour faire du sens.

On perd pied, on lâche… trop d’inquiétudes, aller à l’école, pour quoi ?
Le maître se fatigue, les professeurs renoncent.

Que faire pour exister maintenant s’il n’est nulle part où trouver sa
place ? Tentation de faire du bruit, de répondre, d’affirmer qu’on peut
être violent…Et finir par l’être.

Et voici qu’il y a 2 semaines, le papa de Buket et Dilara est arrêté.
Encadré par des policiers, il est enfermé dans un centre de rétention.
Puis renvoyé. Expulsé. Le papa de Buket et Dilara. Leur papa. Celui qui
leur a tant appris. Celui qui leur a tout expliqué de la France. Qui leur
a dit comment on devait respecter les autres, les copains, les adultes.
Celui que tout le monde prenait en exemple pour son honnêteté. Leur Papa.
Que s’est-il passé ? Est ce qu’il est devenu un voyou ? Leur Papa. C’est
impossible. Mais que s’est-il passé ? Qui peut expliquer ? Buket et Dilara
ne comprennent pas. Elles ne comprendront jamais. Demain, elles sortiront
de ce cauchemar, c’est sûr. Et elles retrouveront Leur papa.

L’expulsion est confirmée. L’avion a embarqué leur papa. Est ce que le
monde peut encore continuer de tourner ? Non, tout s’arrête. Tout se
brise. Leur maman pleure, le bébé dans les bras, la toute petite dernière
qu’on se disputait pour porter quand papa était là. Dilara colle Buket
comme un ruban tue-mouche. Il n’y a plus de mots pour dire, ni en
français, ni dans la langue facile qu’on n’a même pas apprise. Il faut
juste se cacher. Devenir invisible. Arrêter d’exister, pour ne pas se
faire attraper par la police.

Je suis une maîtresse CRI qui a la mission devenue impossible d’aider des
enfants à apprendre le français et à s’intégrer. Est ce que le monde peut
continuer de tourner, si cette mission est devenue impossible ? Est ce que
le monde peut continuer de tourner si des avenirs d’enfants et d’adultes
sont massacrés chez nous en France ? Si des familles sont brisées ? Si des
vies sont devenues impossibles à vivre ? Pour moi, comme pour Buket et
Dilara, quelque chose s’est arrêté, qui ne reprendra que lorsque chaque
enfant aura la possibilité d’apprendre le français en sécurité.
Je suis une maîtresse CRI qui lance un CRI pour que cessent les actes
d’inhumanité à l’égard d’enfants et d’adultes ici, aujourd’hui. Tout de
suite.

Je suis une maîtresse CRI qui lance un CRI pour que l’on ne s’habitue pas
à voir interner des enfants en centres de rétention.

Je suis une maîtresse CRI qui lance un CRI pour que nous nous réveillons
vite de ce qui s’installe comme barbarie dans notre pays, et que JAMAIS
nous ne l’acceptions.

N’oublions pas Jacques Prévert, ce poète qui est si cher dans nos écoles:

« Il est terrible
Le petit bruit de l’œuf cassé sur un comptoir d’étain
Il est terrible ce bruit
Quand il remue dans la mémoire de l’homme qui a faim »

Oui, Prévert

Il est terrible le bruit de la chaise vide devant un bureau vide.

Il est terrible ce bruit qui résonne dans la conscience des hommes qui
font la loi ou qui la font appliquer.

Il est terrible ce bruit dans la tête de ceux qui ne veulent pas mettre
leur tête dans le sable de la lâcheté.*(resf Privas)

Il est terrible ce bruit

Comme le tic-tac entêtant

De l’horloge qui vous dit :

« plus jamais ça »


Françoise Estival
enseignante CRI (Cours de Rattrapage Intégré) Montélimar
14-déc-08



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