La Maison bleue vient de suspendre la production d’acide de l’usine de Vale
Inco. Selon elle, l’importante fuite d’acide sulfurique, qui a causé la mort
d’au moins 1 800 poissons, aurait pu être évitée si le dispositif de sécurité
avait été opérationnel.
Ils n’étaient pas franchement conviés mais ils se sont invités quand même. Hier
après-midi, une petite délégation de la DENV (1) et de la DIMENC (2) s’est rendue à l’usine de Vale Inco, aux côtés de Philippe Gomès. Le patron de la Maison bleue est venu chercher, sur place, les réponses aux questions que tout le monde se pose au sujet de la fuite accidentelle d’acide sulfurique survenue mercredi midi, à l’unité d’acide.
Première des interrogations : comment l’industriel a-t-il pu réaliser des essais alors que le dispositif de sécurité n’était pas encore opérationnel ? « Nos évaluations ne nous laissaient pas envisager qu’un tel incident puisse se produire », a indiqué Sylvain David, le responsable du département de lixiviation. « Vous estimez que cette réponse est satisfaisante ? », a répliqué Philippe Gomès, en demandant à la direction d’être plus précise sur les causes de cette défaillance. Deuxième point d’interrogation : pourquoi la province Sud, chargée de l’environnement et des installations classées, n’a-t-elle été prévenue que vingt quatre heures après l’accident et par un coutumier de Yaté, qui plus est ? A cette question, Jean-François David, le directeur général délégué de Vale Inco Nouvelle- Calédonie, a souhaité répondre lui-même, estimant qu’« il y a(vait) eu tentative de contact dans les quatre heures qui ont suivi l’accident » et qu’« une réflexion commune sur le mode de communication d(evait) être engagée ». Dans les faits, cette tentative se résume à un message laissé sur un téléphone portable. Ni fax, ni mail n’ont été envoyés à la Direction de l’environnement.
Ce sont donc 14 000 à 18 000 litres d’acide, concentré à 98 %, qui se
seraient échappés de l’unité
Sur les quantités d’acide sulfurique qui ont fui mercredi midi, la direction reste
vague. « Les chiffres sont toujours en revue », a déclaré Sylvain David. Ce qui est sûr, c’est que les 1 000 à 5 000 litres annoncés jeudi par la communication de Vale Inco sont bien en dessous de la réalité. Il ne s’agissait en fait que d’une estimation de la quantité d’acide déversé dans le creek de la baie Nord. Ces chiffres ne prenaient pas en compte les 13 000 litres d’acide recueillis par la cuvette de rétention située juste en dessous de la fuite. Au total, et si l’on s’en tient seulement aux chiffres de l’industriel, ce sont donc 14 000 à 18 000 litres d’acide, concentré à 98 %, qui se seraient échappés de l’unité ce jour-là.
« Grave dysfonctionnement » pour la province Sud, « concours de circonstances »
pour l’industriel... Une chose est sûre, c’est que Vale Inco va devoir rendre des
comptes sur ce qui s’est réellement passé au coeur même de son usine. La Maison bleue a prononcé un arrêté suspendant la production d’acide. Celui-ci ne sera abrogé que lorsque Vale Inco aura répondu à une série de mesures. A savoir la remise de ses installations en conformité dans un délai de quatre jours, l’évaluation des causes de l’accident tant en termes techniques qu’opérationnels et le bilan des conséquences immédiates et à long terme sur le milieu environnemental.
(1) Direction de l’environnement de la province Sud.
(2) Direction de l’industrie, des mines et des énergies de Nouvelle-Calédonie.
Coralie
Plus de 3 000 poissons morts à Goro
Alors que la liste des conséquences écologiques s’allonge après la fuite
d’acide sulfurique à Vale Inco, les associations de protection de
l’environnement réfléchissent à des actions et les syndicats mettent la
pression.
Après la réaction chimique, voici l’épidermique. Accidentellement déversés dans la nature mercredi à Vale Inco, les milliers de litres d’acide sulfurique, concentré à 98 %, suscitent une véritable ébullition. Tous azimuts. Et ce, alors que le tableau noir des conséquences écologiques se remplit : plus de 3 000 poissons morts ontété à ce jour ramassés dans le creek de la baie Nord, cours d’eau traditionnellement riche en espèces. La présence d’animaux endémiques à nageoires parmi les cadavres, est crainte ; le risque est fortement élevé. L’affaire peut ainsi prendre une dimension juridique supérieure, surtout après la récente adoption du code de l’environnement de la province Sud. Chargé de l’expertise, le cabinet Erbio doit remettre son premier rapport de constats dans quelques jours, d’ici la fin de semaine.
Tout naturellement, l’histoire hérisse le poil des associations de protection de
l’environnement. Le groupe Ensemble pour la planète, auteur d’un recours en
annulation de l’arrêté ICPE devant le tribunal administratif le 23 janvier dernier, se réunissait hier soir en conseil d’administration. Rencontre au cours de laquelle ont été abordés le chapitre de l’accident à Vale Inco Nouvelle-Calédonie, et de fait, les éventuelles suites données par le mouvement écologiste. De même, après avoirdéposé ce week-end auprès de la gendarmerie une plainte contre l’industriel pour « dégradation par pollution chimique d’un milieu naturel », le Codefsud réfléchit lui aussi actuellement à une quelconque formule de contestation. Par ailleurs, selon des milieux proches de la baie de Prony, des habitants de l’île Ouen souhaiteraient
intenter une action en justice. Du moins, le principe serait aujourd’hui étudié.
Plus de 3 000 poissons morts ont été à ce jour ramassés
Pied de nez de l’actualité, demain mercredi, doit se tenir l’assemblée constitutive de l’Oeil (Observation et information sur l’environnement dans le Sud). Organisation cherchant notamment à améliorer les indicateurs et les réseaux de surveillance,dont le mineur Vale Inco Nouvelle-Calédonie sera membre, aux côtés de la province, de la commune de Yaté, de Prony Energies ou encore de WWF. Hasard du calendrier bis, la filiale du géant brésilien remettra ce même jour son rapport relatif au grave événement de la semaine passée. La Maison bleue avait en effet prononcéun arrêté suspendant la production d’acide. Décision abrogée que lorsque Vale Inco
aura répondu à une série de mesures. A savoir la remise de ses installations en
conformité dans un délai de quatre jours, l’évaluation des causes de l’accident tant en termes techniques qu’opérationnels et le bilan des conséquences immédiates et à long terme sur le milieu environnemental... Posé hier devant le siège de l’industriel à Nouméa, le syndicat Soenc Nickel épaulé de la CSTNC et de l’USTKE, veut visiblement connaître la vérité sur le couac de mercredi sur le site de l’ex-Goro.
Yann Mainguet