Le tribunal correctionnel de Paris a condamné ce lundi Antonio Ferrara à quatre ans de prison pour avoir dissimulé des explosifs dans sa cellule de la prison de la Santé en 2002. Christophe Khider, qui s’était évadé de la prison de Moulins en 2009 et qui se trouvait lui aussi à l'isolement à la Santé à l'été 2002, a lui été condamné à deux ans et six mois de prison pour avoir fourni des rubans adhésifs utilisés pour emballer les explosifs à l’Italien. Un ami d'enfance de Khider, Houcine N., a écopé de six mois de prison avec sursis pour avoir introduit les rubans adhésifs dans la prison. Cachés dans les toilettes Le 4 septembre 2002, un coup de fil anonyme informait la direction de la prison de la Santé qu’Antonio Ferrara préparait une évasion et que des explosifs étaient cachés dans sa cellule. Depuis le 13 juillet 2002, Antonio Ferarra avait été placé dans la cellule n°8 au quartier d’isolement, sanction infligée après son évasion en 1998 d’un hôpital francilien et quatre ans de cavale. Ce même jour, une fouille était organisée dans sa cellule mais rien n’était trouvé. Par précaution, Antonio Ferrara avait était transféré de suite à Fresnes, d’où il s’évadera sept mois plus tard à l’aide d’explosif. Le 5 septembre 2002, un plombier dépêché par la direction de la prison de la Santé découvrait dans la cache des toilettes de la cellule de Ferrara deux pains d’explosifs plastique type "pep 500" et six détonateurs dont un pyrotechnique enveloppé dans un sachet de mouchoir fermé à l’aide de ruban adhésif sur lequel ont été découvert les empreintes digitales de Houcine N. Fausses déclarations et aveux Antonio Ferarra a toujours nié avoir connaissance de la présence d’explosifs dans ses toilettes. Christophe Khider, qui dans un premier temps mettait en cause l’Italien pour "sauver son ami Houcine" et "attirer l’attention de la juge d’instruction" est passé par la suite aux aveux disant que c’est lui, qui, quelques mois plus tôt alors qu’il était dans la cellule n°8, y avait placé les explosifs. "M. le Président, a lancé Christophe Khider. Votre collègue (la juge d’instruction, ndlr) a usé de pratiques douteuses. Quand je lui ai dit que les explosifs étaient à moi, qu’il fallait retrouver les dates où j’étais placé dans cette cellule, elle m’a dit : ‘C’est hors de question. Le seul nom que je veux, c’est Ferrara’. * Le président de la Xe chambre correctionnelle est étonné : "Mais les explosifs retrouvés dans votre cellule de Fresnes, après votre évasion, étaient similaires à ceux retrouvés à la Santé quelques mois plus tôt". * Antonio Ferrara : "C’est probablement les mêmes que ceux qui ont servi il y a quatre, trois ou deux semaines à faire exploser des distributeurs de billets à Paris. Ca fait des années que le PEP 500 est répandu en Ile-de-France". Le procureur pas dupe Le procureur, Mme Alexandre, n’a pas cru une seconde à cette version. Pour elle, la "gravité relative des faits est à mettre en perspective avec le parcours des accusés". A Antonio Ferrara, elle a rappelé sa "spectaculaire évasion de Fresnes huit mois plus tard", et a affirmé que c’était "certainement bien de la préparation du grand soir dont il s’agissait" à la Santé. A Christophe Kidher, elle fait état de son passé judiciaire, mentionnant notamment ses trois tentatives d’évasion et son évasion de Moulins en 2009. "Ces personnes sont des professionnels du braquage et de l’évasion, ils ont choisi un parcours meurtrier et dangereux. L’un comme l’autre apparaissent prêt à tout pour fuir leur responsabilité". Contre eux, Mme Alexandre a finalement requis 5 ans et trois ans respectivement. Contre Houcine, elle a requis 4 mois avec sursis. "Responsable à 100%" Me Boesel, avocate de Christophe Khider, a rappelé que son client "n’était pas quelqu’un à esquiver". "Depuis le début, Christophe Khider se sent responsable à 100%. Il assume ses responsabilités, il a fait des aveux (…) Il finira sa peine en 2035, sans compter la condamnation que vous prononcerez aujourd’hui et celle qu’il encourt pour l’évasion de Moulins (…) L’horizon lointain a un sens. L’empilement pénal n’en a pas", a insisté l’avocate. "Manipulation et acharnement" Me Bouaou, un des conseils d’Antonio Ferrara, a mis en avant le manque de preuve contre son client et la "manipulation évidente". Pour la juge d’instruction, comme pour la procureur, les aveux de Khider n’étaient pas crédibles, les explosifs étant enrobés dans des journaux du 29 août 2002, date à laquelle Antonio Ferrara était dans la cellule n°8. L’avocat de la Défense, lui, s’est dit convaincu qu’il n’y avait jamais eu de journaux. "Le 4 septembre il n’y a rien dans la cellule, et le 5, on découvre des explosifs, soi-disant dans du papier journal du 29 août !. Comme par hasard, mon client n’était pas là lors de cette fouille alors que la loi l’exige". Reprenant les PV, il a souligné que le plombier appelé par la prison de la Santé n’avait pas souvenir "de papier journal". Il a ensuite insisté sur le fait qu’aucune empreinte papillaire retrouvée sur les journaux ne correspondait à celles de son client. "Elles n’appartiennent à personne…Seuls les fonctionnaires de police ontéchappé à la comparaison !". Me Moroni, autre avocat de Ferarra, s’en est pris, lui, à la Procureur : "Avez-vous besoin de sortir l’affaire de Fresnes pour demander la peine maximale (cinq ans ndlr) ! Les éléments pileux dans les explosifs, ADN ou traces papillaires, rien ne rapproche à Antonio Ferrara !". Appel pour Ferrara et Khider A l’énoncé du jugement, condamnant Antonio Ferrara à 4 ans et Christophe Khider à 2 ans et six mois, leurs conseils ont indiqué qu’ils feraient appel.