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La tyrannie la plus redoutable n'est pas celle qui prend figure d'arbitraire, c'est celle qui nous vient couverte du masque de la légalité." Albert Libertad

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le blog du laboratoire anarchiste

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11 février 2010 4 11 /02 /février /2010 05:16
 Rome la police charge la manif contre les crises, immigrés de Rosarno, des prolétaires, des écologistes .
  • carica polizia 1 carica polizia 1
  • carica polizia 2 carica polizia 2
  • carica polizia 3

Les alibis du racisme et de la N’Dranghetta

 dans les émeutes de Rosarno.

« Il Quotidiano della Calabria » 24.01.2010.

par Elisabetta Della Corte et Franco Piperno.

 

Quelques semaines se sont maintenant écoulées depuis les émeutes de Rosarno, retracées et commentées à profusion dans les médias ; ainsi est-il possible de faire le point, pour l’instant provisoire, sur le caractère de ce qui est arrivé et ses causes circonstancielles.

Disons tout de suite qu’à notre avis, les émeutes de Rosarno sont un signal avant-coureur du panorama, encore inaperçu et déprimant, qui sera celui de l’agriculture méridionale, en particulier dans les grandes plaines. Les chroniqueurs des journaux du Nord ont, au contraire, cherché de préférence dans la direction de pulsions xénophobes, sinon à proprement parler racistes, qui habiteraient « l’âme calabraise » ; cependant que les commentateurs des journaux du Sud ont, pour leur grande part, épousé la thèse selon laquelle la matrice de toute cette affaire mènerait aux cercles de la N’Dranghetta : ce seraient les Boss qui auraient fomenté la révolte parmi la main d’œuvre noire, comme parmi les citadins italiens de la Plaine. Nous retiendrons que ces explications contribuent toutes deux à rendre plus confus encore ce qu’il aurait fallu éclaircir dès le début ; et que toutes deux contribuent à cette invocation délirante : plus d’État dans le Sud ; comme si, depuis la proclamation de l’Unité italienne et pendant cent-cinquante ans, cette stratégie n’avait pas causé assez de dégâts.

 

Regardons d’un peu plus près les choses. Si l’on met de côté les grands mots, on rencontre effectivement de la xénophobie, ou la peur de l’étranger, comme du racisme, qui est l’ignorance d’une nature semblable attribuée à celui qui a des aspects somatiques différents, entre autres sentiments ou ressentiments, qui, tout en étant généralement humains, ne s’en retrouvent pas moins parmi les habitants de Rosarno, que de Trévise, Biella ou dans le Canton des Grigioni. Mais soutenir que ces déplorables préjugés soient répandus au point d’en déterminer la sentimentalité des Calabrais est contraire à l’évidence séculaire, dans notre région, aussi inégale qu’une peau de léopard, où coexistent avec plus ou moins de bonheur des minorités différentes par l’ethnie, la langue ou la religion ; dans un passé récent, c’est-à-dire au cours des vingt dernières années, se sont produits effectivement de rares cas d’intolérance à l’encontre des étrangers, mais beaucoup moins en regard de ce qui s’est produit dans le reste de l’Europe ; et, vice-versa, les occasions exemplaires d’accueil et de solidarité envers les migrants, tant à Rosarno qu’à Badolato, à Riace comme à Soverato n’ont pas manqué, ainsi qu’on peut le voir dans le dernier film de Vim Wenders. Nous pourrions raisonnablement en déduire que le racisme, comme sésame explicatif, résulte d’une vaguelette hâtive et frustrante. Quant à l’attribution à la N’Dranghetta, des responsabilités dans les faits advenus à Rosarno, elle ne provient pas d’enquêtes, de reconstitutions ou d’études documentées ; c’est plutôt là une conjecture supposée, pour ne pas dire mythique ; argumentée, grosso modo ainsi : ce qui advient à Rosarno comme ce qui ne s’y produit pas , compte tenu de l’omnipotence démoniaque de la N’Dranghetta, est en dernière analyse, attribuable à la stratégie criminelle ; les délinquants sont bien informés, donc, ils tirent les ficelles. La N’Dranghetta est devenue, dans ce cas, une sorte de « cause absolue », ; il y a à l’œuvre, dans cette façon de raisonner, un renversement cognitif assez dépourvu qui prend les effets pour les causes : ce ne sont pas les conditions socio-culturelles des cités de la Plaine qui produisent et reproduisent la N’Dranghetta, mais au contraire, c’est la criminalité même qui génère ces conditions. On remarque au passage que la désignation de la N’Dranghetta comme cause absolue jouit d’une faveur particulière parmi les professionnels de l’Antimafia, pour reprendre là une expression de Leonardo Sciascia.

 

Ainsi, ceux-ci, en plus de s’assurer quatre sous pour faire bouillir la marmite, en viennent à absoudre de toutes responsabilités précises dans la dégradation de la vie civile calabraise, le personnel politique national et local, toute la sphère dirigeante de la région, les entrepreneurs, les journalistes et les universitaires inclus. Il vaut la peine de souligner l’inconsistance contenue dans cette version des faits : d’une part, la puissance de nuisance de la N’Dranghetta se voit  amplifiée, dans la démonstration, au-delà de toute mesure, en lui attribuant une stratégie aussi astucieuse qu’efficacement paranoïaque ; de l’autre, on en vient à mettre à son débit des actes et des gestes qui s’avèrent idiots, ineptes ou suicidaires, avant même que criminels. En fait, pour n’en citer qu’un, quel intérêt pourrait avoir la N’Dranghetta à fomenter des soulèvements dans les territoires qu’elle contrôle ? Étant donnée la dimension internationale de ses entreprises, celle-ci est, de toute évidence, intéressée à voir évoluer ses affaires dans la tranquillité sociale ; tranquillité qui ne voit pas d’un bon œil débarquer en masse des magistrats, des forces de l’ordre, des journalistes et des étudiants du Dimanche.

 

Le miracle économique des jardins et la condition des immigrés

Pour nous, l’origine des faits survenus à Rosarno doit bien sûr être recherchée localement ; pas tant dans la « mauvaise vie » que dans les structures économico sociales de l’endroit, plutôt.

Pour reconstituer, pour l’essentiel,  cette structure, nous nous servirons délibérément des travaux du sociologue de l’Université de Calabre Antonio Sanguinetti, en particulier sa « Thèse : La résistance des immigrés , le cas de Rosarno, 2009, Unical».

Rosarno, 5 000 familles, a depuis longtemps une économie centrée sur la production agricole, les oliviers et les agrumes en particulier. La propriété de la terre, très nettement parcellisée, est répartie entre un peu moins de 2 000 familles, chacune d’entre elles possédant en moyenne un hectare ou un peu plus ; bref,  à chacune, son « jardin », comme on dit à Rosarno. Jusqu’à quelques  années de là, il y avait  plus de mille six cents entreprises agricoles, presque une par famille, qui donnaient du travail, plus ou moins constant, à près de 3 000 ouvriers agricoles du coin, un peu moins de 2 par entreprise. À partir des années 90’ et jusqu’à 2008, les subventions financières européennes pour le maintien de l’agriculture méridionale étaient ajustées en proportion à la quantité d’agrumes produits ; faisant en sorte que chaque année, le propriétaire de chaque hectare percevait un genre de rente foncière, garantie par la bureaucratie européenne, au taux de 8 000 euros par hectare. Pour près de 3 000 ouvriers, il y avait la protection prévisionnelle de l’INPS : il suffisait de travailler 51 jours, et 5 jours en cas de catastrophe naturelle, pour avoir ensuite droit à une indemnité de chômage sur toute l’année. En effet, nombreux étaient parmi les ouvriers de Rosarno qui préféraient, hier comme aujourd’hui encore, percevoir l’indemnité de chômage et avoir recours à d’autres boulots ; tant qu’a suffi et augmenté le travail pénible des immigrés étrangers, totalement flexibles et à des coûts dérisoires, pour les cueillettes d’oranges et des agrumes.

Ainsi les fruits et les légumes de Rosarno restaient compétitifs sur le marché des denrées alimentaires, étant donnée la stabilité du prix de vente. Et en plus, pendant près de dix ans, la production des « jardins » a augmenté régulièrement ; et la ville a connu une augmentation générale du revenu monétaire (pouvoir d’achat par tête). À vrai dire, cette augmentation de la quantité d’oranges, réalisée continuellement sans qu’il n’y ait d’amélioration des techniques agricoles, avait quelque chose qui paraissait « tomber du ciel », comme un « acte de la Création ». Mais aucune des autorités nationale, comme locale ne semblait inquiète d’une telle bizarrerie, pas un seul des nombreux « prédicateurs de la légalité » ne s’en trouvait dérangé, pas plus que cela n’aura éveillé la curiosité d’ un seul chercheur ; et il ne s’est pas trouvé non plus jusqu’à un seul des jeunes chroniqueurs en recherche de « scoop », pour prêter attention à ce fait étrange. En fait, le miracle économique dans la plaine tyrénéenne était basé sur la fraude et le mensonge public ; comme il en allait par ailleurs en ces mêmes années pour la production laitière en Italie du Nord, ou, globalement, pour la finance créative. Cela fonctionnait ainsi : les coopératives des petits propriétaires, récoltaient les oranges et les commercialisaient vers les grands marchés des Halles maraîchères et fruitières et les industries alimentaires du Nord.

 

Ces mêmes associations dirigées par un personnel provenant autant de la sphère politique de Centre-gauche et de Centre-droit, géraient les subventions européennes. Puisque ces dernières étaient proportionnelles aux quantités d’agrumes amenés par les paysans aux coopératives, Rosarno produisait une quantité déterminée d’oranges, dont beaucoup provenaient des arbres, mais beaucoup plus du papier… Si le paysan amenait un certain montant de légumes, l’association en déclarait, sur la facture, trois, cinq, voire dix fois plus… Les propriétaires des maraîchages encaissaient ainsi des subventions financières gonflées, qui, dans une mesure ainsi modeste,  prodiguaient aux paysans pour s’assurer, à bon marché, la complicité collective des chômeurs de Rosarno, pour laquelle on avait pensé, comme nous l’avons noté,  à l’INPS et ses chiffres truqués et sans fin du nombre d’ouvriers agricoles pour lesquels n’avait pas été versé le montant dû à la caisse de prévoyance. À partir de cette fraude de masse, en découlaient d’autres aussi diverse, toujours sur les subventions européennes ; en particulier, de nombreuses industries qui transformaient les « oranges de papier », en « nectars de papier », comme il en va de soi.

 

1° partie Traduite de l’Italien par Sedira Boudjemaa, Artiste-peintre à Nîmes ;

le 09.02.2010 ; 13h00.

À Rosarno, des années 90’ jusqu’à récemment, s’est ainsi dessiné un mode de production insolite qui mêlait les époques entre elles ou mieux, des temporalités diverses ; temporalités qui, dans l’histoire de l’Occident, s’étaient nouées selon un avant et un depuis, et qui apparurent dans la Plaine toutes ensemble en même temps. Ainsi, il y a une temporalité protocapitaliste, celle de l’accumulation primitive. Tant les propriétaires des jardins, que les immigrés qui travaillent comme saisonniers dans ces serres, participaient à cette temporalité. Les premiers, « capitalistes de parcelles », possédés par le funeste désir de s’enrichir au plus vite, n’y vont pas avec le dos de la cuillère ; et manifestent cette férocité sociale sans retenue, cet état d’esprit animal propre au capitalisme dans sa phase naissante. Ceux-ci exercent leur hégémonie sur la main d’œuvre agricole rosarnaise à travers la pratique absolument discrétionnaire des embauches, les vraies, et surtout les fausses. Les autres, immigrés en majorité Africains, sont comme au temps des manufactures de l’Angleterre du début du XIX°, une force de travail nue, sans mutuelle, contrat, ni protection syndicale. Non seulement ils travaillent « au noir », comme il en va souvent en général dans l’économie calabraise pour les citadins italiens aussi ; mais il perçoivent un salaire « au noir » qui s’élève à moins de la moitié de celui, tout aussi « noir », que touche la main d’œuvre autochtone. Entre ensuite en ligne de compte la prévoyance sociale, où le byzantinisme des règles renvoie à la politique agraire corporatiste, du temps de Bonomi, au régime démocrate-chrétien de l’immédiat après Seconde guerre mondiale. Enfin, il y a la temporalité post-moderne, celle de la bureaucratie européenne qui, dans son abstraction illuminée aboutit par favoriser le développement de l’agriculture créative, de papier. Cet invraisemblable parti-pris économique a bien duré près de vingt ans ; mais, voici qu’il y a quelques années de cela,  sont apparues les premières fissures ; quelqu’un, parmi les magistrats assoupis dans la lutte contre la Mafia, s’est comme qui dirait réveillé, et ont démarré les premières enquêtes, quelque scandale particulièrement retentissant étant venu au grand jour ; jusqu’à  l’INPS a paru sortir de sa léthargie pour passer en revue l’effectif des ouvriers agricoles inscrits et le corriger de presque la moitié à la baisse. Puis, courant 2008, les ont rejoint en bons derniers, les bureaucrates de Bruxelles : alarmés par la découverte des scandales, ils ont décidé de changer le critère d’attribution des subventions, l’indexant sur la surface à l’hectare exploité et non plus à la quantité produite. Cela a eu pour conséquence que là où le propriétaire d’une parcelle recevait auparavant 8 000 euros à l’hectare, il ne parvenait plus à en obtenir qu’un peu moins de 1 500. Cela a suffi pour provoquer une immédiate et drastique contraction du nombre des exploitations agricoles et plus encore dans le conditionnement, la transformation et le commerce.

 

La crise globale et la lutte de classes dans la Plaine tyrénéenne

Ainsi en allait-il du cours des choses à Rosarno, lorsque, l’année dernière, la crise financière globale est parvenue jusqu’à la Plaine : le prix des oranges s’est effondré sur le marché international, alors qu’arrivèrent un millier d’immigrés de plus, licenciés par les usines du Centre-Nord, attirés là par la possibilité d’obtenir un revenu, aussi mince et « au noir » soit-il, dans les campagnes du Sud. On a alors, à ce stade,  dû, à Rosarno faire face à trois difficultés en même temps : réduction drastique des subventions financières européennes à l’agriculture, chute globale de la demande en denrées alimentaires, augmentation de la concentration locale d’immigrés à la recherche d’un travail. L’interférence de ces facteurs a initié une friction entre classes, le bloc social agrégé autour des petits propriétaires d’une part, les milliers d’immigrés qui avaient pris depuis quelques dizaines d’années l’habitude de travailler comme saisonniers dans ces jardins. Pour résumer la situation par une image : à Rosarno, cette année, la plupart des oranges sont restées sur les arbres, leur prix de vente ne couvrant pas leur coût de production. Là où arrivaient, il y a quelques années de cela,  plus de deux mille immigrés pour effectuer le travail de récolte, il en suffisait cette année moins de deux cents ; alors que la crise économique en attirait dans la Plaine presque  3 000. Les conditions d’un affrontement social étaient en place : le droit au profit pour le « capitaliste de parcelle » contre l’habitude des « immigrés maures » de trouver là, chaque année à Rosarno, un revenu de survie.

En Décembre passé déjà, en quelques semaines, l’ambiance avait changé. Les habitants de Rosarno, dominés par les propriétaires de parcelles ont commencé à trouver et à répéter que la présence en nombre des immigrés était en surnombre et inutile ; avant, c’étaient des bras qui travaillaient pour eux, puis ce sont devenus des vagabonds étrangers juste bons à renvoyer chez eux ; et vite, si vite au point de ne pas les payer, de ne pas avoir le temps de leur payer ce travail « au noir » que certains d’entre eux avaient pourtant accompli. Devant l’incapacité totale de médiation politique venant de la région ou de la préfecture de Reggio-di-Calabria, s’est accru un malaise confinant à la haine de classe entre rosarniens et immigrés, allant jusqu’à une véritable hostilité physique. Dans ces circonstances, il aura suffi d’un geste irresponsable ou peut-être d’une intentionnelle provocation, dont la gravité a été emphatisée par les cris, les rumeurs, pour allumer la mèche de l’explosion sociale, mais, que cela soit une fois de plus répété ici, le racisme n’y a eu qu’un rôle folklorique : quand bien même les immigrés eussent-ils été tous grands, blonds et aux yeux bleus, l’antagonisme et l’affrontement social entre entrepreneurs et journaliers, dans ces conditions, n’en auraient pas eu moins lieu, plus ou moins de la sorte.

 

Commencer par les faits

Bien sûr, les troubles de Rosarno sont graves, non seulement par ce qui s’y est d’ores et déjà produit, mais plutôt de par la situation socio-culturelle préexistante qu’ils ont révélée ; et qui concerne bien la Plaine tyrénéenne, mais aussi la Plaine ionienne et de nombreux autres endroits de « développement », ainsi que le veut « la formule consacrée » de l’agriculture méridionale. Cette situation est caractérisée par l’hypocrisie publique. Si l’on veut, ce qui serait là en jeu n’est pas tant le comportement frauduleux, toujours éventuellement possible, la chair étant fragile ; c’est la dimension collective d’un tel comportement qui atteste pourtant d’une certaine capacité coopérative ; il s’agirait plutôt de l’aspect pervers de l’hommage qu’ont rendu toutes les autorités, locale comme nationale, journaux, religieux, administrateurs des écoles, jusqu’au moindre voleur notoire, à la légalité, obsessionnellement invoquée comme un fétiche protecteur, en dépit du fait que tout le monde sente et sache de quelle banale et systématique violation de chaque bonne habitude soit imprégnée cette légalité à laquelle on adresse des louanges. L’hypocrisie publique a accepté que, durant des années, les juntes et les conseillers régionaux, provinciaux, communaux, commissaires préfectoraux, Protection civile, magistrats et policiers, députés et sénateurs ignorent les conditions infra-humaines, outre qu’illégales, dans lesquelles vivaient et vivent des milliers d’immigrés contraints au travail « au noir » dans les campagnes méridionales. Comme s’il s’agissait d’un tic névrotique collectif, tous se sont dérobés et donc, il n’y avait aucun responsable : ainsi, en vingt ans, aucune des diverses autorités n’a trouvé le moyen de promouvoir une action d’urgence pour garantir aux immigrés le gîte, l’adduction d’eau, l’éclairage et le tout-à-l’égout, comme il l’a été possible et est advenu dans d’autres régions. Au passage, il vaut la peine de noter combien l’absence de responsabilité, découlant de l’hypocrisie publique, déploie cet insolite si particulier connotant ces évènements : malgré le traditionnel présencialisme de la représentation méridionale, aucun des leaders politiques régionaux n’a été aperçu sur l’une des places de Rosarno au cours des troubles, et cela pour la bonne raison que les immigrés ne votent pas. Mais l’hypocrisie ne caractérise pas seulement les autorités locales, mais aussi les syndicats . Comme nous l’avions déjà observé, une grande part du travail salarié, dans le secteur privé, s’effectue « au noir » en Calabre ; les grandes centrales syndicales ne font rien pour faire valoir la législation sociale, en péninsule méridionale, les accords de branches et les conventions collectives nationales n’y sont pas appliquées, et s’y révèleraient peut-être inapplicables ; c’est donc la forme centralisée de du passage d’accord qui alimente, soit, la justification idéologique de l’existence, soit l’autoconservation matérielle de la bureaucratie syndicale. C’est là l’hypocrisie historique qui caractérise la vie syndicale calabraise depuis un demi-siècle. Puis, il y en a une autre, brûlante, corrosive, qui s’est insinuée au cours de la dernière décennie, qui pourrait être décrite ainsi : la masse de travail vivant qui valorise l’agriculture calabraise est presque toute le fait d’immigrés noirs, mais la Trinité syndicale, encombrée de retraités ne consent même pas à s’adresser à ces journaliers aux mains calleuses. En résumé, les seuls travailleurs qui peuplent nos campagnes seraient des inconnus pour le syndicat des travailleurs, soit par choix, soit par absence de volonté. Toutefois, ce serait omettre quelque chose que de ne pas rappeler que la participation à l’hypocrisie publique va bien au-delà de la sphère politique et syndicale. Ce triste  sentiment a fait son nid dans l’âme de nombre d’entre nous, de presque la totalité des Calabrais. Les seuls à s’en trouver indemnes sont ceux qui appartiennent au monde des associations libres, au volontariat catholique, aux centres sociaux. Et nous devons remercier les immigrés de Rosarno si ce scénario a émergé clairement à la conscience commune.

 

Une modeste proposition pour l’action ici et maintenant

Le monde des associations, ces communautés agissantes, sont l’unique interlocuteur réel des immigrés, le seul qui puisse demander leur pardon pour ce qui est arrivé et arrive, au nom et à cause de nous tous. Il va de soi, dans des cas comme celui-ci, les excuses ne se formulent pas en paroles, mais par des gestes et des actes ; Par exemple, lancer une campagne de mise en accusation de la Région pour la contraindre immédiatement à un programme d’urgences communales dans les Plaines et dans les zones agricoles fréquentées par les immigrés. Un tel acte analogue pourrait bien faire effet sur les 3 universités calabraises, qui n’offrent pas si souvent que ça d’accès gratuits et de bourses d’études, sinon aux Espagnols et aux Chinois ; les débloquer en direction de ces jeunes immigrés instruits qui travaillent déjà dans nos plaines, en visant à compléter leurs formations par un Curriculum vitae académique.

 

Mais il est certain que pour le monde des associations, l’objectif principal à poursuivre, la voie royale pour offrir de la solidarité aus immigrés n’est pas de revendiquer à leur place, mais d’en promouvoir l’autonomie sociale, en les aidant à s’auto-organiser. En fait, la garantie pour s’assurer au moins la dignité dans un travail « au noir » ne réside pas dans les lois, aussi régionales et nationales qu’elles soient, mais dans l’organisation des immigrés eux-mêmes en toute connaissance de cause,  seule en mesure de renverser le rapport de forces, qui leur est aujourd’hui défavorable. Pour arriver à cela, il faut recenser les cas avant d’agir : on doit commencer, en se servant pour cela de la Toile, une grande enquête de masse agrémentée de vidéos et d’interviews, d’histoires et de conditions de vie et detravail des immigrés dans les campagnes calabraises. La recherche devrait reprendre la forme des enquêtes des années 70’, qui étaient, en leur temps, des outils de prise de conscience et de connaissance, autant que des émulations externes, parfois jacobines, incitant à l’auto-organisation. À ce propos, si une telle enquête démarre vite, ce sera une occasion de transformer la prise de conscience en action et vice-versa. Depuis quelques semaines, circule parmi les immigrés de toute l’Italie la belle idée d’une journée de grève générale ; aux alentours de la première semaine de Mars 2010, organisée indépendamment, et évitant les partis politiques et les syndicats, comme c’était le cas aux origines du capitalisme. Il nous paraît que ce soit là le geste adéquat de compensation que de contribuer au succès de cette grève, pour ce qui est arrivé durant les émeutes de Rosarno. En fait, personne n’ignore quel saut dans la conscience représentera le succès d’une telle initiative, en faisant émerger, en un seul jour, tel un éclair, dans la conscience commune, la capacité coopérative des immigrés ; sans lesquels, non seulement l’économie, mais vie civile de la nation même semble mise à risque.

 

2° partie Traduite de l’Italien par Sedira Boudjemaa, Artiste-peintre à Nîmes ;

le 10.02.2010 ; 13h00.

 

 

 



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commentaires

R
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour ces analyses fortes intéressantes. <br /> Je compte bien mettre votre article en lien sur mon site.<br /> Je suis tout à fait d'accord avec vous. <br /> Le racisme n'a en pas pas grand chose à voir avec les événements de Rosarno. <br /> Comme je suis universaliste, <br /> je ne pense pas que les Calabrais soient plus racistes que les Suédois.<br /> Par ailleurs, vous avez raison de dire que la mafia n'est pas à l'origine de tout. Et, je me suis peut-être un peu avancé en écrivant une éventuelle implication des clans de Rosarno (cf. )<br /> En revanche pour les évènements de Naples, c'est incontestable : <br /> <br /> <br /> <br /> La Camorra, les « Roms » et<br /> l’industrie de la pauvreté<br /> <br /> <br /> La mafia napolitaine et les Roms<br /> <br /> <br /> « Jammuncenne »<br /> <br /> <br /> <br /> J'aimerais attirer votre attention sur votre critique des « prédicateurs de la légalité". <br /> Cela ressemble fort à une critique du droit comme protection de l'ordre bourgeois.<br /> Mais la légalité c'est bien précisément parce qu'on peut la changer.<br /> A contrario, le changement sans le droit c'est la révolution et la révolution c'est la guerre.<br /> <br /> Enfin,, je vous invite à prendre avec des pincettes le concept " professionnels de l'Antimafia".<br /> Leonardo Sciascia s'est presque excusé d'avoir employé ces mots surtout en 1987 en plein maxi-procés <br /> et en citant Paolo Borsellino comme exemple de ce type de professionel. <br /> Je vous renvoie à l'analyse de Salvatore Lupo dans <br /> Che Cos'è la mafia (Sciascia e Andreotti, l'Antimafia e la politica) édition Donzelli Virgola, 2007.<br /> <br /> Mi piaccerebbe che sia tradotto questo comento e mandato a par Elisabetta Della Corte et Franco Piperno.<br /> <br /> Bien à vous<br /> <br /> PS : au vu de vos opinions, le mieux serait de quitter overblog qui est tenu par TF1 et de faire un site « libre ».<br /> (j'ai fait la même erreur http://rizzoli-mafias.over-blog.com/)<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> Merci pour ces analyses fortes intéressantes. Je compte bien mettre votre article en lien sur mon site.<br /> Je suis tout à fait d'accord avec vous. Le racisme n'a en pas pas grand chose à voir avec les événements de Rosarno. Comme je suis universaliste, je ne pense pas que les Calabrais soient plus racistes que les Suédois.<br /> Par ailleurs, vous avez raison de dire que la mafia n'est pas à l'origine de tout. Et, je me suis peut-être un peu avancé en écrivant une éventuelle implication des clans de Rosarno (cf.<br /> <br /> <br /> Mondialisation : arrestation à Rome d’un mafieux calabrais après la fuite des Africains)<br /> <br /> <br /> En revanche pour les évènements de Naples, c'est incontestable : <br /> <br /> <br /> <br /> La Camorra, les « Roms » et<br /> l’industrie de la pauvreté<br /> <br /> <br /> La mafia napolitaine et les Roms<br /> <br /> <br /> « Jammuncenne »<br /> <br /> <br /> <br /> J'aimerais attirer votre attention sur votre critique des « prédicateurs de la légalité". Cela ressemble fort à une critique du droit comme protection de l'ordre bourgeois. Mais la légalité c'est bien précisément parce qu'on peut la changer. A contrario, le changement sans le droit c'est la révolution et la révolution c'est la guerre.<br /> <br /> Enfin,, je vous invite à prendre avec des pincettes le concept " professionnels de l'Antimafia".<br /> Leonardo Sciascia s'est presque excusé d'avoir employé ces mots surtout en 1987 en plein maxi-procés et en citant Paolo Borsellino comme exemple de ce type de professionel. Je vous renvoie à l'analyse de Salvatore Lupo dans Che Cos'è la mafia (Sciascia e Andreotti, l'Antimafia e la politica) édition Donzelli Virgola, 2007.<br /> <br /> Mi piaccerebbe che sia tradotto questo comento e mandato a Elisabetta Della Corte et Franco Piperno.<br /> <br /> Bien à vous<br /> <br /> PS : au vu de vos opinions, le mieux serait de quitter overblog qui est tenu par TF1 et de faire un site « libre ».(j'ai fait la même erreur)<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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