----- Représentativité syndicale : Au secours... Villepin veut réformer le syndicalisme français ! Faire du syndicalisme un acteur docile du paysage social, ils y pensent tous. On se remémorera Ségolène Royal émettant le voeu que l'adhésion à un syndicat (institutionnalisé) soit obligatoire pour chaque salarié. Le gouvernement Villepin, dans son fantasme d'un ordre économique bourgeois et libéral, a en vue une réforme globale des droits sociaux. Avec l'arrivée des rapports Chertier et Hadas-Lebel, le discours de Chirac au Conseil économique et social, les manoeuvres pour anesthésier le syndicalisme vont pouvoir commencer. La notion de représentativité syndicale risque d'être largement revisité. Les scénarios de réformes proposés quant à eux représentent une menace pour le syndicalisme prôné par la CNT. Les rapports Chertier et Hadas-Lebel Ces rapports ont été remis au premier ministre courant avril / mai 2006, car il semblerait que la réforme du "dialogue social" soit annoncée avant les échéances politique de 2007. Comme c'était prévisible, ces rapports ne mentionnent pas la CNT dans le panorama syndical français (UNSA et SUD sont cités, SUD étant considéré comme un syndicat avec des positions radicales). Ces rapports sont une commande de Dominique de Villepin, qui a demandé au rapporteur d'examiner les possibilités de modernisation du dialogue social. Pour le rapport Hadas-Lebal, deux scénarios ont été retenus : l'adaptation (ravalement de ce qui existe déjà) ou l'évolution (refondation). Chertier de son côté s'interroge sur le poids réel des syndicats par rapport au monde associatif en général et souhaite une évolution rapide du dialogue social. A noter que la fonction publique n'est pas directement visée, seul le dialogue social dans le privé est analysé. A la lecture des documents, il en ressort que la représentativité syndicale est centrale, car aussi bien le financement des syndicats que la négociation collective en découlent. D'autre part, il est étonnant de constater que seules les organisations syndicales de salariés doivent prouver leur représentativité, les organisations patronales n'ont pas à se plier à cette exigence. Pourquoi réformer la représentativité syndicale ? Le but de cette réforme annoncée, c'est de faire en sorte que les syndicats deviennent des représentants dociles des travailleurs. Avec la mondialisation (compétitivité économique accrue, délocalisations, fermetures d'usines, plans sociaux...), il faut balayer tout ce qui fait obstacle aux profits, on assiste donc à un travail de sape des acquis sociaux conquis grâce aux luttes syndicales. Chez les libéraux de tous poils, la variable d'ajustement de la politique économique, c'est le social. Donc, pour faire prospérer la bourgeoisie, on va mettre les syndicats au pas, voire les rendre complices. Les propos du premier ministre (cf. la lettre en annexe du rapport Hadas-Lebel) montrent bien là où il veut en venir : « A l’instar de la plupart de nos voisins européens, il est nécessaire de construire un modèle de relations sociales au sein duquel le dialogue social et la négociation jouent un rôle essentiel dans le développement de la compétitivité de nos entreprises et la qualité des relations du travail, l’Etat gardant quant à lui la fonction primordiale de définition des principes essentiels et de l’effectivité de l’ordre public social ». Il cherche, comme tout bon capitaliste, à adapter le "dialogue social" aux lois de l'économie de marché, c'est à dire diluer les revendications et amoindrir le poids offensif des syndicats au sein des entreprises (pourtant assez faible en France). Le pouvoir et le patronat ont besoin de partenaires sous influence, prévisibles, et ainsi favoriser le contrôle social, d'où un fort désir pour qu'un processus de regroupement des forces syndicales voit le jour. La négociation deviendrait ainsi une norme sociale, rendant l'action syndicale inappropriée. « L’équilibre et la stabilité des organisations représentatives sont un atout dans la négociation, dans la mesure où les partenaires se connaissent, ont l’habitude de travailler ensemble, et identifient plus facilement les termes des solutions à trouver ». Globalement, c'est un renforcement du paritarisme qui est recherché : 16 millions de salariés auront donc le même poids que 1,2 millions de patrons ... Conception moderne de l'équité ? La représentativité syndicale actuelle dans le privé Dans le secteur privé, aux termes de l’article L. 133-2 du Code du travail, la représentativité des organisations syndicales est déterminée d’après les critères suivants : les effectifs, l’indépendance, les cotisations, l’expérience et l’ancienneté du syndicat, l’attitude patriotique pendant l’occupation. Mais, à côté de ces critères issus directement de la législation, le ministre ou le juge font intervenir d’autres critères : l’audience (mesurée notamment par les résultats électoraux) et de l’activité (caractérisée par le dynamisme des actions menées). Les cinq "grandes” confédérations (CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC) bénéficient depuis 1966 d'une présomption irréfragable de la représentativité. C'est à dire qu'elles sont reconnue représentatives sans avoir à démontrer qu'elles rentrent dans les critères de représentativité. Comme le rappelle le rapport Hadas-Lebel, ce n'est pas la peine d'évoquer de la représentativité patronale. Elle n'a « pas besoin d’être fixés de façon spécifique », les patrons décident unilatéralement avec qui ils veulent bien dialoguer, mais sans réciprocité. Les scénarios envisagés par le rapport Hadas-Lebel et leurs conséquences 1. Un scénario d’adaptation Ce scénario prévoit la révision périodique de la liste des organisations représentatives avec, en plus, des procédures de reconnaissance de la représentativité au niveau de l'entreprise ou de la branche pour les syndicat n'ayant pas la représentativité au plan national : - Application de la reconnaissance mutuelle par les autres organisations, avec saisine du juge par l’organisation non reconnue en cas d’opposition motivée d’une autre organisation de salariés (ce qui correspond pour l’essentiel à ce qui existe). - La mise en oeuvre, même au niveau de l’entreprise, d’une procédure administrative de reconnaissance, option qui s’inspirerait du système anglais de recours au Comité central d’arbitrage pour qu’un syndicat se voit reconnaître la capacité à conduire la négociation collective. - Mise à jour des critères de représentativité (notamment en remplaçant le critère de l'attitude pendant la guerre par celui de l'attachement aux valeurs républicaines et le rejet des actions violentes). 2. Un scénario de transformation avec des variantes La représentativité serait ici établie par le vote. Avec un seuil de l'ordre 5 à 10% des votes, selon que l'on souhaite favoriser ou non le regroupement des organisations syndicales. Partant de là, plusieurs possibilités sont envisagées : - Faut-il créer une nouvelle élection professionnelle (comme le voudrait le MEDEF, l'UNSA et la CFTC) ? - Faut-il s'appuyer sur le résultat des élections prud’hommales (FO) ou les résultats des élections de délégués du personnel (CGT) ? - Faut-il des élections de représentativité de branche (CFDT) ? - Faut-il des élections par collège (CFE-CGC... organisation qui pourrait continuer à exister grâce au collège “cadres”) ? Au premier abord, on pourrait trouver de nombreux points positifs se dégageant de ces propositions. La présomption irréfragable de la représentativité semble remise en cause dans tous les cas de figure, amenant la fin du monopole des 5 confédérations. Mais le cadre de l'existence syndicale se resserre, les contours deviennent plus rigides. Quels enjeux pour la CNT ? Pour nous, syndicalistes de la CNT, est-ce que ça va nous simplifier la vie ? Certainement pas ! Les sections et syndicats CNT risquent de rencontrer davantage de difficultés qu'actuellement pour être déclarés représentatifs car : - Nos statuts prônent la suppression de l'Etat (ce que est en opposition au nouveau critère d'attachement aux valeurs républicaines). - Comment rejeter les actions violentes ? C'est une notion trop floue, l'action syndicale peut parfois être qualifiée de violente (piquet de grève ou occupation "musclée", arrachage d'OGM...). Evidemment, ces rapports pourraient connaître le sort de tant d'autres et ne jamais être utilisés à des fins législatives par le pouvoir politique. Il faut quand même s'attendre, dans le futur, à une transformation du modèle syndical français. La CNT doit s'y préparer sans renier son identité anarcho-syndicaliste et déterminer dés aujourd'hui sa (ses) stratégie(s) dans le secteur privé. Si la donne venait à changer, par une réforme de la représentativité syndicale, la CNT risque de ne plus pouvoir exister légalement dans les entreprises. Voir ce qui s'est passé ce printemps à La Poste où la CNT-PTT n'est plus reconnue comme organisation syndicale. Actuellement, il arrive aux sections cénétistes, pour des raisons stratégiques, de nommer des délégués syndicaux (DS), de participer aux élections des délégués du personnel (DP), voire au comité d'entreprise (CE). Cela permet, dans le privé, d'implanter des sections au grand jour et souvent de protéger les militants les plus en vue... même s’il faut le plus souvent en passer par les tribunaux et être soumis à la subjectivité des juges (rappelez-vous l'historique des sections “La Redoute” et “Demeyere”). En effet, les listes CNT aux élections professionnelles sont régulièrement contestées par la direction de l'entreprise et/ou par d'autres syndicats présents dans la société. Notre projet révolutionnaire ne peut pas s'adosser à un syndicalisme de dialogue social où l'Etat et les patrons ont besoin de partenaires acceptant de jouer le jeux. Inenvisageable pour la CNT ! Laurent (CNT-STIS 59) |
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