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La tyrannie la plus redoutable n'est pas celle qui prend figure d'arbitraire, c'est celle qui nous vient couverte du masque de la légalité." Albert Libertad

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le blog du laboratoire anarchiste

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4 août 2012 6 04 /08 /août /2012 16:26

Un article du daubé sur la construction de la nouvelle prison de Valence. Taubira s'était prononcé pour un gel des constructions de nouvelles prisons, pour "sortir du tout carcérale". Mensonge d'Etat.

N'hésitez pas à passer le mercredi au labo pour en discuter, ou nous contacter par mail. On ne va quand même pas laisser s'ouvrir ce nouveau lieu d'enfermement sans rien faire ?..

 

 

L’Agence publique pour l’immobilier de la justice chargée de construire de nouveaux centres pénitentiaires pour le compte de l’État vient d’annoncer qu’elle avait sélectionné le groupe Spie-Batignolles pour la réalisation de la nouvelle prison de Valence dans le cadre d’un partenariat public-privé. Un projet que le maire de Valence Alain Maurice et le président du conseil général de la Drôme Didier Guillaume avaient évoqué auprès de la nouvelle ministre de la Justice, Christiane Taubira. Le groupe Spie-Battignoles devrait ainsi être chargé de financer, concevoir et construire cet équipement ainsi que de son entretien et sa maintenance pendant 25 ans.

 

Ce partenariat public-privé prévoit également une prestation de services à la personne, notamment la formation professionnelle et le travail des personnes détenues ou encore l’accueil des familles et la restauration des détenus et du personnel, sur une durée de 9 ans. La réalisation de ce nouvel établissement entraînera la fermeture de l’établissement actuel et permettra de mieux répondre aux obligations des règles européennes en ce qui concerne l’encellulement individuel, l’obligation d’activité et le maintien des relations familiales. Le contrat entre l’Apij et l’entreprise devrait être signé d’ici la fin de l’année, permettant un début des travaux en 2013. La nouvelle prison – un établissement de 33 000 m² pouvant accueillir 456 détenus – devrait ainsi être mise en service en 2015/2016.

 

Le maire de Valence Alain Maurice s’est félicité du choix du gouvernement de donner suite à la demande de la mairie valentinoise. Ce qui devrait ainsi permettre de poursuivre la réalisation de la Cité des sports et de la culture, qui était conditionnée par le déménagement de l’actuelle prison dont elle occuperait le site.

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1 août 2012 3 01 /08 /août /2012 14:46


SOLIDARITE !
Un opposant turque risque d'être renvoyé de la Suisse vers la Turquie


LETTRE OUVERTE
AUX AUTORITÉS SUISSES ;
AUX DÉPUTE-É-S DU PARLEMENT EUROPÉEN ;
AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES ;
AUX DÉFENSEUR-E-S DES DROITS HUMAINS ET AUX MÉDIAS.


Madame, Monsieur,
Il s'agit de l'arrestation et d'une éventuelle expulsion vers la Turquie d'un demandeur d'asile d'origine turque en Suisse.

Il s'agit de Monsieur Levent Capa, un camarade turc que beaucoup ont vu dans le mouvement à Paris, notamment au collectif des mal logés du 18e sans frontière, dans les assemblées du 20ème contre les expulsions et au bâtiment occupé du 260 rue des Pyrénées.

En 2011, après 11 ans de prison pour ses activités dans  Devrimci-Sol (la gauche révolutionnaire) il se rend en Europe pour fuir la pression d'Etat et le risque d'avoir de nouveau un procès et une longue peine.

Une fois en Suisse en 2011, il connaît son premier contrôle de police et est contraint de donner ses empreintes à la police et dans la foulée  M.Capa dépose une demande d'asile en Suisse.

Il doit ensuite se rendre en France où nous l'avons connu. Il cherche encore une fois à régulariser sa situation et  lors d'un rendez vous à la préfecture de police de Clignancourt, on lui fait part d'une convocation en Suisse. Avant de s'y rendre, il  va au consulat suisse pour comprendre sa situation. Au consulat, il est rassuré : on lui affirme qu'il va pouvoir bénéficier de l'asile mais qu'il faut retourner en Suisse. Ce qu'il fait immédiatement afin de régulariser sa situation.
Deux jours après son arrivé, il se fait arrêter et enfermer en détention administrative au sein de la prison régionale de Berne. Levent apprend alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office fédéral des migrations (OFM). Il ne connaissait pas ce refus sinon, il ne se serait jamais rendu en Suisse. Par ailleurs ce refus semble antérieur à sa convocation car il est déjà trop tard pour faire recours.


Les autorités suisses ont-elles tendu un piège à M. Levent  Capa?  Il est encore temps d'honorer sa promesse d'accord d'asile politique.

Depuis le début de sa détention, M. Levent Capa a entamé une grève de la faim malgré ses problèmes de santé.

Au vu de l'engagement politique de M. Capa, nous considérons que sa situation correspond pleinement aux critères déterminant l'obtention du statut de réfugié politique. Il convient de réexaminer attentivement son dossier. Par conséquent, nous vous demandons instamment d'intervenir auprès des autorités compétentes suisses, afin d'empêcher l'extradition de M. Capa  vers la Turquie où il risque d'être torturé et persécuté. A toutes fins utiles, nous vous rappelons que l'Etat turc est bien connu pour pratiquer la torture à grande échelle, ce malgré les pressions internationales et les condamnations continues de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Amnesty International, l'Organisation Mondiale contre la Torture, Human Right Watch ont clairement et explicitement dénoncé la pratique systématique de la torture en Turquie.
De plus, l'article 33 alinéa 1 de la Convention de 1951 (et son protocole de 1967) - dont l'application est universelle pour les Etats qui l'ont ratifiée et n'admet aucune réserve - stipule qu'<< aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa
liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. >> Il en est de même pour l'article 3 alinéa 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984), dont la Suisse est signataire, qui dispose qu'<< aucun Etat n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture. >> Nous sommes persuadés que, comme nous, vous refuserez d'assumer la responsabilité du renvoi d'un ressortissant turc dans un Etat antidémocratique, violent et criminel.


En vous remerciant d'avance de l'attention que vous porterez à ce courrier, nous vous prions d'agréer, Madame, Monsieur, nos salutations distinguées.
Comité de solidarité avec Levent CAPA  à Paris

contact : libertepourlevent@gmail.com

Actions : Nous vous prions de bien vouloir écrire aux instances onusiennes et aux autorités suisse :
Office fédéral des migrations
Quellenweg 6
CH-3003 Berne-Wabern
T +41 31 325 11 11, F +41 31 325 93 79
http://www.ejpd.admin.ch/content/ejpd/fr/misc/conform.html
Département fédéral de justice et police
Service d'information
Palais fédéral ouest
CH-3003 Berne
T +41 31 322 21 11, F +41 31 322 40 82
http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/misc/conform.0005.html
United Nations High Commissioner for Human Rights :
urgent-action@ohchr.org
United Nations High Commissioner for Refugees :
1503@ohchr.org

 _______________________________________________________________________

Le 23 juillet un camarade de Turquie, Levent Capa, s'est fait arrêter à Berne et enfermer à la prison régionale de Berne dans la section << détention administrative >> pour étrangers. Depuis des actions de
solidarité s'organisent.

LIBERTE' !  FREIHEIT !  LIBERTA' !  FREEDOM, FOR LEVENT CAPA !

Ce matin, jeudi 26 juillet, une délégation du comité de solidarité avec M  Levent CAPA de Paris constitué d'une quarantaine de personnes s'est rendue au consulat suisse à Paris. Après avoir exigé d'être reçus, nous avons  pu discuter avec le consul M. Uve Haueter qui s'est engagé à prévenir les autorités concernées en Suisse et le responsable de la détention administrative de la prison régionale de Berne de la situation de M. Levent CAPA.

En effet, M. CAPA s'est rendu au consulat Suisse à Paris avant de se rendre à une convocation de l'Office Fédérale des Migrations (OFM) en Suisse. Le consulat  lui a assuré qu'il serait protégé par sa demande d'asile et qu'il serait bien accueilli en Suisse.

Mais une fois à  Berne, il s'est fait arrêter et enfermer en détention administrative. Il s'est avéré que sa demande d'asile était en fait déjà rejetée depuis suffisamment de temps pour que le délai de recours soit expiré !

Levent Capa a fuit la Turquie après 11 ans de prison pour ses activités au Devrimci-Sol (la gauche révolutionnaire). Il redoute un autre procès et de nouveau une longue peine.

Nous avons informé le consul que M. Capa a toujours fait en sorte de régulariser sa situation vis-à-vis de la Suisse.

Nous l'avons également informé que M. Capa entamé une grève de la faim dès le début de sa détention malgré ses problèmes de santé.

Nous avons rappelé que l'Etat turc est bien connu pour pratiquer la torture à grande échelle, et ce malgré les pressions internationales et les condamnations continues de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Amnesty International, l'Organisation Mondiale contre la Torture et Human Right Watch ont clairement et explicitement dénoncé la pratique systématique de la torture en Turquie à maintes reprises.

De même, nous avons rappelé l'article 3 alinéa 1 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984) qui dispose qu'<< aucun Etat n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la
torture. >>

Nous avons donc rappelé que l'expulsion de M. CAPA en Turquie serait tout simplement un crime au vu du danger qu'il y encoure. Que cette expulsion serait une extradition déguisée.

Ci-dessous mail que nous avons réçu de la part du Consul :

Haueter Uve EDA HUV uve.haueter@eda.admin.ch

 Mesdames, Messieurs,
       Je me réfère à notre entretien de
ce matin devant l'Ambassade de Suisse au sujet de Monsieur Levent
Capa. Excusez-moi le retard à vous informer de mes interventions, dû à des
imprévus, depuis notre entretien.
    Je peux vous informer que j'ai envoyé un courriel aux autorités concernées en Suisse et je leur ai envoyé également votre lettre du 25 juillet 2012. Je les rend attentif à la situation de M. Capa comme vous me l'avez cité lors de notre entretien. Je leur fais également part de vos soucis quant à un retour en Turquie.
    Cordialement,
   Uve Haueter
Consul
(Service administratif et sécurité)

Ambassade de Suisse

142, rue de Grenelle, F-75007 PARIS
France
Tel.:  +33 1 49 55 67 47
Fax:  +33 1 49 55 67 67
uve.haueter@eda.admin.ch
www.eda.admin.ch/paris

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19 juillet 2012 4 19 /07 /juillet /2012 02:54

" je n'ai plus le temps"

A la maison centrale de Poissy, dans la salle des parloirs, Philippe El Shennawy se demande s'il n'a pas une trop sale tête avec ses 17 kilos en moins. Ça va faire deux mois maintenant que le prisonnier a décidé de ne plus manger, mais il préférerait être foudroyé sur place que de laisser entrevoir sa fatigue, devoir s'allonger devant un visiteur ou se mettre à raconter sa vie, voire - pire - à l'excuser.

Alors, cet homme qui a vécu trente-sept années en prison et déterminé aujourd'hui à mourir, s'avance debout au parloir avec un très grand sourire, l'air d'être au paradis.

C'est dimanche matin, l'heure des visites à la prison de Poissy (Yvelines). A l'autre bout de la salle, les surveillants font entrer les familles, les amis. Chacun cherche des yeux celui qu'il vient voir, puis s'enferme presque aussitôt avec lui dans un des box, serrés en rang le long des murs. Au milieu, reste l'espace d'un couloir, où une petite fille blonde court en criant.

IL N'Y A QU'UNE RÈGLE, CELLE DE LA DIRECTION

Derrière les portes closes, le brouhaha des conversations commence à monter. A vrai dire, il ne redescend jamais et Philippe El Shennawy doit hausser la voix pour me proposer en entrant dans notre box : "Prenez le canapé." C'est une banquette minuscule qui mange presque tout l'espace. Une chaise occupe le reste.

A Poissy, on a plutôt de la chance, paraît-il : les visites durent deux heures. Ailleurs, elles peuvent être de trente minutes. Il n'y a pas de règle, ou plutôt si, une seule : celle de la direction. Entre les murs de son établissement, chacune bat sa propre monnaie, sans compte à rendre, décidant de tout ou presque : celui qui a le droit de travailler et celui qui ne l'a pas, ou le nombre de livres autorisé en cellule.

Philippe El Shennawy balaye tout ça d'un geste. Sa grève de la faim ? Ses raisons de la faire ? "Vous aimez les tableaux de Caravage ?", il répond. Belle gueule, nez aquilin, il a surtout gardé, à presque 60 ans, quelque chose du gamin resplendissant qu'il était en 1977, devant la cour d'assises à Paris.

C'était l'époque des grands voyous et des grands flics. Aux assises, ils sont cinq à comparaître, mais on n'en voit que deux : intelligents, drôles, lunettes de soleil Ray-Ban et costumes élégants. Ils plaisent. Ils en ont l'habitude. Ils ne le cachent pas. Le braquage dont ils sont accusés a sidéré le pays : deux hommes cagoulés ont pris en otage les employés d'une banque, en plein Paris, avenue de Breteuil.

PERPÉTUITÉ

L'opération est une des premières confiées à la brigade de répression du banditisme, tout juste créée par le légendaire commissaire Broussard. Elle vire à l'humiliation : les bandits ont réussi à s'enfuir avec les 6 millions de francs de rançon.

Les deux garçons aux Ray-Ban sont arrêtés quelques jours plus tard, sur dénonciation d'un concierge. Ils nient. Devant les assises, le commissaire Broussard ne compte pas laisser l'affaire lui échapper une seconde fois. Sa déposition les massacre. Certains journaux leur trouvent un surnom, "les fauves". Et eux deux, qui continuent à parader dans le box, semblent les seuls à ne pas s'en inquiéter.

L'un tient un alibi : Philippe El Shennawy, franco-égyptien, affirme qu'il était à son consulat ce jour-là. Or, s'il est prouvé que l'un ne l'a pas fait, ils s'en sortiront tous les deux, pensent-ils. Ils vont être acquittés, ils en sont sûrs. Ils ont 21 ans et ne voient pas pourquoi la vie ne serait pas à eux, tout de suite. Il n'y a pas eu de mort, mais les jurés songent un instant à la peine capitale. Finalement, ce sera perpétuité.

Trente-sept ans plus tard, Philippe El Shennawy est toujours en détention, avec sur son dossier les mentions "grand banditisme" et "détenu particulièrement signalé" (DPS) comme au premier jour de son arrestation. Parfois, au détour d'un article, resurgit le surnom "les fauves".

"PEINE D'ÉLIMINATION"

Durant tout ce périple carcéral, un des plus effrayants de France, Philippe El Shennawy n'a cessé de répéter qu'il n'était pas ce personnage-là et des experts psychiatriques - qui l'ont vu en détention - estiment que c'est précisément ce qui l'a fait tenir : ne jamais laisser sa "propre personnalité au vestiaire", ni renoncer à l'espoir de sortir.

Le 18 mai 2012, des magistrats ont fixé la date à laquelle Philippe El Shennawy sera finalement libre : le 14 août 2032. Ce type de sanction porte un nom, "peine d'élimination". Elle vise à mettre quelqu'un définitivement à l'écart de la société et lui signifie : vous ne sortirez jamais. C'est alors que Philippe El Shennawy a arrêté de manger.

Dans le parloir de Poissy, il semble épuisé d'un coup, les yeux ailleurs. Il parle de choses très lointaines, comme si c'étaient les seules qui lui importaient désormais. L'Egypte, par exemple, avec l'immeuble appelé El-Shennawy, des champs de coton appelés El-Shennawy et un village appelé El-Shennawy.

Il est né là, élève brillant chez les frères franciscains, éduqué par sa grand-mère pour assurer la succession. Père chirurgien-dentiste. Mère française, Yvonne, rencontrée à Paris pendant les études. L'histoire semble tracée en lettres d'or, quand, après les vacances à Royan (Charente-Maritime), Yvonne décide une année de ne pas rentrer en Egypte avec les quatre enfants. Assez vite, elle demande à Philippe de prendre la famille en charge. Il a 15 ans, peut être.


Il tourne entre Ménilmontant et le quai de Jemmapes, avec une bande de garçons et une fille dont ils sont tous amoureux. Ils cambriolent des banques du quartier, c'est-à-dire qu'ils poussent la porte et prennent l'argent avec une arme. Ils trouvent ça si facile, qu'ils attaquent parfois trois fois de suite la même agence. Puis, ils achètent des voitures de luxe, qu'ils n'ont même pas l'idée de voler.

Quai de Jemmapes, Martine remarque le garçon dans la brasserie où elle déjeune, entre apprentis-coiffeuses. Elle se dit : "Un émir." Puis cherche un mot pour ce qu'elle ressent. N'en trouve qu'un : le coup de foudre. Martine a toujours eu du chic. Elle le gardera même au parloir pendant toutes ces années. Au début, les surveillants la croient avocate.

"Quand ils comprennent que je suis femme de détenu, le ton change." Parfois, les humiliations commencent. Protester, c'est risquer la suppression de permis de visite. En prison, Philippe la prévient : "Mon métier, c'est voleur."

Le statut de "détenu particulièrement signalé" ne permet pas grand-chose, ni travail ni études. Quand la pression se relâche un peu, Philippe El Shennawy se jette sur tout ce qu'il peut, le baccalauréat, une licence d'histoire, deux diplômes d'informatique - sa passion -, l'histoire de l'art, un CAP pâtisserie, descendre les poubelles.

Les rapports relèvent une intelligence et une culture hors du commun. En 1987, il est détenu à Saint-Maur (Indre) quand éclate une mutinerie. Son intervention, héroïque, "a évité un bain de sang", signale un conseiller de probation.

"IL EST DANGEREUX, ON VOUS L'AVAIT BIEN DIT"

En 1990, au bout de quinze ans, Philippe El Shennawy finit par sortir en conditionnelle. Il s'installe en Corse avec Martine, parce qu'il est interdit de séjour à Paris. Il y revient quand même, un week-end. Des cartes bleues volées sont découvertes chez lui. On lui met sur le dos un braquage de fourgon, trois morts.

Une petite musique va se mettre en marche, qui ne s'arrêtera plus : "Il est dangereux, on vous l'avait bien dit." Sa conditionnelle est révoquée d'un coup : il repart pour quinze nouvelles années de détention, plus quatre pour les cartes bleues et deux pour la virée à Paris. Quant au fourgon, Philippe El Shennawy est innocenté, mais qui s'en souvient à part lui ? "L'administration pénitentiaire, c'est comme le casino : à la fin, c'est toujours elle qui gagne", dit un ancien de l'institution.

La parenthèse corse aura duré un an et demi. Que dire des deux décennies qui vont suivre ? Chaînes au pied au moindre déplacement, même à l'hôpital. Hélicoptères et escorte en cagoule dès qu'il paraît en public. Sa vie se met à ressembler à une série de chiffres et de calculs, dix-huit établissements différents, vingt ans à l'isolement où même les couloirs de prison sont vidés quand le détenu doit les emprunter.

Lui se lance dans une grève de la faim pour une machine à écrire ou un ordinateur. Fait condamner la France devant la Cour européenne des droits de l'homme quand il subit jusqu'à huit fouilles à nu par jour. Il passe cinq ans en psychiatrie aussi, sous médicaments, où il ne reconnaît plus rien ni personne, sauf Martine, à son odeur. C'est de l'unité psychiatrique de Montfavet (Vaucluse) que Philippe El Shennawy s'échappe en 2004, sa deuxième évasion.

"Il s'est traîné dehors comme un animal épuisé", raconte un infirmier. Il se souvient de ce prisonnier au visage ravagé de tics, articulant à peine, trente kilos de plus, mais gardant cette "capacité à subjuguer les gens" et qui dit s'enfuir "pour ne pas finir légume".

Il est repris après onze mois, et le procès de son évasion à Avignon se transforme en celui de la prison et de l'indignité des longues peines, raconte Philippe Van Der Meulen, son avocat alors. Et, cette fois, Philippe El Shennawy gagne. Verdict : deux ans, le minimum.

Dans la nuit, le prisonnier écrit à la magistrate qui l'a jugé : "Je me suis présenté devant vous pas toujours sympathique, avec mes défauts et parfois mes qualités, en vous disant ma vérité. Votre cour vient de me rendre justice après trente ans d'horreur indicible. Vous avez décrété que je n'étais pas un scélérat, votre verdict me sort du monde du mépris où une autre cour m'avait plongé dans l'affaire de la rue de Breteuil (...). C'est la reconnaissance de ce que je suis et n'ai jamais cessé d'être."

A ce moment du récit, devrait apparaître le mot "fin" et jouer les violons. Mais c'est la petite musique qui se met à retentir. Vous vous souvenez ? "Cet homme est dangereux, on vous l'avait bien dit..." Un cambriolage - pendant sa cavale - le rattrape. Le parquet fait appel : les deux ans pour son évasion en deviennent seize. Puis tombe la fin de sa peine, 2032. Et les calculs recommencent.

A cette date, Philippe El Shennawy aura effectué une condamnation de cinquante-sept ans de prison, sans avoir jamais tué personne.

Virginie Bianchi, son avocate actuelle, a demandé le relèvement de sa période de sûreté qui permettrait une conditionnelle. A la prison de Poissy, l'affaire est prise très au sérieux : pour la première fois en trente-deux ans, son statut de DPS a été levé début juillet. Philippe El Shennawy ne mange toujours pas.

Un haut-parleur annonce la fin de la visite. On a parlé de littérature, d'informatique. "Je ne vais pas vous embêter avec le reste. Je n'ai plus le temps." Il sourit à nouveau, comme s'il tenait la mort, sa dernière liberté, enlacée contre lui.

Florence Aubenas

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18 juillet 2012 3 18 /07 /juillet /2012 11:41

on publie cet brève car il y a aussi  un projet de nouvelle prison à valence pour 2017, le collectif solidarité prisonnier a une préférence vis a vis  de ce type d'action à ciel ouvert que les actions clandestines (dans ce cas là)

http://cettesemaine.free.fr/spip/IMG/jpg/sauzet.jpg


Sauzet. Les "anti-prison" tiennent bon

La Dépêche, 16/07/2012 08:51

Le collectif Sauzet Évasion et l’association Sauzet Nature environnement et développement ne baissent pas les bras. Un repas champêtre était organisé samedi, au camp de Guitard, sur l’emplacement de la future prison.

Ils étaient 130 à avoir répondu à l’appel, toutes générations confondues, et à être venus partager méchoui, chansons et prise de parole, dans la bonne humeur. Forts de 290 adhérents et de 1 500 pétitions signées, les « anti-prison », loin de s’essouffler, se structurent et s’organisent. Le Café du commerce, à Sauzet, avec la publication d’une gazette bi mensuelle, sert de lieu de rencontre, d’expression et d’accueil.

« Nous voulons fédérer, faire avancer la réflexion et élargir le débat de fond sur les prisons, déclare Madeleine Bourgeade, présidente de l’association. Nous continuerons tant que nous n’aurons pas la certitude que le projet est abandonné. » L’élection d’un Président de gauche « a suscité un peu d’espoir et met les élus locaux en face de leurs contradictions, selon Georges Winter, porte-parole de Sauzet Évasion. La gauche, qui s’était opposée à la loi Mercier dite de programmation relative à l’exécution des peines, devrait revoir cette loi et bloquer la construction de certaines prisons. »

« Quant à l’intérêt général et les retombées en termes d’emploi prônées par la municipalité, ajoute Madeleine Bourgeade, qui déplore un manque de transparence et de débat, nous ne disposons d’aucune étude ni de chiffres sérieux. Tout est pensé à court terme. »

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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 13:03

Une quarantaine de détenus a refusé de réintégrer les cellules, hier à partir de 15 heures, afin de dénoncer les problèmes de cantine, fouille au corps et de parloir.

«Allô ! Bonjour ! On n'est pas rentrés de promenade. On veut des changements à la prison. Il faut le dire !» Depuis l'intérieur du centre pénitentiaire de Seysses, des détenus ont contacté les copains hier soir, pour annoncer leur mutinerie. Depuis 15 heures et la promenade, une quarantaine d'entre eux avait refusé de réintégrer leurs cellules. Ils dénonçaient leurs conditions d'incarcération «inadmissibles».

«On a une mauvaise cantine, même des chiens n'en voudraient pas, ont-ils expliqué depuis la prison tandis que l'équipe régionale d'intervention et de sécurité (Eris) tentait de rétablir l'ordre. Nous avons aussi des problèmes avec les parloirs. Quand les familles viennent de Paris ou Marseille pour nous voir 45 minutes, s'ils ont une minute de retard, ils ne rentrent pas. Et, après les parloirs, les fouilles sont trop poussées, on se sent dégradés. Que font-ils des droits de l'Homme ? On en a ras-le-bol ! Et quand on revendique, on nous menace de partir à Tarbes, loin de chez nous.»

Hier, la mutinerie a fait tache d'huile à l'extérieur de la prison. La compagne d'un détenu a confirmé : «En tant que visiteurs, nous avons des difficultés pour les rencontrer. Je viens de loin et une fois sur trois on m'empêche de le voir.»

À l'image de manifestants classiques, les détenus ont donc librement communiqué leurs revendications et commenté les événements. «Les Eris sont là. Ils ont des flashballs.»

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2 juillet 2012 1 02 /07 /juillet /2012 10:16

lu sur non fides et copié car de nombreux éléments sont important de donner aux lectrices et aux  lecteurs du blog le laboratoire, trouvez les et réfléchissez si vous voulez

« J’ai réalisé presque tous les rêves que j’avais, et souvent je fais la comparaison entre mon existence et l’ouvrier que j’aurais été si j’étais resté au village. Comme mes vieux camarades d’école, je serais aujourd’hui certainement marié et avec des enfants, obligé de travailler dix heures par jour pour faire vivre une famille. Crevé après le travail, je resterais là à fixer cette boîte idiote, confortablement assis en pantoufles, pour ensuite m’en aller au lit, mort de fatigue et détruit... Aujourd’hui, je ne serais probablement pas en prison.
Mais même s’il était possible de revenir en arrière, je ne changerais pas d’un millimètre la route que j’ai choisie. Que serait-il advenu de moi si la lumière de la lutte n’avait pas éclairé mon chemin ? »


 

On devine qui est Claudio Lavazza dès la première page de ce livre : les actions dont il est accusé parlent clairement. Un rebelle, un guerrier qui a participé, avec tant de jeunes de sa génération, à la tentative de changer la société et le monde, assumant toute la responsabilité de le faire avec les instruments qu’il estimait adéquats. Sa biographie n’est pas seulement un témoignage de plus sur la lutte armée de la fin des années 70 au début des années 80, mais c’est aussi le portait d’un homme qui, fait plutôt rare, dans la saison d’impitoyable répression du soulèvement armé en Italie, ne se réfugie pas à l’étranger pour s’arranger avec les promesses des gouvernements plus ou moins garantistes (qui garantissent les droits civils), n’accepte pas la condition de réfugié politique, mais poursuit sa lutte de l’autre côté des Alpes, en mettant en pratique avec une cohérence lucide, les principes de l’internationalisme prolétarien et en démontrant que, tout comme l’injustice et l’inégalité, l’urgence de les combattre ne connaît pas non plus de frontières.

Avec une discipline de fer et une détermination consciente, il ne pense pas à s’enrichir et à s’installer, bien que les expropriations pour lesquelles il a été condamné aient rapporté des butins plus qu’attrayants. Il poursuit sa lutte en affrontant les difficultés de chaque exilé et de tout individu pourchassé. Claudio ne veut pas que soit tiré un trait sur son expérience qu’il ne consi- dère jamais comme terminée, même quand, en décembre 1996 à Cordoue (Espagne), il est blessé dans une fusillade sur un braquage puis arrêté : son combat continue aussi à l’intérieur des murs. Dans cette « prison à l’intérieur de la prison » qu’est le régime FIES de l’État espagnol auquel il est soumis pendant une très longue période.

Une expérience plus que trentenaire qui unit sans revirements les luttes d’hier à celles d’aujourd’hui, avec une vision concrètement internationaliste et obstinément radicale. Radicale comme ces valeurs et ces désirs qui, malgré la peur et la résignation qui semblent régner en maîtres dans notre partie du monde, restent aujourd’hui encore indispensables, et chaque jour plus urgentes à réaliser.

A travers ses récits, encore une fois, Claudio nous transmet la force qui a animé ses combats, mise à rude épreuve d’abord par l’exil et par la prison ensuite, jusqu’à aujourd’hui, sans perdre cet enthousiasme qui lui a permis d’affronter, jour après jour, l’isolement et la torture de l’enfermement.

Un enfant pestiféré, Claudio. Un rebelle, anarchiste, guerrier, expropriateur, qui dans l’ardeur d’une bataille sans trêve, a su conjuguer ses qualités aux temps difficiles qui ont cours.

 Avant propos

Ce n’est pas une tache aisée que de s’occuper de l’édition de l’autobiographie d’une autre personne. Du moins c’est notre cas, nous qui nous sommes sentis souvent mal à l’aise en y mettant la main, en en interprétant les phrases, les passages, cherchant à saisir de la manière la plus précise, c’est-à-dire celle de l’auteur, la clarté des concepts exprimés et la signification des choix narratifs. Une tache rendue encore plus compliquée par la traduction à plusieurs personnes du texte original, que Claudio a rédigé en castillan, auquel il a semblé nécessaire d’apporter une révision générale qui permette de relier les parties sur lesquelles chaque traducteur et traductrice est intervenu, et rendre donc le texte homogène et cohérent dans son intégrité.
En fin de compte, Claudio parle de lui dans ce livre, de comment il a grandi et s’est formé, des sentiments, des amertumes, des multiples facettes qui façonnent sa personnalité... pas uniquement des choix, des événements et de certains épisodes qui ont marqué son parcours extraordinaire (dans le sens d’hors du commun) de rebelle. Mais à quel point les idées et l’agir d’un révolutionnaire dépendent aussi des situations et des sentiments qui sortent du contexte des luttes ?
Nous ne pouvons concevoir l’existence de « fonctionnaires de la révolte » qui réussiraient à tenir séparés vie privée et engagement pour changer le monde. Et Claudio nous en donne une confirmation. Cela est donc utile pour ceux qui ont la curiosité de connaître moins superficiellement la personnalité et le vécu de celui qui écrit, de se plonger un minimum dans l’intimité des aspects caractéristiques et des expériences qui ne sont pas secondaires dans le parcours d’une vie. Par ailleurs, c’est Claudio qui, à travers son autobiographie, nous permet d’entrer dans sa vie, ou du moins jusqu’à la profondeur qu’il a jugé opportune, et qui nous révèle ses mondes, bien sûr mieux que ne peuvent le faire les dossiers des tribunaux qui le concernent, l’image qu’ont dessinée de lui les médias, ou encore sa réputation par on-dit qui circule parmi les compagnons.

Il s’agit d’une biographie qui couvre un laps de temps fortement significatif pour les transformations sociales, économiques et politiques qui nous ont amenées jusqu’à notre présent : des décennies que Claudio traverse dans l’enfance de l’après-guerre, dans la découverte de l’exploitation salariale lors des années du boom industriel, dans la jeunesse de la saison des grands mouvements de classe et de l’engagement à travers la guérilla de rue et la clandestinité. En s’enfonçant ensuite, après l’épuisement de l’expérience des organisations combattantes (ou du moins de celles auxquelles Claudio a participé), dans les années du soi-disant reflux, avec la quête obstinée et sans retour en arrière de nouveaux chemins de liberté, d’affirmation personnelle et de ses principes, à parcourir, le regard toujours tourné vers ceux qui combattent encore, un monde dans lequel semble avoir disparu le cri de révolte collective avec lequel Claudio a grandi et a entièrement mis sa vie en jeu.
Pour arriver aux années de l’enfermement, à l’énième terrain sur lequel, cette fois malgré lui, Claudio se trouve à s’investir tout entier, pas seulement pour ne pas succomber, mais au contraire pour se battre à la conquête de chaque goutte de dignité, de revendication théorique et pratique des idéaux d’une vie. Une captivité que Claudio rompt en se projetant dans l’interpréta- tion du contexte actuel des mouvements sociaux et révolutionnaires, et pas seulement de façon limitée à leurs spécificités de critique de la prison, se mesurant avec les dynamiques de lutte et avec les camarades qui y participent, en imaginant quelles voies nous pouvons finalement encore emprunter pour concrétiser, maintenant et dans les jours à venir, les rêves et les hypothèses de l’idéal anarchiste.

Claudio accompagne la narration d’une chronologie -du moins nous la définirions ainsi- réfléchie des événements, principalement relatifs aux mouvements de classe et à la lutte armée en Italie, qui insèrent ses vicissitudes personnelles dans le contexte plus général de la période pendant laquelle celles-ci ont eu lieu. Ce choix est dû au fait d’avoir principalement adressé cette autobiographie au mouvement antiautoritaire de la péninsule ibérique, un contexte dans lequel Claudio a rencontré un important manque de connaissance par rapport aux événements historiques de notre pays à cheval entre les années 60 et les années 80, et en particulier à propos des soi-disant années de plomb et du phénomène armé diffus dont il a lui même été protagoniste. Avec les mêmes motivations, étant donné qu’ici aussi on a tout fait pour mystifier les événements de ces années, il nous semble utile de profiter aussi de cette chronologie pour l’édition italienne.
Une autre raison qui motive la priorité de l’auteur à se tourner vers le mouvement espagnol réside dans le fait que –en-dehors du fait que Claudio soit enfermé dans les prisons de l’Etat espagnol depuis presque quinze ans– les circonstances mêmes de l’arrestation, la sienne et celle des trois autres compagnons en Andalousie, et les luttes successives dont il sera l’un des protagonistes contre le régime pénitentiaire FIES, peuvent être considérées, sans aucun doute, comme des étapes décisives dans le parcours du mouvement anarchiste de la péninsule ibérique. Ces événements et l’apport également théorique de Claudio depuis la prison ont certainement été déterminants tant dans la mise en discussion de l’anarchisme historique représenté par des organisations comme la FAI et la CNT, que dans la contribution au débat impétueux qui s’est déchaîné dans ces années en Espagne –souvent, il faut l’admettre, avec des malentendus, des interprétations et des prises de position maladroites– autour de l’apport théorique et pratique de l’insurrectionnalisme. Des moments qui ont assurément offert des occasions de mûrir à une génération de jeunes militants libertaires avides d’action, d’idées moins poussiéreuses que les habituels sermons sur l’Espagne de 36.

L’état d’esprit de Claudio qui se révèle dans la confrontation avec l’expérience de la lutte armée représente peut-être une des caractéristiques de son texte qui nous ont convaincu de proposer une édition en italien. Souvent, avec évidemment des exceptions notables, les textes qui circulent en Italie à propos des années de plomb, et surtout les écrits mis en circulation par ceux qui ont été partie intégrante de cette période, sont imprégnés d’une atmos- phère de défaite. Une reddition si ce n’est sur le terrain à cette époque – mais au moins a posteriori face à un système social, à un modus vivendi contre lequel ils s’étaient levés en armes. Il arrive ainsi fréquemment de tomber sur des bribes du passé d’hommes et de femmes, sur des souvenirs (aussi émouvants ou poignants soient-ils) pourtant lointains, qui resurgissent dans les paroles de celui qui se sent le rescapé d’une guerre qu’on a perdue.
Soyons clairs, chacun fait les comptes de son passé comme il le veut –tant qu’il ne balance pas les camarades de l’époque sur les bancs d’un tribunal, ou les idéaux et expériences qui font partie du patrimoine collectif du mouvement révolutionnaire– mais, comme le démontrent Claudio et d’autres compagnons, ceux qui sont encore en prison depuis ces années-là et ceux qui sont dehors et se sont replongés avec entrain dans les luttes du présent, il serait erroné de considérer ces expériences comme un chapitre clos de la vie de quelqu’un. Il nous a paru au contraire enthousiasmant de lire comment un homme traqué par la Loi et qui a perdu une grande partie des points de référence humains, projectuels et organisationnels autour desquels il a précédemment fait graviter son existence, s’évertue à trouver des chemins pour continuer à vivre et à lutter dans des temps qui ont changé, dans des conditions qui, autant qu’on puisse les prendre en compte, sont plutôt difficiles à prévoir.

Et puis, pour conclure, un dernier mais non moins important point de l’engagement de Claudio à raconter sa vie nous concerne, en tant que femmes et hommes qui haïssent les prisons et une société qui les considère comme nécessaires : la voix d’un reclus, d’un révolutionnaire qu’on voudrait condamner au silence et à l’oubli, fait irruption avec son vécu et ses messages dans la réalité que nous nous trouvons à vivre ici dehors, et revendique avec force que les compagnons derrière les barreaux ne sont pas enterrés vivants, mais font partie de nos affects, des parcours auxquels nous nous dédions, des espoirs de liberté auxquels nous devons déblayer le passage.

Bien sûr Claudio reste, comme il aime lui-même à le dire, un homme pestiféré, plus prompt à l’action qu’à la plume, et la biographie qu’il nous livre est peut-être, essentiellement, une exhortation à ne jamais se rendre à la résignation, à faire siens les succès et les erreurs des autres, à s’avancer sans hésitation sur les traces d’une vie qui mérite d’être vécue.

[Traduit de l’italien pour cette brochure : rabats et avant-propos à l’édition italienne de l’autobiographie de Claudio Lavazza, Pestifera la mia vita, ed. « Cassa antirepressione delle Alpi occidentali », « Cassa anarchica di solidarietà anticarceraria » di Latina, « El Paso » occupato, Centro di documentazione « Porfido » novembre 2011, 240 p.]


 Italie (1980-1981)

L’attaque de la prison de Frosinone

Le vaste mouvement de luttes sociales né dans les années 60 en Italie, s’est répandu à l’intérieur des usines et des écoles. A la fin de 1969, la répression a augmenté avec la stratégie de la tension, des attentats perpétrés par les services secrets italiens (bombe de la place Fontana, le train Italicus, etc.), en une vaine tentative de provoquer un coup d’Etat pour restaurer le fascisme. Ce contexte poussa quelques formations extraparlementaires et des secteurs impliqués dans la lutte à se questionner sur l’opportunité d’utiliser la lutte armée et sur la violence comme moyen d’autodéfense. De ce débat naquirent, de 1969 à 1989, plus de cent organisations armées, pour être plus exact, cent-quatorze. Fin 1977, sous l’impulsion d’un fort mouvement autonome qui s’était développé à travers le pays, et face à la nouvelle réalité des prisons spéciales, se formèrent les PAC. (Prolétaires Armés pour le Communisme) soutenus par la revue Senza Galera (Sans Prisons). Je fus l’un de ses fondateurs. Parmi les membres de ce groupe, il y avait Cesare, un camarade issu du monde de la malavita qui s’était conscientisé chaque fois plus, jusqu’à avoir une des positions les plus avancées de cette époque, parce qu’il avait développé une forte composante anarchiste au cours de sa trajectoire. Cesare était mon ami. Sa sympathie débordante, sa spontanéité, son implication totale dans la lutte et ses points de folie, m’en faisaient le plus précieux des camarades.

Au cours des années suivantes, le nombre de membres des PAC s’est accru, leurs actions contre le monde carcéral aussi. Citons par exemple l’exécution, le 6 juin 1978, d’un adepte de la torture bien connu, Antonio Santoro, chef de sécurité de la prison d’Udine au nord de l’Italie, ou celle d’Andrea Campana, agent de la DIGOS (police politique), sans compter quelques autres visites à des personnages du monde carcéral.

Au début du printemps 1979, un bon nombre de camarades, Cesare et moi, sommes prisonnier(e)s... Les PAC se dissolvent. Six mois après mon incarcé- ration, j’eus la chance de sortir « faute de preuves », tandis que les autres res- taient enfermé(e)s, dont Cesare, avec la perspective de beaucoup d’années de prison, trente étant le minimum. Ma libération ne fut pas aussi joyeuse qu’on peut l’imaginer, du fait que beaucoup de mes camarades restaient en taule dans cette angoissante prison de San Vittore, à Milan. Je me souviens que lorsque j’ai vu l’avocat m’annoncer ma remise en liberté, j’eus une ex- pression de tristesse qu’il ne comprit pas. Il n’avait jamais vu pareille réac- tion au cours de toutes ses années d’avocat. Lorsque je suis descendu dans

la cour de promenade et ai annoncé ma libération, j’ai exprimé aux autres qu’avec eux je laissais derrière moi mes meilleurs camarades de lutte, leur promettant, les larmes aux yeux, que je reviendrais sortir de là ou de quelque autre lieu toutes les personnes qu’il serait humainement possible.

Je sortis de la prison début 1980. C’était l’hiver et il faisait très froid dans les rues de Milan. Cependant, le froid qui se répandait en moi du fait de cette solitude imprévue était bien supérieur.

En 1981, un groupe de militant(e)s provenant de diverses organisations combattantes formèrent les COLP (Communistes Organisés pour la Libération Prolétaire), se proposant de créer un réseau de solidarité avec les clandestins et pour la libération des prisonnier(e)s. Le point de départ fut quelques réflexions communes, comme d’élargir notre champ de vision, vu que le système menaçait chaque jour avec la prison toute forme de dissidence. Une autre raison pour laquelle est née la volonté de renforcer notre pratique d’attaque, où primait la libération des prisonnier(e)s comme point crucial de la confrontation, fut le fait qu’ils isolaient les prisonniers les plus combatifs dans des modules « spéciaux », afin de reprendre le contrôle sur les prisons, qui avaient été une authentique poudrière de révoltes et de protestations. Ces régimes spéciaux étaient, à la longue, synonymes d’anéantissement.

Avec les camarades qui formaient ce groupe particulier, on décida que la première libération serait celle de Cesare, qui se trouvait dans une prison du sud. La prison de Frosinone était située quasi dans le centre de la ville. Vue de dehors, elle présentait un aspect lugubre accentué par ses quatre guérites, dans lesquelles surveillaient des fonctionnaires armés. Les hauts murs qui l’entouraient cachaient la souffrance des prisonnier(e)s et rendaient difficile à deviner quoi que ce soit de l’extérieur. Le lieu ne permettait pas de rester beaucoup de temps stationnés, car le risque d’être contrôlés par les forces de sécurité était constant On en faisait continuellement le tour, afin de recueillir des informations sur les mouvements des gardes.

Au bout de six mois de longue préparation, on mit au point le plan d’attaque. Nous nous répartîmes le travail. La couverture de l’extérieur, qui consistait à la protection de mes amis, me revenait. Ce rôle m’était confié car j’étais celui qui avait le plus d’expérience dans l’usage et le maniement des armes à feu, c’est-à-dire dans ce cas, un fusil d’assaut.

Le temps passa et vint le moment où on ne pouvait pas attendre plus longtemps. Le camarade incarcéré courrait le risque d’être transféré d’un moment à l’autre, à cause de la politique de dispersion instaurée par les institutions pénitentiaires dans le but de compliquer toute tentative d’évasion. Ce qui était sûr, c’est qu’il ne manquait pas de prisons de sécurité où on pouvait le transférer, ce qui rendait quasiment impossible une quelconque libération. De plus, l’action prévue n’était pas facile. Il s’agissait de passer par la porte de service et, de là, à travers une petite porte qui se trouvait dans la salle où les familles remettaient les paquets de fringue et de nourriture, puis d’accéder aux dépendances intérieures. La salle d’attente serait probablement pleine de gens : hommes, femmes et enfants, les familles et amis des prisonniers. Quatre hommes et une femme se présenteront fortement armés sous les murs de la prison. Je resterai dehors, près de la voiture volée, pour assurer la sortie une fois l’opération terminée. Le principal danger pouvait se présenter sous la forme d’une patrouille qui, normalement, stationnait très près de l’entrée. Nous avions aussi localisé trois individus en civil avec des gueules de flic, tranquillement assis dans une Alfa Roméo de grosse cylindrée, habituellement utilisée dans ce genre de surveillance. Ils vivaient des temps difficiles à cause des vagues d’attaques armées contre les structures et individus de l’appareil politique et pénitentiaire. Ces mercenaires de l’Etat étaient donc entraînés pour tuer, et étaient armés de mitraillettes M.12, de pistolets et de gilets pare-balles. La possibilité d’un affrontement avec eux nous angoissait tous, il impliquait la mort. La chose se présentait sous un aspect lugubre.

Enfin arriva le moment de l’action.

Le 4 décembre 1981, l’aube était froide. Le soleil se leva au cours de la matinée, atténuant un peu notre état d’âme perturbé. C’était une sensation étrange. On pourrait difficilement décrire le monde intérieur de mes camarades, bien que je ne crois pas qu’il fut très différent du mien. Je me demandais plusieurs fois : « et si le maton n’ouvre pas la porte ? » On devra utiliser des explosifs pour la faire sauter, et alors, avec le bruit, aurons-nous assez de temps pour rentrer et sortir le camarade incarcéré ? Une infinité de questions se bousculaient dans mon esprit, provoquant des peurs qui n’avaient pas de raison d’être et amplifiaient celles qui étaient très réelles.

Nous arrivâmes vers 9h du matin, dans une voiture expropriée la semaine précédente. Nous nous sommes approchés de la prison, puis je suis descendu du véhicule pour m’approcher à pied. Mes camarades ont continué en voiture vers le parking, qui était situé face à l’entrée de la prison. Les visites avaient commencé, et les familles qui n’étaient pas encore rentrées et ceux qui accompagnaient les visiteurs se trouvaient dans ou hors des voitures, tuant le temps comme ils/elles pouvaient. Apparemment, tout était tranquille. Le mouvement des gens et des autos rendait très difficile la localisation de la flicaille, qui avait l’habitude de se mélanger aux passants. Pourtant, nous pûmes identifier la voiture des carabiniers, postée dans un angle de la prison, à la hauteur de la guérite. Là, et comme on l’avait prévu, il y avait trois civils. Pendant que mes camarades se garaient, je me plaçai à un endroit préalablement choisi, d’où on pouvait avoir une vision globale de la scène où allaient se dérouler les faits. Je portais à la ceinture un revolver et, pendu à l’épaule, un sac dans lequel était caché le fusil.

La peur finit par disparaître, et tout devint un peu irréel. Sans effort, les sens s’aiguisaient devant l’imminence de l’action.

Mes quatre camarades sortirent de la voiture. Ils traversèrent la rue et se dirigèrent vers l’entrée. Tout se déroula très vite. On ne pouvait se permettre aucune hésitation par peur d’être reconnus. La compagne et un compagnon se rapprochèrent du responsable et lui remirent un colis avec un faux nom de prisonnier. Attentant, les autres deux se mélangèrent aux visiteurs... L’action avait commencé.

Profitant d’une négligence momentanée du responsable des colis, la compagne sortit rapidement une mitraillette et la pointa à travers les barreaux. Stupéfait, le maton n’arrivait pas à croire ce qui était entrain de se passer. « Ouvrez la porte, ou vous allez tous mourir », cria un de mes camarades aux autres gardiens. Débordés par la situation, il ne leur restait d’autre choix que d’ouvrir la porte d’accès vers l’intérieur. Une fois ouverte, et [sans] qu’il y ait besoin de le leur ordonner, les matons se jetèrent au sol les mains sur la tête. Comme les familles restaient pantois, un autre camarade se chargea de les tranquilliser et, après ces instants un peu tumultueux, les autres pénétrèrent à l’intérieur même de la prison, où nous avions décidé de nous frayer un chemin avec les matons devant nous, lesquels, au début, refusèrent d’avancer et reçurent chacun quelques coups.

Dans la rue, les minutes s’écoulaient. Je ne perdais pas de vue les guérites, ni la voiture des carabiniers. Stationnée sur le parking, à une vingtaine de mètres, je détectai la présence d’une voiture avec un conducteur qui me regardait un peu trop. Je m’inquiétais, et après avoir réfléchi quelques secondes, je décidais d’aller m’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un policier. Si c’était le cas, il me serait impossible de les contrôler tous à la fois. Dès que je l’eus rejoint, je sortis le revolver et une carte en plastique, feignant d’être moi-même un flic, et faisant attention à ce que personne ne voie ce qui se passait. Je lui dis « police ! on ne bouge pas ! ». L’homme fut surpris. Il était timide et se trouvait être l’un de ceux qui attendent leur tour de visite. Bien que j’en fus convaincu, je m’assurais qu’il ne portait pas d’arme, et lui pris les clefs de sa voiture. Entre-temps, les camarades avançaient dans les couloirs, prenant chaque fois plus d’otages parmi les matons qui, effrayés et surpris, ouvraient les portes sans problèmes. Un empâté, chef de service, se jeta si vite par terre à la vue des armes que son énorme barrique ondula pendant un bon moment, ce qui plus tard provoqua de fréquents éclats de rire parmi nous. En moins de deux minutes, une grande partie de la prison était entre nos mains et une trentaine de matons s’étaient transformés en otages, expérimentant pour la première fois d’être sans-défense, comme les prisonniers. Les camarades progressaient, capturant chaque fois plus de matons, jusqu’à atteindre la cour où se trouvait Cesare.

Il ne nous attendait pas. L’évasion avait été retardée plusieurs fois et, bien que mon ami connaissait la possibilité de nous voir arriver, il ne pouvait pas s’imaginer que d’ici peu, il serait libre.

La surprise fut énorme.

Quand la porte s’ouvrit, Cesare était en train de fumer une sèche. Il fut se leva d’un bond, et la première chose qu’il demanda fut s’il y avait de la place pour une amitié qu’il s’était forgée au trou... Bien sûr qu’il y avait de la place pour tous. Les portes étaient désormais ouvertes, et la liberté pour tous. D’autres prisonniers se trouvaient dans la cour. Ils étaient pétrifiés par la peur et, condamnés à de courtes peines, refusèrent de s’évader. Aucun ne se bougea. Tous rejetèrent la proposition en restant au fond de la cour. Les plus « dangereux » qui étaient à ce moment dans la cour étaient Cesare et notre nouvel ami.

On rassembla tous les matons dans la cour. C’était curieux et en même temps impressionnant de les voir obéir sans sourciller. Tant d’hommes qui passent leur vie à donner des ordres et qui torturent parfois doivent soudain affron- ter une situation dans laquelle leur uniforme et leur profession ne servent à rien. A un moment, on demanda aux prisonniers lequel ou lesquels les torturaient ouvertement. Notre présence à l’intérieur des murs nous permettait de prendre une certaine liberté. Aucun prisonnier ne nous répondit.

Au moment de sortir, il ne restait qu’à faire le chemin en sens inverse, mais cette fois accompagnés de Cesare et d’un nouveau camarade.

Entre temps, je continuai à faire le guet dans la rue, à quelques mètres de la voiture que j’avais abordée quelques instants avant. Les carabiniers restaient dans leur coin. Les mouvements sur le parking étaient normaux, et tout paraissait se dérouler comme prévu.

Les camarades réapparurent d’un coup. L’action n’avait pas duré plus de cinq minutes, cinq minutes qui passèrent à bon train ou, du moins, c’était mon impression d’alors. Les camarades étaient ensemble, Cesare au milieu du groupe, à côté d’une personne que je ne connaissais pas. Je supposais qu’il s’agissait d’un nouveau camarade.

Ils traversèrent la rue d’un pas rapide, se dirigeant vers la voiture. Je fis demême. Bien que le danger n’était pas passé, nous savions que l’opération était un succès.

Les trois carabiniers postés dans le coin de la prison ne s’étaient pas encore rendus compte de ce qui se passait Dans la rue, tout continuait apparemment tranquillement, pareil qu’à notre arrivée. Nous sommes rapidement montés dans la voiture puis nous avons démarré à toute vitesse, empruntant le che- min de fuite préalablement étudié. Avec sept personnes, le véhicule était chargé à fond. Nous n’avions pas prévu la fuite d’un septième camarade, et il ne nous était pas venu à l’esprit d’emprunter la voiture dont j’avais pris les clefs à son conducteur. Derrière, ils étaient si serrés que, en cas de fusillade, nous n’avions pas la moindre possibilité de nous défendre. Par chance, il ne se passa rien, et nous continuâmes à nous éloigner de la zone. Plus de trois mille carabiniers, appuyés par deux hélicoptères, essaieront de nous donner la chasse dans les heures et les jours qui suivirent, mais ils ne parvinrent pas à nous attraper.

La nouvelle se répandit comme un souffle de liberté dans toutes les prisons de l’Etat, provoquant des cris de joie, d’authentiques fêtes et, dans quelques cas, de véritables mutineries. Il y eu des pétitions au parlement italien pour que démissionne le ministre de la justice et le responsable des institutions pénitentiaires. Le scandale fut énorme, et les forces de l’ordre furent humi- liées. Nous autres, en lieu sûr, buvions de la bière en savourant la liberté et la chaleur de nous retrouver entre camarades, laissant éclater notre joie.

Claudio

[Publié dans Cette Semaine #85, Nancy, août/septembre 2002, pp. 24-25]

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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 05:51

 

Un détenu s’est évadé sur le chemin du retour vers la maison d’arrêt de Villeneuve lès-Maguelone, dans la banlieue de Montpellier, après avoir passé son code de la route, selon une source judiciaire.

L’homme, âgé de 22 ans, a profité d’un feu rouge pour fausser compagnie au surveillant qui le ramenait sans lui avoir remis les menottes, a précisé cette source, qui n’était pas en mesure de dire si le jeune avait été reçu à son examen. Des recherches sont en cours pour retrouver le fugitif.

Par ailleurs, un autre détenu s’est échappé d’un chantier dans la cité du Petit-Bard alors qu’il effectuait un travail d’intérêt général (TIG) en présence de deux éducateurs du service d’insertion pénitentiaire.

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7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 16:08

lu sur indymédia.paris et publié pour les lecteurs du blogécrivent des lettres de protestation à l'administration pénitentiaire

L’Envolée 43 rue de Stalingrad 93100 Montreuil E-mail : envoleejournal@yahoo.fr

A Montreuil, le 2 juin 2012

UNE SALE HISTOIRE...

Kaoutar Chtourou était incarcérée à la centrale pour femmes de Rennes. Cela faisait plus de cinq ans qu’elle avait été baladée de Fleury-Mérogis à Versailles, puis à Fresnes... Il faut dire qu’elle ne s’était pas attirée les sympathies de l’administration pénitentiaire. Loin de là. Elle avait toujours combattu l’arbitraire, et elle était notamment à l’origine du passage de l’équipe du Contrôleur général des lieux de privation de liberté à la maison d’arrêt de Versailles : cette démarche avait abouti à la mise à pied de l’ex-directeur Gonçalves, pris en flagrant délit d’abus de pouvoir et autres fautes graves. Ce triste personnage avait quand même réussi à la pousser à bout, la faisant passer à tabac par d’autres prisonnières, ses protégées, et l’avait placée au quartier disciplinaire en lui promettant le pire. Le pire, ce fut le placement en psychiatrie à l’Unité pour malades difficiles de Villejuif, Paul-Guiraud, d’où elle n’est sortie que grâce à l’opiniâtreté de sa famille et de ses proches. Très affaiblie, physiquement et psychologiquement, elle a mis de longs mois à se remettre de cet épisode. Puis pendant plus d’un an, alors qu’elle était légalement déjà en droit de bénéficier d’un aménagement de peine, l’administration l’a encore baladée, d’abord en la maintenant dans l’attente d’une expertise psychiatrique obligatoire, puis par le report de son passage en commission en application des nouveaux textes qui empêchent les conditionnelles « sèches ». C’est finalement avec plus d’un an de retard qu’elle a pu passer devant un tribunal d’application des peines (TAP).de Rennes le mardi 15 mai. Et encore, elle a eu de la "chance"car à quelques jours près, elle tombait sous le coup d’une nouvelle législation qui l’aurait envoyée se faire examiner pendant quelques semaines par des psychiatres dans un Centre national d’évaluation. Avec un avis favorable de la direction de Rennes et de la juge d’application des peines (JAP), malgré un sévère réquisitoire du procureur, la réponse a finalement été favorable. C’était loin d’être un cadeau, puisqu’elle doit porter un bracelet pendant un an et rester écrouée pendant toute cette période avant de passer à la phase conditionnelle pendant une autre année ! Deux ans sous tutelle stricte : quelle générosité, quand on sait que ces deux ans sont exactement ce qui manque pour arriver au terme de sa peine !

Le vendredi 18 mai, elle est sortie de la prison de Rennes et s’est rendue à Compiègne, où sa jeune sœur l’héberge et où elle a trouvé un emploi (dans la même boîte de centres d’appels pour laquelle elle travaillait à la centrale de à Rennes).

Le samedi 19 mai, l’administration de Beauvais vient installer bracelet et terminal, et le lundi 21, elle embauche. Nous l’avons eue plusieurs fois au téléphone, elle respirait enfin, bien contente d’avoir quitté les murs et les miradors. Le mardi 22, en arrivant au travail, elle apprend que les gendarmes vont arriver pour la faire réincarcérer... Elle appelle son avocate qui lui dit que la JAP de Rennes lui a expliqué que le parquet avait fait appel le mardi même de la décision du TAP et que Kaoutar devait du coup retourner en prison. En fait, elle n’aurait pas dû sortir, mais attendre à Rennes l’appel, seulement, disent-ils, le greffe du TAP avait « omis de prévenir le greffe de la prison » (sic). Kaoutar nous prévient : nous nous renseignons pour nous assurer de la légalité de la démarche, et en fait, quoi qu’il en soit, comme elle est écrouée, elle reste à la disposition de l’administration pénitentiaire. Trop fort ! Les gendarmes lui laissent deux heures pour préparer ses affaires avant de l’emmener à la maison d’arrêt de Beauvais, au quartier femmes. Elle se retrouve dans cette prison du Moyen Age, dans un dortoir de 6 à 10 prisonnières, sans rien, aucune activité, rien de rien, la misère. Ses codétenues sont très jeunes et de passage, elles regardent la télé nuit et jour, volume sonore au maximum. Cela fait quinze jours qu’elle ne dort pas, qu’elle ne mange pas et qu’elle déprime. Beauvais est une prison très surpeuplée (l’effectif prévu est multiplié par trois) : difficile même de réserver des parloirs. Ils n’ont aucune cellule individuelle ; il n’y a même pas de quartier d’isolement pour les filles. Elle a demandé à voir un psy, rien. Elle demande des somnifères pour dormir, rien. En revanche, ils lui donnent sans problème des tranquillisants, des anxiolitiques qu’elle avale pour éviter de s’énerver. Et elle nous dit au téléphone qu’à nouveau elle a beaucoup de mal à se concentrer, à écrire... Comme à Fresnes dans les jours pénibles. On ne l’a jamais sentie aussi abattue et nous sommes très inquiets. Nous pensons franchement que l’administration pénitentiaire peut l’envoyer dans un hôpital psychiatrique encore une fois... Ce qui permettrait au parquet de Rennes de gagner l’appel, d’annuler la libération conditionnelle et de maintenir Kaoutar enfermée jusqu’à la stricte fin de sa peine, peu importe dans quel état. Nous avons prévenu, appelé toutes les personnes concernées : la direction de la prison de Beauvais, pour bien dire au directeur qu’elle n’était pas seule, et qu’il fallait la faire transférer au plus vite, même pour peu de temps, en attendant l’appel (la cour d’appel a deux mois pour fixer une date) ; le Spip de Rennes, celui de Beauvais : ils invoquent tous une impuissance administrative. Nous avons eu plusieurs fois le service du Contrôle des lieux de privation de liberté au téléphone et ils nous ont assurés avoir fait tous les courriers pour faire fixer au plus vite la date de l’audience, et en attendant, pour demander le transfert de Kaoutar... Son avocate a aussi fait les mêmes démarches.

Nous vous alertons pour aider Kaoutar dans cette nouvelle épreuve en demandant l’application de la loi pénitentiaire, selon laquelle Kaoutar doit pouvoir « bénéficier » d’une cellule individuelle en tant que condamnée. Nous demandons que le jugement d’appel de la décision du tribunal d’application des peines de Rennes soit fixé au plus vite.Et nous rappelons aussi aux autorités pénitentiaires que s’il lui arrive quelque chose (transfert dans un HP, tentative de suicide...), ils ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été informés. Nous avons pour notre part écrit à la Chancellerie, à la direction régionale de l’AP de Lille, à la direction de la prison de Beauvais. Enfin, lui envoyer un petit mot pour lui dire que d’autres personnes sont informées de ce nouveau mauvais coup de l’AP, cela lui donnerait des forces...

Kaoutar Chtourou, pas besoin de numéro d’écrou, Maison d’arrêt, 2, rue Bossuet BP 80698 60006 Beauvais cedex.

Toute publication est fortement conseillée ; tout courrier de "protestation" à l’administration sera utile (soit à la direction de la maison d’arrêt de Beauvais, Maison d’arrêt 2, rue Bossuet BP 80698 60006 Beauvais cedex, soit à la direction interrégionale de Lille, 123 rue Nationale BP.765 59034 LILLE CEDEX).

N’hésitez pas à nous joindre soit par mail envoleejournal@yahoo.fr, soit par courrier L’Envolée, 43 rue de Stalingrad, 93100 Montreuil Pour l’Envolée

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27 mai 2012 7 27 /05 /mai /2012 08:22
Quelques mots sur la fonction pacificatrice de la psychiatrie
L'hôpital psychiatrique faisait depuis longtemps partie de mes phobies. J'ai vécu des années avec le pressentiment que j'y finirais, que ma folie, ma rage, ma singularité finirait par s'y échouer, par s'y éteindre. 
Je pensais que mes désirs étaient si contradictoires avec l'existant que ces contradictions ne seraient résolues que par l'internement forcé, pain béni pour le pouvoir, qui se débarrasse avec aisance des esprits trop vivants.
Leur monde m'a toujours fait souffrir, intensément. Et quand j'ai découvert que je n'étais pas seul à vivre avec cette douleur permanente, j'ai cherché conjointement à le combattre et à le fuir. Je me souviens de ces moments où je brûlais d'une rage intérieure, où, contemplant la ville depuis un perchoir quelconque, je sentais qu'un battement de mon coeur pourrait embraser leurs quartiers d'affaires, leurs commissariats, leurs entreprises, leurs banques, leur froid monde.
Je suis bien incapable de ressentir de telles émotions aujourd'hui. J'ai perdu 2 ans de ma courte vie dans l'univers cotonneux de la médication psychiatrique. Passons sur le traumatisme de la psychose délirante, sur les jours de blackout allongé dans un lit, sur les journées à errer sans but dans une unité clinique fermée à nourrir la chimère d'une sortie proche, sur les punitions humiliantes, sur l'isolement et tout ce que peut signifier l'internement psychiatrique. Il m'a fallu six mois pour redessiner sur mon visage un sourire, il m'a fallu presque un an pour pouvoir à nouveau rire. Mais maintenant que j'ai pris le dessus sur les effets évidents d'un trauma psychiatrique et des drogues dures médicamenteuses, la douleur que je ressens aujourd'hui est plus sourde. C'est celle de ne pas avoir pu faire le deuil d'un être cher, qui est parti en fuyant, lui aussi, leur monde. C'est celle de ne pas pouvoir ressentir les moments d'excitation collective. C'est celle de ne ressentir qu'une joie modérée, qu'une peine amputée de sa profondeur. C'est celle d'être devenu indifférent à tout ce qui peut advenir, de traverser la vie sans passion. C'est celle d'en être venu à des contradictions par pur je-m'en-foutisme. C'est celle de n'avoir plus de nourriture émotionelle à donner aux idées radicales qui ont fait ma vie et de les avoir privé de toute pratique, par facilité. C'est celle de ne plus connaître la rage que comme un souvenir.
C'est en confrontant mon expérience à celles d'autres, en discutant avec des proches, en analysant les faits, que j'ai réalisé que je n'ai pas changé, mais que je suis simplement enfermé dans une camisole chimique dans laquelle j'ai arrêté de me débattre en oubliant qu'elle existait. On m'a clairement fait comprendre que me soumettre au salariat était un point positif en faveur d'une diminution de mon traitement, sur lequel je n'ai aucune prise, puisque ma parole n'est pas prise en compte et que toute critique ou volonté trop manifeste d'arrêter s'apparente à une “non-adhérence” au traitement, sanctionnée par une prolongation des injections retard, avec lesquelles il n'y a pas moyen de tricher ni d'expérimenter.
Pour arrêter progressivement en limitant les risques, il ne me reste qu'à baisser la tête pendant le temps que l'objectivité sacrée du psychiatre (qui lui, sait ce qui est bon pour moi) estimera nécessaire, en prouvant à chaque rendez-vous ma normalité et mon intégration sociale et économique à ce monde de mort. Parallèlement, l'action chimique du neuroleptique permet de supporter avec une certaine indifférence une telle situation de soumission. Jusqu'à quand ?
Là où le suivi psychiatrique mène à l'intégration, la médication aux neuroleptiques mène à la pacification individuelle par l'annihilation de tout sentiment trop fort. Adieu la rage de vivre. Ainsi la psychiatrie, sous couvert de “guérir”, canalise ce que la société autoritaire ne peut pas gérer ou tolérer, et transforme les trop-vivants en des cohortes d'individus anesthésiés, dociles et rentables, prêts à intégrer la machine infernale du Capital (qu'il crève!). D'avoir été dépossédé de ma lucidité me rend amer, et j'espère que je retrouverais un jour la capacité de ressentir pleinement la vie. Pour pouvoir recommencer à vivre et lutter.
Ma solidarité aux psychiatrisé-e-s et à leurs proches.
A bas tous les pouvoirs !
Texte anonyme reçu par mail.

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 12:02

Un détenu de 24 ans condamné à deux ans de prison ferme hier pour l'agression d'une surveillante de prison... C'était le 23 décembre 2011 à la maison d'arrêt de Valence. Cet homme originaire de Montélimar était jugé hier après midi devant le tribunal correctionnel de valence pour avoir tenté de s'évader en menaçant une surveillante avec un ouvre boite. Ce dernier avait également proféré des menaces de mort à trois autres surveillants... Aujourd’hui il purge une peine de 5 ans de prison à la maison d'arrêt de Villefranche sur Saône... Et il n'a pas moins de 12 condamnations à son casier judiciaire. Ce jeune montilien, considéré comme dangereux, sera jugé dans les mois qui viennent pour braquages et homicide involontaire devant la cour d'assises de la Drôme.(source france bleu drôme ardèche)

cette infos n'est pas suffisante prise isolée hors du contexte de la prison de Valence. Celle -ci entre autre:

Sofien Ben Bouazza ne sera pas renvoyé devant la cour d’assises de la Drôme pour le meurtre de David Bensamon. (…) Le drame s’est produit dans la nuit du 2 au 3 octobre 2010. Cette nuit-là, dans une cellule de la maison d’arrêt de Valence, David Bensamon avait été retrouvé inanimé, présentant des marques de strangulation. (…) la chambre de l’instruction près de la cour d’appel de Grenoble a donc rendu son arrêt. Elle a déclaré Sofien Ben Bouazza pénalement irresponsable. Il a ainsi été établi qu’au moment des faits, l’homme était atteint d’une abolition de son discernement. Il ne sera donc pas La Maison Arrêt de Valence depuis  la venue de Rachida Dati .Le même  directeur  de la MA de valence est en poste depuis cette époque.Sous sa direction deux meutres ont eu lieu dans les locaux de cette prison. et maintenant un autre fait divers qui alimente la campagne des jeunes identitaires locaux (  ultas extrême droite)

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