Stéphane Hessel : un témoignage en souvenir
Chaque mort, c'est en même temps une fin-du-monde pour la personne
qui nous laisse, et un déséquilibrage du reste-du-monde qui lui
survit, une modification irréversible de l'état des choses par un vide
qui se produit. Les vagues – comme pour la pierre lancée dans un
étang ou le battement d'ailes d'un papillon en Amazone des deux
exemples célèbres – se propagent comme des cercles dans l'eau
«jusqu'aux confins de l'univers»...
Aujourd'hui, c'est Stéphane Hessel qui n’est plus. En dehors des
jugements et bilans divers et contradictoires qui s’invitent toujours
en pareille circonstance, nous – une poignée de gens dont le destin
s'est croisé maintes fois avec l'«y être» de cet homme, sa posture
publique, ses pratiques, autrement dit, son éthique –, nous avons en
commun un témoignage à rendre à propos de Stéphane Hessel.
Nous sommes des Italiens faisant partie de la large minorité de gens
qui, dans la longue période après-68, ont vécu – entre choix et
nécessité – les conséquences les plus extrêmes d'une onde de choc de
subversion sociale généralisée dans la Péninsule.
Après, vaincus et poursuivis par une riposte étatique à jamais
vengeresse, nous avons trouvé en France la terre d'un refuge, d'un
asile informel, «de fait», et par là fragile, précaire, à risque.
En fait, au fil de trois décennies, la possibilité d’extradition à
pesé sans cesse sur l'ensemble de cette communauté de destin.
Eh bien, chaque fois que quelqu'un de nous s'est trouvé sous le coup
d'une procédure d'extradition, et que nos avocats, notamment Maîtres
Jean-Jacques De Felice et Irène Terrel, on demandé son soutien actif,
Stéphane Hessel à toujours répondu présent, et s'est engagé sans
réserve à nos côtés. Cela, en dépit de la distance qui pouvait exister
entre nos engagements, points de vue et pratiques, et les siens.
Aujourd’hui, c'est justement de la lucidité et grandeur d'esprit de
cet homme que nous voulons témoigner...
Réfugiés italiens vivant en France