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le blog du laboratoire anarchiste

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7 juillet 2010 3 07 /07 /juillet /2010 07:46
la publication de cette page internet d'un blog valentinois de faire un commentaire politique très important. Celui-ci sera placé au dessous du papier de " Laurent".
L’association Éducation Santé Drôme (ex ADES26) réunissait son assemblée générale vendredi. Son président, le docteur Luc Gabrielle, note en préambule quelques éléments de réflexion ; l’accroissement des déficits des dépenses sociale, le lien désormais établi entre mode de vie et santé, la nécessité de réorienter le système de santé vers la prévention et de mesurer l’efficacité de cette dernière et enfin un contexte en pleine évolution avec notamment une baisse des crédits affecté à la prévention à laquelle il faut s’adapter. Cette association financée entre autre par l’ARS  qui regoupe les (DDASS, la DRASS, l'ARH, certains services du conseil général, les URCAM, et certains services des ERSM (praticiens conseils) , et le Conseil Général de la Drôme , participe à des missions de services publics de santé en menant, en partenariat avec les acteurs locaux des actions d’information, d’observation ou encore d’études en prenant en compte la globalité des situations (économiques, sociologiques, éducatives etc.). La prévention, l’information sur les comportements à risques ; restent des moyens plus efficaces et moins couteux, en terme de santé publique, que le traitement des maladies. On le sait, mais on l’oublie souvent, mieux vaut prévenir que guérir.
commentaires trouvés grâce à l'OCL

Avec tout le respect pour le docteur luc Gabrielle, on est tenu d'informer les lecteurs du blog car les destructions massives qui ont débuté avant le passage de pouvoir entre Villepin et Sarkozy.continuent à détruire dans la Drome .Après l'hopital de Die c'est Saint Vallier.On pouvait espérer des résistances à la hauteur des attaques, dans les centres hospitaliers où le mécontentement est grand parmi les personnels. Hélas, les quelques luttes ici ou là se délitent, isolées par la volonté des bureaucraties syndicales. Pourtant, c’est autour des collectifs ou comités de défense des hôpitaux de proximité que la colère et le rejet de cette politique semblent se cristalliser en associant personnels et usagers.

Alors que N. Sarkozy affiche, sans détours, sa politique destructrice du système de santé publique Dans le cadre de la santé, l’état renforce sa présence et transforme dès 2009 les ARH (agences régionales d’Hospitalisation) en ARS : Agences Régionales de Santé.
Dans le cadre de la réforme, l’hôpital changerait de statut. Il devient un Etablissement Public (à caractère) Industriel et commercial : EPIC. Sous la surveillance du directeur de L’ARS (super préfet de la santé), les hôpitaux seront concentrés, regroupés dans un même territoire sanitaire. La création de ces « groupements de coopération sanitaire de territoire » réunirait les établissements publics et privés d’un territoire déterminé. On fermera encore plus les hôpitaux périphériques jugés peu ou pas rentables, selon les critères du ministère, mais présenté au public dans les média comme ne pouvant plus assurer la sécurité des patients. Il va de soi, qu’il s’agit de promouvoir la politique de rentabilité dans les hôpitaux et de mobilité et productivité pour les personnels de ces établissements. Ainsi, un salarié refusant deux offres d’emploi dans un autre établissement se verrait mis d’office en disponibilité, sans salaire évidemment. L’hôpital assurant des missions de service public de santé ou social sera ainsi mis en concurrence directe avec le secteur privé. La création de ces regroupements entraînera des modifications territoriales des établissements de santé. La suppression ou le démantèlement des hôpitaux de proximité en est l’exemple. Il va de soi que l’accentuation de cette politique ultra libérale écartera encore plus les populations du droit et de l’accès aux soins.

La mort programmée de l’hôpital public.

Recentrés pour améliorer leurs performances économiques, le ministère aura la possibilité de recruter des directeurs issus du secteur privé ainsi que tout managers capables de performances économiques ou logistiques afin de rentabiliser la gestion des lits ou les flux de patients. Les règles de la gouvernance étant modifiées, le directeur devient le seul responsable de l’établissement (véritable chef d’entreprise) alors qu’auparavant, bien que nommé par le ministère, il devait composer avec un conseil d’administration dont la présidence revenait au maire. Les directeurs des établissements de santé seront autonomes dans le recrutement, la gestion et la paye de leurs employés. Ils auront la responsabilité, la délégation totale de l’enveloppe budgétaire régionale ce qui leur permettra plus de souplesse dans la programmation des actions à mener.
Les hôpitaux publics devenus des établissements privés à but non lucratifs pourront alors embaucher les personnels sous contrats de droit privé. Le statut de la fonction publique se verra alors remplacé par des contrats déterminés, renouvelables selon les secteurs et missions de soins, sur la base de nouvelles conventions collectives. Toutes ces mesures ont déjà été éprouvées avec les dégâts que l’on sait à la Poste, les Télécoms ou les établissements français du sang (ex centres de transfusion).

HÔPITAUX DRÔME NORD
La mobilisation se poursuit voir l'article dans la presse locale D.L. Du 7 /7/010

La même politique est imposée partout ailleurs. Clamecy, Lannemezan, Lézinian, Arcachon, Champagnole, Ruffec etc. Il y a 351 hôpitaux de proximité. Ce sont quelque 217 en province, et 18 en Ile de France (déclarés vulnérables, dans le jargon ministériel) qui seront fermés ou amputés de services. De 1992 à 2001, 120 maternités ont déjà été rayées de la carte hospitalière (1). Sont disqualifiés et déclarés vulnérables les établissements qui enregistrent moins de 4 000 séjours par an en chirurgie. Pour les maternités, le seuil sensé garantir la sécurité et une bonne qualité de soins est fixé à 300 accouchements. La maternité de Clamecy avec ses 218 accouchements disparaît. Là aussi la riposte s’est organisée. A l’appel du comité de défense, 5000 personnes se mobilisent. La ville n’avait pas connu une telle manifestation depuis… des siècles.
Cette politique de casse et de destruction du service public de santé hospitalier s’accélère depuis les dernières élections municipales. Elle correspond aux vœux du président, émis lors de ses discours de Bordeaux et de Neufchâteau dans les Vosges. Les missions seront reconcentrées et regroupées au sein d’un même territoire sanitaire. Ce désengagement de l’Etat fait saliver les assurances et mutuelles privées. La création de ces regroupements sanitaires de territoires se fait au profit des cliniques privées, qui voient leur nombre augmenter et leurs profits s’envoler. Cette politique, qui se fait au nom de la sécurité du patient et de l’usager, comme aiment le marteler le gouvernement et sa ministre rose bonbon de la santé, entraîne une désertification locale de l’offre de soins de proximité, en excluant une frange grandissante de population fragilisée, précaire et vieillissante. L’éloignement des lieux de soins provoquera des frais supplémentaires (franchises médicales de transport…) et augmentera les risques dus à la perte de temps dans les prises en charge de « l’urgence ». Eprouvée dans d’autres services publics, cette politique s’accompagne de son lot de mobilité et de suppressions de postes de personnels soignants : 20 000 emplois seront ainsi économisés dans la fonction publique hospitalière. D’ailleurs il semblerait que, depuis 2001, les gouvernements aient infléchi certaines orientations concernant les hôpitaux de proximité. Ils ne les fermeraient plus systématiquement ; ils deviendraient des hôpitaux de petites urgences, des centres de périnatalité ou des lieux de prise en charge, longue durée, pour des personnes âgées. Côté gouvernemental : « Il ne s’agit pas de fermer les hôpitaux mais d’apporter des soins adaptés aux populations et rationaliser l’offre de soins ; car si l’on ne maîtrise pas les comptes le système va s’écrouler ». Pour la maîtrise des comptes, le gouvernement compte surtout sur ses nouvelles mesures calquées sur les entreprises privées. Transformation des hôpitaux publics en entreprises industrielles et commerciales ; mise en place d’un directeur avec des pouvoirs d’un chef d’entreprise privée ; tarification à l’activité etc. .
Il suffirait que le gouvernement reverse ses taxes dues, et que ses amis du patronat s’acquittent des exonérations dont ils ont su tirer profit, pour que les comptes des hôpitaux et de la sécu retrouvent une santé. Cette destruction du système de santé publique n’est que l’aboutissement des politiques libérales, menées par les gouvernements de gauche et de droite, qui se sont succédé au pouvoir. Ainsi, l’hôpital de Lézignan dans l’Aude, en 1986, se trouve amputé de sa maternité. Avec moins de 300 accouchements par an, il n’aurait plus assuré la qualité des soins garantis par le ministère. Puis, en 2005, les services de chirurgie et les blocs opératoires, et en 2007, le service des urgences furent à leur tour fermés. La résistance du collectif de défense de cet hôpital de 300 lits ne désarme toujours pas et refuse sa transformation en centre de retraite. Le centre des urgences fermé coûtait 838 000 euros dans la nouvelle configuration du territoire de santé, l’état propose à ces 89 communes et 48 000 habitants un nouveau système qui coûtera quelque 3 millions d’euros !! Le collectif de défense cherche toujours où sont les économies réalisées.

Des collectifs de défense…

Aux annonces successives de N. Sarkozy concernant ses attaques contre la santé et les hôpitaux, nombreux sont les personnels et usagers qui se sont mobilisés. De Bretagne en Bourgogne, du Languedoc-Roussillon en Ile de France, les comités de défense prennent de l’ampleur. Ils seraient une centaine à ce jour. Certains, tel celui de Bellay dans l’Ain, regrouperaient plus de 2000 adhérents. Alors que la réforme sévit aussi dans les grands centres hospitaliers - fermetures de lits, suppressions de postes, mobilités…-, les résistances restent peu nombreuses malgré les appels des sections syndicales. Velléités de lutte affaiblies par les bureaucraties confédérales qui ne désirent pas de mouvement d’ensemble combatif.
Les collectifs de défense qui se créent regroupent personnels (médicaux et non médicaux), usagers (lambda, militants : syndicaux, associatifs…) et notables locaux. Si ces « ensembles » dynamisent actions et mobilisations, les intérêts différents des uns ou des autres obligent parfois à composer. Si tous défendent l’hôpital, l’accès aux soins de proximité pour les populations, les motivations ne sont pas sans arrière-pensées. Si les personnels et les usagers se mobilisent pour l’hôpital - lieu de soin et lien social d’un système de santé solidaire de proximité -, les notables (maires, conseillers, députés) se retrouvent parfois impliqués bien malgré eux. Electorat oblige, il leur faut bien être sur la photo. Ils redoutent et déplorent la méthode gouvernementale utilisée par la ministre de la justice, dans la suppression des tribunaux de proximité. La réforme de la carte judiciaire menée à la hache par Rachida Dati a laissé des traces et a soulevé nombre d’oppositions, surtout pour les députés de droite. Il va de soi que les attitudes et engagements, des uns et des autres, envers les comités de défense, varient plus en fonction des propositions gouvernementales de préservation d’emplois à négocier que de leur casquette politique. Tous désirent que « la réforme soit accompagnée en douceur et soit juste » (N. Dupont-Aignant, UMP de l’Essonne). Son homologue JP. Grand, dans l’Hérault, voit dans la disparition des services publics, et maintenant des hôpitaux, des zones désertifiées. H. Emmanuelli (PS) « … n’est pas hostile à l’idée qu’il faille faire 40 ou 50 kilomètres pour avoir un bon plateau technique ». Tous sont acquis à la réforme sur le fond. Mais c’est la méthode de l’impulsif de l’Elysée qui les inquiète. Pour C. Evin, ancien ministre PS de la santé, « les mutations sont nécessaires ; nous plaidons pour des mutations en douceur. Les fermetures brutales, non ! ».

  …à la coordination nationale

La coordination nationale des comités de défense émerge en Avril 2004. Elle se positionne pour le maintien du service public de proximité et l’arrêt des restructurations destructrices en cours, pour contrer un désert médical en pleine extension. Par ailleurs, elle appelle à « soutenir les mobilisations citoyennes les plus larges et pluralistes, pour défendre une vision égalitaire et humaniste du service public ». Coordinatrice tant bien que mal des collectifs, elle agit aussi en lobby. Ainsi la table ronde « hôpitaux de proximité face au désert médical », à l’assemblée nationale avec une soixantaine de représentants de comités, verra ensuite un groupe de 80 députés et sénateurs demander au gouvernement et à la ministre de la santé et des sportifs un moratoire sur la fermeture des services. Suite à sa dernière assemblée générale à Aubenas en Avril 2008, la coordination appelle à faire « grandir partout les mobilisations pour s’opposer à la destruction des hôpitaux et maternités de proximité et au-delà aux atteintes portées à notre système de santé solidaire ».


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5 juillet 2010 1 05 /07 /juillet /2010 07:41

Ayant publié le court texte  citant Angela Davis, aujourd'hui on publie une remise en question de la sororité, a partir d'une analyse d', Andrea Martinez est professeure titulaire et directrice de l’École de développement international et mondialisation à l’Université d’Ottawa. Elle a publié de nombreux articles et chapitres de livres sur la violence, le trafic international des femmes et l’éducation en santé sexuelle. Première coordinatrice (2001-2004) du Réseau interaméricain de formation en femmes et développement du COLAM, elle possède également une expérience de six ans comme directrice (2000-2006) de l’Institut d’études des femmes de l’Université d’Ottawa. Au cours de sa carrière, elle a bénéficié de subventions du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, des Instituts canadiens de recherche en santé, de l’Agence canadienne de développement international, du Centre de recherche en développement international et de l’UNESCO, entre autres.. À ce titre, elle a d’ailleurs contribué à la création du premier programme interdisciplinaire et interuniversitaire en « Genre et développement » du Cameroun   

Depuis l’avènement des thèses postmodernes et postcoloniales, et son corollaire, l’effondrement de l’idéal féministe occidental d’une sororité prétendument lisse et universelle, la quête d’une authenticité fondée sur les différences entre les femmes nous aveugle au point de gommer nos appartenances multiples et sérielles. Aussi je me propose de décentrer ce « nous » piégé par des représentations binaires et statiques, à la lumière des contributions des féministes d’Amérique latine et des Caraïbes à l’approche intersectionnelle des discours et des systèmes d’oppression. L’analyse de la complexité des mouvements féministes du sous-continent révèle les ressorts des alliances, mais aussi des déchirements qui les traversent depuis le premier congrès féministe international (Buenos Aires, 1910), en passant par l’émergence du féminisme noir caribéen des années 1930, jusqu’à la scission contemporaine des courants féministes « institutionnalismes » et « autonomistes ».

 

« Faut-il réfuter le Nous-femmes pour être féministe au XXIe siècle? ». Et si cette question résultait d’un sophisme par la conséquence? Suivant ce procédé, on postule que le féminin pluriel a perdu de son pouvoir de ralliement. Si cette prémisse est vraie, alors l’effritement du projet féministe est vrai aussi. Mais une telle conséquence est irrecevable dans le milieu féministe. On en déduit alors l’incohérence d’un « nous » qui n’en serait pas un : exit « l’imposteur », place à la re-théorisation du pluriel. Comme s’il suffisait de rejeter le concept en cause pour effacer les bavures d’un projet de transformation sociale centré sur le sexisme, mais déconnecté des autres formes et dynamiques croisées d’exclusion (sociale, « raciale », ethnique, sexuelle, nationale, religieuse, générationnelle ou autre). Entre temps, culpabilité et malaise identitaire crispent les mouvements féministes à l’échelle locale autant que globale. Car, pour complexifier davantage la donne, il faut se méfier de sa position par rapport au sujet suspect. Ainsi, qu’est-ce qui me rapproche, ou au contraire, m’éloigne de ce dernier? Suis-je au centre ou à la périphérie?

Féministe universitaire, blanche, de classe moyenne et hétérosexuelle, j’incarne autant de marqueurs d’une position de pouvoir qui d’office m’interdisent de parler au nom de toutes les femmes. Dois-je alors me replier sur certains particularismes ethnoculturels puisant à même ma condition de femme du Sud et d’immigrante d’origine chilienne plus précisément? Au nom du droit à la différence, me voilà dotée d’un statut minoritaire en pièces détachées : exilée politique, allophone, néo-canadienne, mon engagement féministe devra se contenter d’une identité fragmentée. Du coup, je me trouve confrontée au choix des « identités meurtrières » dénoncé par Maalouf (1998 : 9) en ces termes : « Serais-je plus authentique si je m’amputais d’une partie de moi-même? ».

Depuis l’avènement des thèses postmodernes et postcoloniales, et son corollaire, l’effondrement de l’idéal féministe occidental d’une sororité prétendument lisse et universelle, le débat ne cesse en effet de s’articuler en termes dichotomiques : comment départager les « vraies » des « fausses » féministes? La quête d’une authenticité fondée sur les différences et les clivages entre les femmes nous aveugle au point de gommer nos appartenances multiples et sérielles, pourtant essentielles à la « diversité constitutive des femmes » (Fougeyrollas-Schewbel et coll., 2005 : 5). Aussi je me propose de décentrer ce « nous » piégé par des représentations binaires et statiques, à la lumière des contributions des féministes d’Amérique latine et des Caraïbes à l’approche intersectionnelle des discours et des systèmes d’oppression. Généralement absentes des échanges féministes francophones, en raison notamment des barrières linguistiques, leurs réflexions vont pourtant bien au-delà du rôle de « dissidentes » périphériques auquel les réduisait récemment le numéro spécial de Nouvelles Questions Féministes (NQF, 2005).

Faute de pouvoir restituer toute la complexité des mouvements féministes du sous-continent, j’exposerai d’abord les ressorts des alliances qui ont façonné leur histoire, depuis leur émergence à la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours. M’appuyant sur un corpus de la littérature endogène aussi vaste que dispersé (cours, présentations orales disponibles sur le web, articles et monographies),  je préciserai notamment le rôle desdites alliances dans les questionnements relatifs au croisement des rapports de pouvoir par lesquels se construisent les inégalités; processus que la juriste américaine Kimberlé W. Crenshaw (1991) a désigné a posteriori sous le nom d’« intersectionnalité ». Ensuite, je montrerai que les traits d’union tracés au fil des combats s’articulent à des lignes de fracture (dont l’affrontement monté en épingle par NFQ entre féministes autonomistes et institutionnelles) qui suscitent à leur tour une critique de l’essentialisme des différences et un appel à l’intégration solidaire de la diversité. En conclusion, je dégagerai quelques leçons sur le potentiel tout à la fois inclusif et transformateur de l’analyse intersectionnelle pour parer aux risques d’atomisation sinon de désintégration de l’action féministe.

De la charité à la solidarité

Malgré que les travaux des historiennes situent les premières luttes féministes d’Amérique latine et des Caraïbes vers la fin du XIXe et le début du XXe siècle (Navarro et Sánchez Korrol, 1999), leurs revendications reflètent les préoccupations en matière de droits sociaux et politiques d’une élite instruite, urbaine et de classe moyenne. Mis à part quelques tentatives de la part de certaines factions plus radicales qui réclament l’amélioration des conditions de travail des femmes des classes pauvres, leur approche de l’émancipation emprunte, pour l’essentiel, un maternalisme moralisateur (Sanchez Korrol, 1999). D’ailleurs l’identité discursive de ces premières féministes est dominée par l’équivalence « femme égale mère ». Partant de l’expérience argentine, Fernanda Gil Lozano et coll. (2000 : 13) notent à ce propos que, dans les années 1900, « Toutes les femmes ont naturalisé la maternité puis amorcé leurs luttes à partir de cette conception »1. Or cette conception universaliste s’accommode mal des réalités quotidiennes des femmes pauvres qui doivent lutter pour leur survie. À la même époque, dans les Caraïbes anglophones, ce sont les clubs de femmes « de couleur » (noires et métisses) de classe moyenne également qui  font campagne pour les droits politiques des femmes, l’éducation des filles et les premières réformes légales. Mais là encore, c’est la charité davantage que la sororité qui décrit le mieux la relation des femmes de l’élite noire à l’endroit de leurs homologues de classes différentes (Reddock, 1994, 1995).

Plus surprenante au regard de la question des intersections des systèmes d’oppression est, en revanche, la recherche stratégique d’alliances à l’échelle intra régionale. Amorcées dans le cadre du premier congrès féministe international de Buenos Aires (Argentine), célébré en 1910 avec la participation d’associations de femmes de diverses couleurs et nationalités (Brésil, Paraguay, Uruguay et Chili), ces alliances acquièrent une signification nouvelle avec l’inauguration dans les années 1930, en Jamaïque, du Pan African Association et du United Negro Improvement Association (dont les ramifications s’étendent jusqu’à Cuba). Pour la première fois, les féministes « de couleur » et les femmes des classes laborieuses disposent d’une plate-forme pour faire valoir leurs droits, malgré que leurs discours ne parviennent pas encore à rompre avec l’image homogène et colonialiste des femmes (French et Ford-Smith, 1985). Il semble toutefois que ce soit la prise de conscience de la valeur de leur travail — essentiel au fonctionnement desdites associations et paradoxalement dépendant de la masculinité noire — qui ait contribué à l’émergence du féminisme noir caribéen des années 1930 (Ford-Smith, 2004 : 30). Henrice Altink (2006 : 7-9) souligne en outre que la discrimination sur la base de la couleur de peau est au cœur des questions qui préoccupent les féministes noires jamaïcaines — telles Una Marson et Amy Bailey — dans la période d’entre-deux-guerres. Elle ajoute que les débats de l’époque sur le racisme ne concernent pas seulement les rapports entre femmes blanches et noires, mais aussi ceux entre femmes aux divers « tons » plus ou moins foncés. Un constat qui, selon Rhoda Reddock (2007 : 8), témoigne déjà d’une solidarité féministe antiraciste :

Colour and shade distinctions may have had a similar impact on feminist solidarity then as ‘race’ and ethnic differences may be having today. At the same time therefore as these feminists sought the valorisation of their colour and ‘race’ they collaborated with “White’ feminists such as May Farquharson in Jamaica and Beatrice Greig and Gema Ramkeesoon in Trinidad and Tobago, and worked to combat shadism and colour prejudice among African-descended women within their societies.

De tels rapprochements antiracistes demeurent cependant ponctuels et somme toute marginaux à l’échelle régionale où prédomine un féminisme ancré dans des systèmes hiérarchisés contribuant au maintien des privilèges des femmes blanches. Et ce, en dépit des variations historiques des procédés de « racialisation » qui règlent la stratification sociale et économique des Caraïbes et de l’Amérique latine en fonction de l’héritage colonial, des modèles de production ou encore de l’origine et de l’apport des flux migratoires (Reddock, 2007).

Si, par ailleurs, la conquête du droit de vote s’effectue de manière très inégale selon les pays (période de 1929 à 1964), elle s’accompagne systématiquement d’un reflux des luttes féministes reconnaissable au repli vers le domestique (Kirkwood, 1987). Ce n’est qu’à partir des années 1970, période marquée par le militantisme de rue et la résistance aux dictatures, que leurs combats rebondissent au fur et à mesure que se construisent de nouvelles formes de socialisation et de nouveaux pactes entre les femmes.  Bien que ces coalitions restent traversées par les influences nord-américaines et européennes, elles s’en démarquent néanmoins par l’historicité des réalités matérielles propres à la région. Comme l’explique la bolivienne Raquel Gutiérrez Aguilar (1999 : 27-28) :

Les critiques aux concepts et catégories européens et états-uniens ont accompagné toute l’histoire de la pensée en Amérique latine, parce qu’il est impossible de récupérer des universaux (qu’ils soient idées ou signes) pour interpréter des sociétés où il n’y a pas d’unité politique de base (…). Le féminisme latino-américain (et j’ajouterai, caribéen) a dû chercher en son sein les différences vitales qui le composent, sans qu’aucun de ses courants ne se soit jamais perçu comme « quelque chose" de distinct du féminisme.

Une vision que partage la philosophe mexicaine Francesca Gargallo (2004), pour qui l’originalité de leur action réside dans leur capacité à véhiculer en permanence la contingence politique et économique du sous-continent. En témoignent les luttes livrées par les féministes chiliennes contre le régime de Pinochet sous le slogan « Démocratie au pays et à la maison ». Ce slogan est d’ailleurs repris par les féministes de la région qui y ajoutent la dimension intime « et au lit » pour marquer « non seulement le caractère politique du privé, mais aussi une forme différente et radicale de comprendre la démocratie » (Vargas, 2003).

 « Démocratie au pays, à la maison..... et au lit »

Dans les pays du cône Sud, la décennie 1970 cristallise une période sombre de coups militaires à la chaîne, dont la violence et la terreur se mesurent aux souffrances de milliers de femmes et d’hommes condamnés à la torture, à l’emprisonnement et à l’exil. Remplissant le vide laissé par la dissolution des partis politiques, l’action des militantes féministes dites de la « deuxième vague » s’organise en faveur de la démocratie et des droits humains : libération des prisonnières/prisonniers politiques, dénonciation des exactions des forces armées, accès au logement, à l’éducation et à la santé. Le rejet marqué de toute forme de pouvoir, désormais identifié à la domination et à la violence masculines (Maffía et Kurschnir, 1994), s’articule aux revendications des droits civils et politiques qui questionnent les expériences de la vie quotidienne, à commencer par la maternité et la sexualité. Comme le précise Cecilia Lipszyc (1997, citée dans Guzzetti et Fraschini, sans date : 2), ce néo-féminisme participe d’un « double processus : d’un côté, la déconstruction des rôles assignés aux femmes depuis les Lumières, de l’autre, leur transformation en sujets politiques ».  Toutefois, nous sommes encore loin d’un mouvement organisé et structuré autour d’objectifs concrets.

Toujours dans les années 1970, les guerres de libération nationale d’Amérique centrale mobilisent des femmes combattantes, tandis qu’au Mexique et dans les Caraïbes la spontanéité bruyante des manifestations féministes émane de petits groupes de militantes où se précise un travail d’analyse de la dénommée « condition de la femme ». La réflexion, pour l’instant extérieure aux sphères universitaires, demeure cependant guidée par la lutte « des pays dépendants contre l’impérialisme » (Di Tella et coll., 2001 :179). De fait, certaines féministes continuent de pratiquer la double militance, autrement dit l’appartenance simultanée au mouvement féministe ainsi qu’à un parti politique, alors que d’autres, appelées les « cooptées », s’infiltrent dans le parti officiel ou le gouvernement pour mieux propulser les idées féministes depuis l’intérieur. Le lancement, à Mexico, de la Décennie de la femme en 1975 favorise le développement d’études statistiques et descriptives sur la situation des femmes; un phénomène qui à son tour contribue à la création de programmes en études des femmes et de genre au cours de la décennie suivante (Garrido, 2004).

D’ailleurs, dès 1979, les mexicaines Eli Bartra et Adriana Valadés (1985 : 129) sont parmi les premières à secouer les milieux universitaires en affirmant que le féminisme est la « lutte consciente et organisée des femmes contre (un) système (…) classiste, mais aussi sexiste et raciste qui exploite et opprime de multiples façons tous les groupes en marge des sphères du pouvoir ».  Entre temps, la bataille dans les rues s’alimente à même quatre grands thèmes : avortement, pauvreté, viol et violence contre les femmes. Dans un livre plus récent, Eli Bartra (2000 : 43-44) ajoute que le fait d’être un mouvement de classe moyenne, mais fortement influencé par l’anarchisme, le marxisme ou le socialisme suscite chez de nombreuses militantes un « sentiment de culpabilité » issu de la prise de conscience de leurs privilèges de classe. D’où la tendance à un rapprochement accru avec les femmes des secteurs plus pauvres favorisant l’émergence d’un féminisme populaire. Ainsi, écrit-elle,

Lorsque au Mexique les femmes urbaines, de classe moyenne et majoritairement métisses luttent pour la décriminalisation de l’avortement, ce ne sont pas seulement  leurs intérêts qu’elles défendent : celles qui sont les plus touchées par l’avortement clandestin sont les femmes pauvres, notamment les autochtones. En ce sens, la lutte pour décriminaliser l’avortement bénéficie à toutes les femmes, et tout particulièrement à celles des milieux marginalisés (Bartra, 2000 : 52).

Dans cette optique, les revendications sur le terrain des droits reproductifs posent un nouveau jalon dans la construction d’un féminisme plus ouvert aux expériences multiples des femmes. Aussi la politisation de la vie privée trouve un terreau fertile dans les Encuentros (rencontres) féministes d’Amérique latine et des Caraïbes, menés à intervalle régulier depuis 1981. En marge de leurs actions auprès des gouvernements locaux et des agences supranationales, ces rencontres offrent l’occasion de mettre à l’épreuve les grilles d’analyse ainsi que les acquis du féminisme latino-américain et caribéen. La marche vers Beijing éveille l’optimisme des féministes qui misent sur la transnationalisation d’un processus de réseautage entre mouvements régionaux et mondiaux pour rendre visibles des femmes (notamment les afros-descendantes, les autochtones, les lesbiennes et les femmes handicapées) restées jusque-là généralement à l’écart du mouvement féministe  (Vargas, 1998, 2003; Alvarez, 1998, 2000).

Or, en 1988, la IVe Rencontre Féministe d’Amérique latine et des Caraïbes qui se tient au Mexique marque l’affrontement entre le mouvement des femmes et quelques féministes autonomes qui ne travaillent pas avec les secteurs populaires. La composante radicale du mouvement commence à s’essouffler au profit d’un féminisme d’assistance sociale centré sur l’offre d’informations et de services-conseils juridiques, médicaux et psychologiques pour femmes battues et violées. Tandis que des avancées importantes s’observent sur le plan de la législation contre la violence, les questions plus polémiques tels l’avortement, le divorce et la sexualité, sont mises de côté. Démarre ainsi le processus d’« ongéisation » du féminisme qui va s’amplifier au cours de la décennie 1990. Ce processus est habituellement défini comme la transformation du mouvement féministe en une multitude d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’organismes gouvernementaux créés à l’intention des femmes, et au sein desquelles celui-ci s’institutionnalise. Il importe ici de signaler que, au moment de leur création, les ONG de femmes répondent à un besoin réel : elles remplissent la fonction de canaliser la militance sociale comme un succédané au retrait de l’État providence. Eu égard aux maigres ressources existantes, elles doivent donc se tourner vers le financement externe pour pouvoir exister. Progressivement, cependant, elles sont « aspirées » par l’ordre du jour des bailleurs de fonds qui les installent dans une logique à la fois bureaucratique (un travail salarié en qualité « d’expertes ») et compétitive (lutte pour l’obtention des fonds). 

Aux espoirs des années 1980, fondés sur le retour ou l’approfondissement de la démocratie dans toutes les sphères de la vie des femmes, succèdent bientôt la désillusion et la frustration des promesses déçues. Le bilan de Cristina Camuso (1997 : 7) est révélateur des tensions qui annoncent les premières lignes de fracture au sein du mouvement : « Beijing exprime l’initiative bourgeoise pour que la lutte des femmes soit cooptée par le financement externe et le pragmatisme de l’ici et du maintenant ».

Les lignes de fracture

Avec la défaite des idéologies marxistes et l’affaiblissement des syndicats, la transition vers des espaces démocratiques s’effectue sur fond de crise de la dette, crainte du conflit et politiques d’ajustement structurel. L’étude de Raquel Olea (1999 : 56) sur le Chili postdictature illustre le contexte de la réflexion féministe des années 1990 : au nom de la concertation, « la transition a eu besoin d’un corps social et consensuel pour imposer, à l’abri de la loi, les modèles de conscience et les valeurs nécessaires à l’ordre néolibéral ».  Après une période de relative homogénéité identitaire (anti-impérialiste et anti-dictature), les féministes doivent composer avec des voix soucieuses d’afficher leurs différences d’une part, et le repositionnement des partis politiques comme principaux interlocuteurs de l’État, d’autre part.  Entre 1994 et 1996, le mouvement est scindé en deux courants, dont l’un (« institutionnaliste ») gravite autour d’une logique de lobbying auprès de l’État et des organismes internationaux, et l’autre (autonomiste), autour d’une logique militante isolée et fortement critique à l’endroit des membres du premier et du système politico-économique dominant (Ríos et coll., 2005 : 90).

Le malaise atteint son paroxysme à l’occasion de la VIIe Rencontre féministe d’Amérique latine et des Caraïbes qui se tient au Chili en 1996. Les accusations les plus dures proviennent des autonomistes chiliennes et boliviennes – telles Margarita Pisano et María Galindo - qui déclarent : « Nous nous voulons plus être tolérantes avec celles qui nous négocient et nous nient » (Camuso, 1997 : 3). Loin de créer des passerelles, l’hostilité des discussions contraint les féministes qui ne se sentent pas représentées par les courants antagonistes à se regrouper sous la bannière « Ni les unes, ni les autres ».  Prenant acte de cette fracture, Cristina Camuso (1997 : 9) conclut : « il a fallu admettre qu’il n’existe pas un féminisme sinon diverses postures et perspectives philosophiques qui participent de différentes traditions et mémoires des actions menées par les femmes en vue de diverses projections du futur ».

Parmi ces projections, la perspective du système de genre, relayée par des féministes comme Teresita de Barbieri (2002; 2004), Marta Lamas (1996, 2002), Sara Poggio, Montserrat Sagot et Beatriz Schmukler (2001), parmi les plus connues, récolte des critiques virulentes.  Accusées tantôt de révisionnistes tantôt de vendues à l’ennemi, on reproche aux partisanes du genre de confondre militance avec neutralité technique, deux concepts qui, en fait, reproduisent une vision binaire du féminisme (Barriga, 2003). Un autre aspect litigieux tient aux origines du concept même. Certaines l’attribuent à tort à des féministes universitaires, négligeant la contribution des groupes de femmes de la base telle DAWN (Antrobus, 2007). En revanche, la critique est fondée lorsqu’elle dénonce l’instrumentalisation occidentale du genre, depuis que les agences internationales (Banque mondiale et Fonds monétaire international en-tête) se sont réapproprié le terme pour s’attaquer à la pauvreté des femmes. À ce propos, la critique d’Esther Vincente (2005) sur la féminisation de la pauvreté (terme utilisé pour désigner la pauvreté spécifique aux femmes) coupe court à l’approche essentialiste. Dès lors que la pauvreté est une réalité multidimensionnelle, façonnée par l’intersection des identités et des sources d’oppression diverses (racisme, classisme, xénophobie, lesbophobie), elle se manifeste de façon différenciée. Autrement dit, toutes les femmes ne vivent pas la pauvreté de la même façon. À l’heure de la « MacDonaldisation », des maquilas et de la dollarisation (Cardoza, 2005), la détérioration des conditions de vie, incluant la pauvreté, la violence et autres formes de privation des femmes laissées-pour-compte (afros-descendantes, autochtones, lesbiennes, déplacées et réfugiées, mères adolescentes, victimes du VIH ou trafiquées sexuellement), requiert d’une réflexion féministe appelant de nouvelles formes de solidarité.

À la recherche de nouvelles solidarités

Faisant écho aux propos d’Eudine Barriteau (2003), Adriana Gómez (2003) rappelle que le féminisme latino-américain et caribéen a souvent occulté les expériences de discrimination croisée des femmes « de couleur » et autochtones, malgré la présence d’environ 150 millions de personnes afros-descendantes, soit près de trois fois la population autochtone, dont plus de la moitié sont des femmes. Concentrées principalement au Brésil, en Colombie, au Pérou, dans les Caraïbes insulaires et continentales d’Amérique centrale, ces populations représentent près d’un tiers de la population latino-américaine, ce qui, en chiffres absolus, n’en fait pas une minorité à proprement parler (Campbell Barr, 2003, 2006). Une distorsion semblable s’applique aux populations autochtones (vivant également dans des conditions de grande précarité) qui, totalisant huit à 15 pour cent de la population latino-américaine, constituent plus de la moitié de la population dans des pays comme la Bolivie, le Guatemala et le Pérou (Valenzuela et Rangel, 2004).

En plus de créer une fausse perception de la réalité, le construit de « minorités » renforce les positions dominantes et hégémoniques des groupes qui se sont historiquement imposés comme des majorités.  Sur ce point, Rawwida Baksh Soodeen (1998) établit une distinction entre la théorisation féministe fortement polarisée des rapports majoritaires/minoritaires à partir d’une analyse « amère » des différences ethniques et raciales élaborée aux États-Unis et en Europe, et celle, inspirée d’une tradition anticoloniale fondée sur les « similitudes dans les différences » de la région des Caraïbes. Aussi, plutôt que de simplement célébrer la diversité, elle nous invite à faire des différences un mécanisme pour montrer l’interconnexion. Dans la même veine, Ochy Curriel (2003 :15) suggère  de reconnaître les diversités à l’intérieur de la catégorie femme au moyen de coalitions coordonnées qui « évitent l’essentialisme situant les femmes noires ou lesbiennes dans une niche, autant que l’universalisme faisant des expériences de toutes les femmes une unité d’analyse indifférenciée ». Au même titre qu’il faut cesser de « naturaliser les inégalités construites socialement » (Careaga Perez, 2001: 4), il importe donc de rompre avec les lectures culpabilisantes et démobilisatrices des différences, héritées des courants féministes postcoloniaux et postmodernes de l’Occident. Des courants qui, selon Bartra (2000 : 51), conduisent en outre à ostraciser celles qui ne répondent pas aux marqueurs raciaux ou ethniques de l’oppression, au risque de certains paradoxes. Ainsi, « si une femme blanche est violée par un homme de couleur, qui est le maître? Et qui l’esclave? » D’où le dilemme souligné par Vargas (2003) : « ignorer la différence nous conduit vers un manque de neutralité, mais la placer au centre peut l’accentuer et la recréer. Et la différence finit par valoir pour elle-même, et non dans son interrelation transformatrice ».

Quelques notes d’espoir en guise de conclusion

Sur la base de cette trajectoire en condensé, j’estime qu’il est difficile de réfuter le « nous femmes », car cela nous mènerait, selon les mots de Maruja Barriga (2003), droit vers un cul-de-sac, soit celui de « nier l’histoire, de spéculer sur un passé idéalisé (libre d’ONG de féministes “vendues”) et un futur (purifié), pour nous libérer de tout mal ». De façon plus constructive, on peut envisager une proposition politique articulée aux différences, c’est-à-dire prenant en compte les intersections des divers systèmes d’oppression, de marginalisation et d’exclusion,  sans pour autant sombrer dans ce que Alda Facio (2002) appelle les : « cosmovisions partielles ». Si, par ailleurs, la conquête de la citoyenneté pleine et entière, « au pays, à la maison et au lit », reste en plan, seules des alliances avec les secteurs de femmes traversées par les divers systèmes de domination et fondées sur la solidarité et la coresponsabilité (Sabanes Plou, 2005) pourront venir à bout des disputes stériles entre identités essentialisées. Enfin, et c’est malheureusement une composante que je n’ai pas pu couvrir faute de temps, il convient d’assurer un dialogue avec les nouvelles générations, à défaut de quoi féminisme ne rimera plus qu’avec de « vieux ismes ». À nous maintenant de tisser des liens pour renouer avec l’espoir d’une société plus juste et égalitaire!

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4 juillet 2010 7 04 /07 /juillet /2010 05:49

 Dimanche 4  juillet,en entendant le verdict de villiers le bel, nous vous donnons cet extrait de Marx Stirner  voir lien pour mieux connaitre Stirner.lire surtout ce livre

En 1997 paraît Marx versus Stirner, de Daniel Joubert edition les insomniaques.

Comentaires autour du procés de Villier le bel:écoute l'émission  le 5 juillet à 18h15 radio Labo sur Radio Mega 99.2 et en direct sur le site de la radio.

Extrait de Le faux principe de notre éducation de Max Stirner

La liberté de pensée, une fois acquise, c'est l'impulsion de notre temps de la parfaire pour la muer en liberté de volonté, principe d'une nouvelle époque. De telle sorte que l'objectif ultime de l'éducation ne peut plus être le savoir, mais le vouloir né de ce savoir. En un mot, elle tendra à créer un homme personnel ou libre. La vérité, qu'est-ce sinon la révélation de ce que nous sommes ? Il s'agit de nous découvrir nous-mêmes, de nous libérer de tout ce qui nous est étranger, de nous abstraire ou de nous débarrasser radicalement de toute autorité, de reconquérir la naïveté. L'école ne produit pas d'hommes aussi absolument vrais. S'il en existe quand même, c'est bien malgré l'école. Celle-ci, sans doute, nous rend maîtres des choses, à la rigueur aussi, maîtres de notre propre nature. Mais elle ne fait pas de nous des natures libres. En effet aucun savoir, fût-il approfondi et étendu, aucun esprit aiguisé ou sagace, aucune finesse dialectique ne peuvent nous prémunir contre la bassesse du penser et du vouloir. ( ... )

Toutes les sortes de vanité et d'appétit de gain, d'arrivisme, de zèle servile et de duplicité, etc. se marient fort bien avec un savoir étendu, tout comme avec une élégante formation classique. Et tout ce fatras scolaire, qui n'exerce aucune influence sur notre comportement moral, nous l'oublions souvent et d'autant plus aisément qu'il ne nous sert à rien : on secoue la poussière de l'école lorsqu'on la quitte. Pourquoi ? Parce que l'éducation repose uniquement sur le formel ou le matériel, tout au plus sur une mixture des deux, mais non sur la vérité et la formation de l'homme vrai. ( ... )

Comme certains autres domaines, le domaine pédagogique est aussi de ceux où l'on s'applique à ne pas laisser pénétrer la liberté, à ne pas tolérer d'opposition : ce qu'on veut, c'est la soumission. On n'a en vue qu'un dressage, purement formel et matériel. Des ménageries de l'humanisme ne sortent que des savants, de celles des réalistes que des « citoyens utiles », dans les deux cas, rien que des créatures soumises. Notre bon vieux fond de « méchanceté » est étouffé de vive force et, partant, l'aboutissement du savoir en volonté libre. Aussi la vie scolaire produit-elle des philistins. De même qu'enfants, nous apprenons à accepter tout ce qui nous est imposé, nous nous accommodons plus tard d'une vie positive, nous nous plions à notre temps, nous en devenons les valets et les prétendus « bons citoyens ». Où donc, à la place de la soumission entretenue jusqu'ici, voit-on se renforcer un esprit d'opposition ? Où forme-t-on à la place de l'homme instruit un homme créateur ? Où donc le professeur se transforme-t-il en collaborateur, où opère-t-on la transmutation du savoir, où donc l'objectif est-il l'homme libre plutôt que l'homme cultivé ? On le recherche en vain, tant la chose est rare.

Il faudrait pourtant que l'on se mette davantage dans la tête que la tâche suprême de l'homme n'est ni l'instruction ni la civilisation, mais l'auto-activité. La culture en sera-t-elle négligée pour autant ? Pas plus que nous ne méditons de sacrifier la liberté de pensée, mais bien plutôt de la transfigurer en liberté de volonté. Le jour où l'homme se fera un point d'honneur de se sentir et de se connaître lui-même, d'agir par lui-même, en toute autonomie, en pleine conscience de lui-même, en pleine liberté, il cessera d'être pour lui-même un objet étranger et impénétrable, il tendra à dissiper l'ignorance qui limite et empêche sa pleine connaissance de lui-même.

Éveille-t-on chez l'homme l'idée de la liberté, les hommes libres ne songent qu'à se libérer eux-mêmes encore et toujours : n'en fait-on, au contraire, que des hommes instruits, ils s'adaptent à toutes les circonstances de la manière la plus cultivée et la plus raffinée, ils tombent au niveau d'âmes soumises et serviles. Que sont, pour la plupart, nos beaux messieurs pleins d'esprit et de culture ? Des esclavagistes ricaneurs, eux-mêmes esclaves. ( ... )

La misère de notre éducation actuelle vient, pour une large part, de ce que le savoir ne s'est pas affiné en volonté, en auto-activité, en pratique pure. Les réalistes se sont bien aperçus de la lacune, mais ils n'y ont remédié que de façon pitoyable en formant des gens « pratiques », dénués autant d'idée que de liberté. L'esprit qui anime la plupart des enseignants en est une preuve tristement vivante. Façonnés, au mieux, ils façonnent à leur tour ; dressés, ils dressent. Mais toute éducation doit devenir personnelle. En d'autres termes, ce n'est pas le savoir qui doit être inculqué, c'est la personnalité qui doit parvenir à son propre épanouissement. Le point de départ de la pédagogie ne doit pas civiliser, mais former des personnalités libres, des caractères souverains ; aussi la volonté jusqu'ici brutalement opprimée doit-elle cesser d'être affaiblie. Du moment qu'on n'affaiblit pas l'impulsion vers le savoir, pourquoi affaiblirait-on l'impulsion vers le vouloir ? Si on cultive celui-là, qu'on cultive également celui-ci.

L'opiniâtreté et la « méchanceté » des enfants ont autant leur raison d'être que leur soif de connaître. On stimule cette dernière avec zèle qu'on excite aussi la force naturelle de la volonté l'opposition. Si l'enfant n'apprend pas à se sentir lui-même, c'est justement la chose principale qu'il n'apprend pas. Qu'on ne réprime ni sa fierté, ni sa franchise. Contre sa pétulance, il me restera toujours ma propre liberté. Si sa fierté se transforme en obstination, l'enfant me fera violence, ce contre quoi je réagirai, car je suis un être aussi libre que l'enfant. Mais devrai-je me défendre en m'abritant derrière le rempart commode de l'autorité ? Non pas. Je lui opposerai la rigidité de ma propre liberté, de sorte que d'elle-même l'obstination de l'enfant tombera. Qui est un homme complet n'a pas besoin d'être une autorité. Et si la franchise devient de l'effronterie, elle perdra sa force devant la douce résistance d'une femme attentionnée, devant son tempérament maternel ou devant la fermeté d'un père ; il faut être bien faible pour appeler l'autorité à l'aide et l'on se trompe si l'on croit guérir l'enfant impertinent en faisant de lui un timoré. Exiger la crainte et le respect sont choses qui appartiennent au style rococo d'une époque révolue.
De quoi donc nous plaignons-nous quand nous regardons en face les lacunes de notre éducation actuelle ? De ce que nos écoles en sont encore au principe ancien, au principe du savoir sans volonté. Le nouveau principe est celui de la volonté, de la transformation du savoir. Partant de là, plus de « concordat entre l'école et la vie », mais que l'école soit vie et que, dans son sein, comme au dehors, on se fixe comme devoir l'auto-découverte de la personnalité. Que la culture universelle de l'école vise à l'apprentissage de la liberté, non de la soumission : être libre, voilà la vraie vie. L'éducation pratique reste bien en arrière de l'éducation personnelle et libre ; si celle-là donne le moyen de faire son chemin dans la vie, celle-ci procure la force de faire jaillir l'étincelle de la vie ; si celle-là prépare l'écolier à se trouver chez lui dans un monde donné, celle-ci lui apprend à être chez lui en son for intérieur. Tout n'est pas encore accompli quand nous nous comportons comme des membres utiles de la société. Nous ne pouvons y parvenir pleinement qu'à condition d'être des hommes libres, des individus qui créent et agissent par eux-mêmes.

L'idée, l'impulsion des temps nouveaux, c'est la liberté de la volonté. La pédagogie doit donc se proposer, comme point de départ et comme fin, la formation de la libre personnalité. Cette culture qui est vraiment universelle, parce que le plus humble s'y rencontre avec le plus élevé, représente la véritable égalité de tous : l'égalité des personnalités libres, car la liberté seule est égalité. Nous avons besoin désormais d'une éducation personnelle. Si l'on veut donner un nom en « iste » à ceux qui suivent ces principes, je choisirais, pour ma part, celui de personnalistes. ( ... )

Pour conclure et exprimer en peu de mots le but vers lequel notre temps doit mettre le cap, c'est la disparition nécessaire du savoir sans volonté et le lever du savoir conscient de soi, qui s'accomplit dans l'éclat du soleil de la personnalité libre. Cela pourrait se concevoir ainsi : savoir doit mourir pour ressusciter comme volonté et se recréer quotidiennement comme personnalité libre.

circa 1843.
(Source : extrait sélectionné par
l'Université populaire de Montreuil - brochure Montr'UP n°3 juin 2009)

 

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3 juillet 2010 6 03 /07 /juillet /2010 08:26

Comme la question de la presse alternative à Valence secoue les terrasses de bar, on publie ce texte sur la revue Z

lu ici

 

Z a la bougeotte, ne tient pas en place. Hier à Amiens, avant-hier à Marseille, aujourd’hui à Nantes. Pas question de se tourner les pouces dans un quelconque QG, Z apprécie trop le terrain, les rencontres et les immersions. Si ses contributeurs ont leur port d’attache à Montreuil – en un local que leur prête gracieusement Armand Gatti, fondateur de la Parole Errante – , ils ne s’y amarrent que pour finaliser le travail, bosser leurs textes et la maquette. Le reste du temps, ils sont en vadrouille, en « itinérance  ».

Gigi

Je ne sais pas si ce "Z" se veut symbole de Zorro, mais - si c’est le cas - Gigi est alors leur Tornado. Gigi ? Un vieillard de trente ans d’origine catalane,« camion tiroir qui se fait doubler par les mobylettes ». Il n’est plus de toute première jeunesse, s’emmêle parfois les bougies (« il a les soufflets de cardan qui suintent et il rouille ! ») mais il tient bon. Grâce à lui, la rédaction de Z s’offre le luxe d’habiter le lieu de ses enquêtes. Un mois, deux mois, selon les nécessités et l’envie. Prendre le temps de comprendre, de s’immerger, de marcher, une démarche précieuse par le temps qui courent...

Pour le reste (aussi), Z est une revue qui vaut le détour [1]. Armés de quelques subventions, de Gigi l’asthmatique et de l’envie de bousculer un journalisme trop formaté (terme qui ne leur plait d’ailleurs pas des masses), les créateurs de ZZ se donne les moyens de ses ambitions : « Tirs de barrage au Kurdistan », « Jungles urbaines et quadrillages horticoles », « Pieds de nez à l’usine »… soit des reportages fouillés pour des sujets hors des sentiers battus et rebattus, des photos et des illustrations de grande classe [2], une mise en page soignée et aérée. Si je voulais chercher la petite bête, je pourrais juste reprocher à la revue un ton parfois uniforme, une certaine austérité de style. Peccadilles.cherchent à concilier approche radicale et plaisir graphique, enquête sociale et rencontres humaines, travail de fond et condition précaire. Un joyeux maelström, qui fonctionne plutôt bien. Il te suffit d’ouvrir le dernier numéro (couverture ci-dessous), réalisé à Amiens, pour comprendre que

Armé de ma curiosité et d’une bouteille de vin, je suis passé voir Z à Montreuil, alors qu’une partie de l’équipe mettait la dernière touche au numéro trois. Marie, Julien et Alex (les trois présents) m’ont gentiment et longuement expliqué leur démarche, rejoints par d’autres protagonistes en fin de discussion. Comte-rendu.


Quelle était l’idée de départ en lançant Z ?

Julien : Ce n’était pas tant une idée qu’un sentiment commun : les gens sont capables de s’organiser – seuls ou en collectifs – sans les institutions, sans l’État, sans tous les dispositifs de gestion dans lesquels nous vivons de plus en plus. Nous sommes capables de nous débrouiller par nous-mêmes, de vivre bien, tout en contournant ces dispositifs. C’est là qu’à notre avis, il y avait un manque : personne ne fait le récit de la manière dont nous pouvons nous organiser. C’est de cette volonté qu’est née Z : décrire les luttes de ceux qui agissent sans attendre qu’on leur dise d’en haut comment faire.

Marie : À travers Z, nous voulions proposer une critique de la société tout en rentrant en discussion avec les différentes réalités rencontrées. Mais nous voulions aussi formuler cette critique de manière à ce qu’elle puisse être entendue en dehors de notre milieu et de nos copains. Ouvrir nos idées à des gens qui n’ont pas forcément l’habitude d’y être confrontés. Ça passait par un soin accordé à la forme, au niveau de l’apparence (mise en page, maquette, illustrations, etc.) mais aussi du discours.

Pour vous, il est essentiel de soigner la forme ?

Julien : Oui, elle compte beaucoup parce qu’on veut que notre parole soit présentée sous une forme accueillante. Ça ne veut pas dire, et de loin, qu’on crache sur les fanzines, les brochures, les productions plus spontanées – bien au contraire, puisqu’on continue à en produire et à en lire. Mais on cherche à faire en sorte que notre revue ne s’enferme pas dans une approche trop mono-centrée. Il faut que les gens ne connaissant pas le milieu anar, autonome, libertaire (ou je ne sais quelle autre catégorie débile), puissent rentrer dans notre revue sans être repoussés par des aspects un peu trash, une orthographe boiteuse ou des phrases qui se répètent.
Ce n’est pas parce qu’on est à gauche qu’on doit faire du moche. Trop souvent, le discours prend le pas sur la forme, cette dernière restant accessoire. Dès le début, on s’est dit que si on portait un discours, on portait aussi un monde, des propositions d’imaginaire et d’esthétique. Et puis, l’idée de refuser la beauté parce que tu t’adresses au plus grand nombre, aux masses laborieuses, revient à poser que l’ouvrier aime bien le laid. C’est idiot… On n’est logiquement pas d’accord.

Vous souhaitez ne pas vous adresser qu’aux convertis ?

Marie : Dès le départ, on avait envie que ce projet d’écriture soit une passerelle, qu’il évite le ton parfois uniforme et le jargon trop souvent présents dans les parutions liées à notre univers politique. Que des gens ne partageant pas forcément les termes de ce milieu puissent se saisir de ce qu’on fait, que ça crée du lien. Cette idée de lien amène d’ailleurs à notre deuxième idée directrice, celle de l’itinérance. L’objectif étant de se méfier des a priori, de ne pas plaquer un discours théorique sur ce qui nous entoure, d’aller à la rencontre de réalités et de les confronter à notre sensibilité politique.

Concrètement, comment se passe la dimension itinérante ?

Julien : Nous utilisons un magnifique camion, qui s’appelle Gigi. C’est lui qui nous loge quand nous sommes sur place. Avant de partir, on prend des contacts, on fait marcher le réseau de copains et on essaye de savoir dans quelle direction on veut lancer le numéro. En même temps, on reste ouverts, on ne veut surtout pas se focaliser sur un seul élément : on veut arriver quelque part sans nous couper de l’imprévu. Pour le moment, il y a eu trois numéros, nous avons donc fait trois itinérances : Le Tarn, Marseille et Amiens. Pour la prochaine, on part à Nantes dans quelques jours.

Marie : Dans le Tarn, on était chez des copains paysans et on a rencontré pas mal de gens se mobilisant contre le puçage RFID de leurs troupeaux. Pas loin, il y avait également le premier EPM (Établissement pénitentiaire pour mineurs) de France, d’où un questionnement sur l’univers carcéral. On a voulu s’y confronter, voir sa réalité, rencontrer des familles de détenus, savoir ce qui se passe concrètement quand t’as un gamin en taule. Pour ce premier numéro, il y avait aussi une envie de parler de la médicalisation de la naissance, quelque chose que l’on trouve assez représentatif de notre monde, avec une emprise de plus en plus forte du contrôle, de la gestion et de la machine. On a rencontré des gens qui avaient fait le choix d’accoucher à domicile, des sages-femmes, on est allé dans des petites maternités menacées de fermeture…

Vous êtes combien à participer à l’itinérance ?

Marie : Eh bien, à Amiens au mois de novembre, on était trois, ce qui ne fait pas beaucoup… A Marseille, en mai, forcément, on était davantage, une dizaine, (rires). En fonction de la saison et de la destination, les gens sont plus ou moins motivés, c’est logique. Pour Nantes, il y aura pas mal de monde.

Comment choisissez-vous le lieu ?

Julien : Parfois en fonction du territoire, parfois en fonction du sujet, les deux restant de toute façon très liés. Pour notre dernier numéro, ça chauffait du côté des usines, et comme on ne connaissait pas très bien ces problématiques, comme le monde ouvrier nous semblait méconnu, on est parti à Amiens. Ici, à Montreuil, on est surtout mobilisés sur le sujet des sans-papiers, du logement, des questions pertinentes mais éloignées de la réalité ouvrière. Du coup, on a décidé de provoquer la rencontre.

Alex : On ne choisit pas les endroits au hasard, on sait d’avance quels seront les grands sujets qu’on va développer. Quand on va à Marseille, on sait qu’on va parler d’urbanisme, qu’il y a beaucoup de gens qui réfléchissent là-dessus, qui remettent en question certaines logiques. Là, on part à Nantes dans quelques jours et c’est pareil : il y a des luttes autour du projet d’aéroport, ce n’est pas une coïncidence.

Il y a une approche particulière de Z, une immersion dans le sujet. Personnellement, j’y verrais une forme de journalisme sauvé des eaux, mais je ne suis pas sûr que le terme de "journalisme" vous plaise des masses…

Marie : Il y a un vrai débat là-dessus et on est plutôt divisés sur cette question. Des gens proches nous disent : « Désertez tout ce qui peut rappeler cette identité de journaliste ! » Ils réagissent à ce que sont devenus les journalistes aujourd’hui et, clairement, nous ne nous reconnaissons pas dans la presse. Pourtant, le journalisme renvoie aussi à des références positives, à des George Orwell, Curzio Malaparte, Arthur Koestler ou Albert Londres.
Notre démarche est journalistique dans le sens où elle n’est pas purement idéologique. On confronte nos convictions avec la réalité. Évidemment, quand on va à Marseille, on veut démontrer que la "grande culture" décidée par l’Europe ou le ministère de la Culture à Paris vient précisément finir d’écraser ce qui reste de cultures populaires dans cette ville.
Ceci dit, on a parfois des déconvenues qui viennent questionner nos évidences. On s’est par exemple rendu à Lavaur, devant l’établissement pénitentiaire pour mineurs, et on était convaincus de rencontrer des gens révoltés contre le système pénitentiaire. Mais non, ceux-ci nous disaient : « Mon gamin a 16 ans et il me fait peur. Quand il s’énerve, je suis complétement terrorisée. Je ne gérais plus rien… Et là, il est encadré par des adultes, il a des perspectives scolaires, et puis je peux lui parler quand je vais au parloir.  » C’est d’une misère terrifiante, mais tu es obligé de te dire que c’est aussi comme ça que ça se passe, que tout n’est pas manichéen.
Je ne sais pas si c’est du journalisme, mais c’est sûr qu’il y a une volonté de prendre en compte la parole des gens, de la restituer et de rester honnête.

J’imagine qu’il peut y avoir des cas de conscience entre vos convictions de départ et la réalité ?

Marie : Bien sûr. Du coup, ça te force à te demander ce qui peut faire qu’une mère soit soulagée de voir son gamin en taule. Pourquoi des gens pensent-ils que leur enfant s’en sortira mieux après avoir été emprisonné ? Tu sors du discours normé : tu ne peux plus dire seulement que la prison ravage et détruit. Tu continues à penser cela, évidemment, mais tu dois entrer en discussion avec les gens qui le vivent et pensent que la prison peut les aider.

Alex : Je crois qu’on n’a jamais utilisé ce terme de journalisme entre nous. Il renvoie à beaucoup de choses qui nous déplaisent. Et puis, on a choisi de ne pas mettre ça en avant, on garde un regard très critique sur la question.
Dès le début on a refusé de se conformer à cette image du journalisme assis, posé devant son ordi. On part longtemps, et on essaye de faire un travail de terrain : d’une certaine manière, ça se rapproche de l’enquête.

Julien : À côté des institutions qui administrent et contrôlent la vie, il y a le journalisme officiel et ses médias. Lui ne prendra jamais le temps de regarder comment s’organisent les gens, puisque cela va contre son discours et qu’il travaille main dans la main avec ceux qui gouvernent ou exploitent les populations.
C’est pour cela qu’on a voulu réfléchir aux outils : d’abord l’itinérance – ne pas rester dans son bureau mais aller à la rencontre des gens. Mais il y aussi des outils journalistiques, sociologiques, philosophiques, esthétiques, photographiques : tous sont mis au service d’une même chose. Alors oui, on utilise des outils journalistiques, à savoir l’enquête, le reportage, appeler les gens… Pour autant, on ne veut pas que cette méthode règle notre rapport au monde, mais qu’elle nous aide à le raconter, autant que les images, les dessins ou les contes qu’on retrouve aussi dans Z.

Marie : Il y a une rencontre dans Z entre des gens qui ont différents savoirs, différentes approches. Je ne pense pas qu’on puisse mettre toute la démarche sous l’étiquette journalistique parce qu’elle est trop plurielle pour la réduire à ça.
Notre temporalité nous permet de sortir du champ habituel du journalisme soumis à des contraintes économiques qui lui font produire, le plus souvent, un travail déplorable. Par exemple, quand on est allé à la rencontre des usines et de ceux qui y travaillent, à Amiens, le lien a mis du temps à se créer. La première fois qu’on s’est rendus à une assemblée générale de Continental ou sur le parking de Goodyear, les gars nous prenaient pour les journalistes habituels… Et puis, au bout de trois semaines, nous voyant revenir à leurs AG ou sur le parking, ils sont venus nous demander : « Mais vous êtes qui, vous ? » Quand on leur expliquait qu’on était là pour un mois ou deux, qu’on habitait dans un camion garé à 10 km, qu’on voulait parler de leur lutte et de la manière dont ils s’organisaient, de la manière dont ça pouvait faire écho à d’autres expériences passées nous semblant porteuses de perspectives désirables, le rapport a changé. Ils sentaient qu’on n’était pas dans la même temporalité ni dans un rapport utilitariste. La rencontre peut ne pas se faire tout de suite, ce n’est pas grave ; ou ne pas se faire du tout, ce qui nous est déjà arrivé.
On se donne le temps d’aller à la rencontre d’un sujet et de personnes, mais aussi de participer. Les Continental, par exemple, on a passé du temps avec eux dans les AG, on les a accompagnés quand ils ont été soutenir les faucheurs volontaires à Versailles, on est allé à l’audience et au rendu du procès. On est censé les revoir parce qu’on essaye d’organiser une rencontre avec les gens de Plogoff [3] à Nantes, pour mettre en commun leurs expériences de lutte.

Comment se fait le lien entre l’itinérance et le travail sur la conception du numéro ?

Julien : Dans l’itinérance, tout va très lentement. Il faut du temps pour rencontrer les gens, leur montrer qu’on n’est pas des chasseurs d’info, comprendre ce qui se passe autour de nous. En arrivant, on fait très peu de photos, on participe à des chantiers, aux actions. Et quand on revient ici, à Montreuil, on se retrouve rattrapé par le stress du boulot à abattre.

Marie : Il y a des frictions, une autre atmosphère, mais c’est un passage obligé si tu veux que le travail en amont se traduise par une parution. Du coup, il faut se donner des délais pour rendre les papiers, ça crée une certaine pression, mais on n’a pas encore réussi à y échapper…

L’envie - ou non - de continuer conditionne davantage la survie de Z que les questions économiques ?

Julien : On se dit souvent que la survie de Z dépend des gens qui ne sont pas encore là. Parce qu’on sait ne pas pouvoir tenir le rythme sur la longueur, on a besoin de renforts. On aurait besoin de quatre ou cinq personnes s’investissant à fond.

Cet idéal de la prise de temps n’est donc pas totalement viable ?

Marie : Par moments, le temps s’étire parce qu’on n’est pas dans une logique d’entreprise. Amiens, on devait y aller un mois et on y est finalement resté deux mois. On y est même retourné par la suite, par souci de bien saisir les choses, de revoir des gens et de terminer certaines conversations.
En ce qui concerne l’écriture, c’est pareil : pour le dernier numéro, on avait prévu de rendre les textes mi-janvier, ils sont arrivés un mois plus tard. Heureusement, on s’accorde une certaine élasticité. Enfin, jusqu’au moment où on dit : « Là, j’aimerais bien que ma vie, ce soit autre chose qu’attendre des textes, faut y aller. » Ça crée parfois des clash.

Dans ces moments, j’imagine qu’une certaine forme de hiérarchie peut émerger ?

Julien : Les décisions sont prises quand tout le monde est là. Et on n’impose rien. Là, par exemple, on a eu au dernier moment une copine qui a refusé qu’on accole certaines photos à son texte, peu avant d’imprimer : il n’y a pas eu de passage en force, on ne lui a pas dit « c’est trop tard », mais on a passé trois jours à en discuter avec tout le monde. Et finalement, on a séparé les photos du texte, et on a rajouté huit pages (de 184 à 192) juste avant d’imprimer, alors qu’on avait déjà l’impression d’en avoir trop.

Vous parliez de clash…

Julien : Il y a des discussions sur les textes, parfois intenses, mais jamais avec l’idée du « ça passe » ou «  ça passe pas ». Quand un texte patine, on y réfléchit, on travaille pour l’améliorer, sans comportement de rédacteur en chef.

Et pourtant, sans en refuser aucun, Z ne compte que des textes d’une certaine tenue…

Alex : C’est parce qu’on pense les numéros longtemps à l’avance. On en discute, on met en avant les thèmes. D’ailleurs, cet entretien précède une réunion où on doit aborder le prochain numéro, sur Nantes. Les propositions d’article naissent souvent du groupe, ne sont pas totalement individuelles. Il y a énormément d’échange à toutes les étapes, même dans le travail d’enquête. Et après, il y a un énorme temps de relecture. D’ailleurs, c’est ce qui fait qu’on ne respecte pas toujours les délais qu’on s’était fixés, ou qu’on repousse certains textes à des numéros suivants.

Vous avez le souci de faire connaître Z à un public plus large ?

Marie : On essaye surtout de faire connaître des luttes, des manières de voir, de s’organiser. On est vraiment pas dans une optique de mise en avant d’auteurs, d’ailleurs les articles ne sont pas signés. Il s’agit de faire avancer des idées, de les confronter, de les défendre. Pour nous, au même titre que d’autres groupes, collectifs ou individus ancrés sur un territoire précis pour s’organiser, Z cherche à lutter contre un type de société – en l’occurrence la société capitaliste et industrielle - qui n’a de cesse de nous déposséder de nos existences, en poussant toujours plus loin la gestion de nos vies, pour générer plus de profit et garantir sa pérennité.

Julien : Il y a aussi l’idée que nos articles dépassent le projet Z : on veut qu’une chose qui se passe à un endroit soit entendue à un autre endroit, que cela fasse écho. Que l’expérience d’une lutte puisse servir à une autre, par exemple.

Dans Z, les auteurs sont effacés, il n’y a pas de signatures…

Alex : On ne voit pas ça comme un "effacement". A l’arrivée, les papiers sont tellement collectifs qu’on trouve ça naturel de ne pas signer.

Marie : Ne pas signer est aussi un pied de nez aux médias. D’un côté, tu reconnais un certain élan commun, quelque chose de pensé collectivement ; mais il y a aussi des individualités marquées derrière chaque article. Dina a écrit un article sur les enfants autistes que personnes d’autre n’aurait pu écrire. Ange vient de rédiger un article sur les hortillonnages à Amiens, un mode d’agriculture urbaine, et personne ne peut le faire comme lui. C’est sa patte. Et entre la version d’origine et la version finale après relecture, il y a eu très peu de changements.

Alex : Au final, on se fout du truc de signatures, c’est quelque chose qui ne compte pas. Il y a peut-être une part de posture, mais elle est assumée parce que ça s’apparente à une critique des médias. Certains ont aussi cru qu’on ne signait pas parce qu’on n’assumait pas nos écrits. Ce qui est complètement stupide. Si on ne signe pas, c’est plutôt une manière d’assumer l’ensemble de la revue. Tout ce qui est dans le journal, on l’assume complètement, c’est aussi pour ça qu’il y a des clash parfois : chaque texte nous implique, on ne peut pas s’en dédouaner et laisser passer.

Est-ce que cette approche ne risque pas de déboucher sur une plus grande uniformité ?

Tomi : J’ai proposé un texte qui a pas mal été discuté et les autres me demandaient des réécritures. Au début, ça m’a vraiment fait chier. Je ruminais la chose, j’avais l’impression de pas être compris. Et puis, j’ai pris ça comme une manière de déplier ce qui pour moi coulait de source, de questionner certaines évidences.

Julien : On sait qu’on est sur ce fil-là et on fait très attention. On n’a aucune envie de lisser les textes, simplement de les rendre accueillants, d’éviter les zones d’ombres liées au fait que quelqu’un vit une réalité bien circonstanciée.
On n’a pas de public ciblé, c’est pour ça qu’on doit faire un effort. On sait qu’on veut porter une critique radicale dans un environnement plus large que celle où elle est cantonnée habituellement, mais on ne sait pas qui ça peut intéresser. On ne sait pas qui lit Z.

Quelques nouveaux titres de presse alternatifs [4] émergent en ce moment. Est-ce qu’ils ne risquent pas de se gêner les uns les autres ?

Marie : C’est génial, au contraire. Hier, j’étais avec un ami qui me disait que vers 1870, il y avait quelque chose comme 1200 feuilles de choux autonomes. Il y a beaucoup de choses qui se créent en ce moment, c’est encourageant.

Alex : À moyen terme, on envisage d’être racheté par Lagardère pour être critiqué dans le Plan B. Non, surtout de se rapprocher d’autres publications, parce que notre approche, notamment l’itinérance, n’est pas forcément viable sur le long terme.

Julien : C’est aussi lié au sentiment et au manque communs dont on parlait en commençant. Si on pense apporter quelque chose, c’est motivant. Sinon, on peut envisager d’autres formes, se réadapter. Et puis, on tire à 2 000 exemplaires, avec une périodicité plutôt déliée, ce n’est pas forcément viable sur le long terme. On peut très bien envisager de resserrer notre périodicité et de s’allier avec d’autres personnes, d’unir nos forces.


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2 juillet 2010 5 02 /07 /juillet /2010 22:56

 

En réponse des propos malveillant:

A Toronto, encore une fois des accusations  sont portées contre les blacks blocs. A Seatle comme à Gênes ; les accusation d'infiltrations des éléments de la police, sont lancées  contre les black blocs. On a reçu cette video filmé lors du précédent G 20 à Pittsburg:en 2009

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 05:55

Le coktail de l'été , une  grande claque pour Barack Obama

 

http://piemonte.indymedia.org/attachments/jun2010/liquore_al_petrolio_1.jpg

 

 lu sur ce site :http://laterredabord.fr/?cat=10

 

La première nouvelle est évidemment catastrophique. L’entonnoir n’interceptait pas déjà la totalité du pétrole. Et hier, donc, l’amiral Thad Allen qui est le commandant des gardes-côtes américains a déclaré: « Il y a eu un problème aujourd’hui, ils ont remarqué qu’il y avait une sorte de fuite de gaz. »

En fait, un des robots sous-marins a heurté une conduite, fermant une soupape et augmentant par conséquent la pression dans l’entonnoir, qu’il a fallu enlever pour inspecter. C’est un peu un retour à la case départ, lorsque BP tentait de placer l’entonnoir… Alors qu’il y a un risque d’ouragan la semaine à venir.

[Officiellement du côté de BP, l'entonnoir est désormais de nouveau opérationnel.]

Quelle est la conséquence ? Eh bien un député du Congrès américain, Ed Markey, a révélé il y a quelques jours un document interne de BP.

Dans ce document, il est parlé de… 15,9 millions de litres de pétrole qui se sont diffusés chaque jour dans la mer (soit un équivalent de 100.000 barils de pétrole).

Rappelons qu’au début, BP parlait de la diffusion de l’équivalent de 1.000 barils de pétrole par jour. Il a ensuite été parlé de l’équivalent de 5.000 barils de pétrole, alors que le gouvernement Obama parlait finalement de l’équivalent de 19.000, puis de 60.000 !

On passe donc à 100.000… 15,9 millions de litres de pétrole par jour !

Vérifions à cette occasion ce que nous avons dit sur LTD, en nous fondant sur les recherches des scientifiques travaillant de manière non dépendante de BP.

Avons-nous été « extrémistes », aveuglés par notre haine de la destruction de Gaïa ? Triste résultat : nous avons parlé de… 4 millions de litres, soit plus de trois fois moins que le chiffre du document interne de BP, qui s’appuie sur toutes les informations confidentielles de cette entreprise!

Constatons également que si en France seul LTD parle de la marée noire, aux USA il s’agit d’une question brûlante, remettant en cause de très nombreux schémas.

Voici d’ailleurs à titre indicatif les propos de Dennis Kucinich, un autre député du Congrès américain, qui lui est bien plus intéressant.

En fait, il s’agit sans nul doute du seul député intéressant du congrès américain, et à ce titre son poids est éminemment faible, car il va de soi que dans une société où règne le profit, comme les USA ou la France…

Car Dennis Kucinich est très progressiste : il représente l’aile la plus à gauche des démocrates. S’il est personnellement contre l’avortement, il soutient le droit à l’avortement ; il a été contre la guerre en Irak, a proposé un moratoire pour la destruction des armes nucléaires…

Et il est végan ! Évidemment s’il poussait le raisonnement jusqu’au bout, il abandonnerait son poste de député du congrès pour rejoindre la bataille pour la libération animale et la libération de la Terre, mais comme le montrent ses très intéressants propos, il sait très bien ce que tout cela veut dire…

« J’apporte mon soutien à la résolution pour faire du 8 juin la journée mondiale de l’océan, mais pour ces derniers cinquante jours, et pour les six prochains mois, tous les autres jours vont être « la journée de ruine de notre océan. »

Alors que nous voudrions penser que tout cela est lié à BP, je pense que nous devons aller un peu plus loin. Nous devons comprendre que nous menons un style de vie qui n’est pas soutenable.

Il n’est pas soutenable pour nous, en tant qu’êtres humains, et il n’est pas soutenable par notre planète.

Ainsi, nous pouvons être ici à parler des océans, et nous le devons, mais monsieur le porte-parole nous devons avoir à l’esprit que nos océans reçoivent des milliards de litres de pollution : des pesticides, des métaux comme le mercure et le plomb, et des quantités massives d’engrais, de composés organiques volatiles et d’innombrables autres produits chimiques.

Même avant la catastrophe du Deepwater, cet écoulement a causé la plus grande zone morte dans le Golfe du Mexique.

Nos océans sont en train d’absorber la malfaisance des compagnies pétrolières, qui ne sont pas seulement responsables d’au moins trois grandes et différentes fuites de pétroles alors que nous sommes en train de parler, mais sont responsables d’être l’un des deux principaux contributeurs du changement climatique – et nous les subventionnons avec l’argent du contribuable.

Nos océans sont en train d’absorber la malfaisance des compagnies du charbon, l’autre principal combustible fossile contribuant au changement climatique.

Pendant des décennies, nos océans ont été nos entrepôts pour les gaz à effet de serre, qui proviennent principalement de la combustion des énergies fossiles. Le résultat est que les océans sont devenus plus acides.

Le corail est en train de mourir, les moyennes des températures sous-marines sont instables, sapant des écosystèmes entiers, et il y a des signes que nos océans ont atteint la limite.

Certaines études montrent que les océans ne seront plus capables d’absorber les gaz à effet de serre de l’atmosphère. Cela ne fait que renforcer l’urgence avec laquelle nous devons agir pour un agenda d’une énergie libre du nucléaire et de la production de CO2.

Le défi ultime qui nous incombe, défendre l’intégrité environnementale de nos océans, provient du fait que nous nous sommes dissociés de la nature.

Nous voyons la nature comme nous entourant. Nous voyons la nature comme ne faisant même pas partie de nous.

Et parce que nous évitons d’assumer notre responsabilité de protéger la création de Dieu, le prix que nous avons à payer dans le futur sera toujours plus grand : les océans qui sont empoisonnés, une planète qui est ruinée et toute la vie menacée d’extinction.

Alors, nous pouvons continuer à temporiser au sujet de ce qui se passe dans le Golfe, mais le fait est que tôt ou tard nous devons en arriver à faire les comptes au sujet du type d’énergie que nous employons, des dommages que cela créé à l’environnement, à la race humaine et toute autre vite sur cette planète. »

Il est terrible de voir que ces propos tenus par un député du Congrès, vont bien plus loin que pratiquement tous les discours sur la nature que l’on peut trouver en France !

Il y a ici une honte terrible par rapport aux exigences qui se posent par rapport à Gaïa ! Que les partis institutionnels ou conservateurs s’en moquent, c’est dans l’ordre des choses, mais quelle honte pour les gens qui affirment vouloir la révolution, ou encore défendent le véganisme comme mode de vie !

Gaïa est en train d’être assassinée, et pourtant cela ne semble former pour ces gens qu’un arrière-plan sans valeur… Il est évident que la condamnation faite par les générations futures sera sans appel !

Et c’est justement dans ce cadre qu’il faut comprendre la position de Silvia Gaus, biologiste du parc national de la mer des Wadden en Allemagne.

Selon elle, seulement 1% des oiseaux mazoutés qui sont soignés vont survivre, à moyen terme. Tous les autres mourront en souffrant en raison des conséquences du mazoutage, à quoi s’ajoute le stress des soins et l’impact des produits employés, qui sont à base de charbon comme le Pepto Bismol.

La mort d’un oiseau mazouté qui a été traité se déroule dans les sept jours, et elle est très douloureuse. D’où le point de vue de Silvia Gauss ; il faut aider les animaux mazoutés à mourir sans souffrance.

Ce point de vue est terrible, mais il révèle une réalité très éloignée des images « idylliques » des animaux relâchés. Ces images sont symboliquement belles, elles ne doivent toutefois pas nous leurrer sur l’écocide en cours…

Et soulignons ce fait : cet écocide n’est qu’un début.

Rien que par le fait que lorsque Obama, suite à la catastrophe du Deepwater, a déposé un moratoire de six mois sur les forages en mer, 32 compagnies pétrolières sont allées au tribunal et viennent de gagner.

Un élu américain, Joe Barton, s’est même excusé auprès de BP de la demande par Obama de 20 milliards de dollars pour dédommager les victimes (humaines) de la marée noire :

« J’ai honte de ce qui s’est passé hier à la Maison Blanche, a-t-il déclaré. Je pense que c’est une tragédie de première ampleur qu’une entreprise privée soit soumise à ce que j’appellerais un racket. »

Evidemment, pour la galerie, ce Joe Barton s’est rétracté : « Je m’excuse d’avoir utilisé l’expression «racket» en parlant de ce qui s’est passé hier à la Maison Blanche, et je rétracte mes excuses à BP. »

Car comme l’a révélé le Washington Post, 30 personnes membres de la commission parlementaire de surveillance des activités du gaz et du pétrole ont elles-mêmes investi jusqu’à 14.5 millions de dollars dans les sociétés concernées…

Les faits sont là : les assassins en quête de profit travaillent 24 heures sur 24 à la destruction de Gaïa. Il faut inversement être à la hauteur… pour la défense sans compromis de Gaïa!

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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 05:39

Ostello del pensiero - Via Assisi 6 - Torino

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La consommation des plantes psychoactives et des champignons est l'une des pratiques parmileplus ancienn les du comportement humain et diffusées.
Tout au long de son histoire évolutive, l'homme a toujours été amené à changer de différentes manières les leur état ordinaire de conscience, une tendance biologique de façon normale d'agir
innée, universelle et constante qui a toujours caractérisé ses actions.
Une de ces manières est
l'utilisation de substances psychoactives, végétales et animales.
La relation avec les espèces naturelles psychoactives remonte aux temps préhistoriques.
On pourrait faire valoir
que l'intérêt pour ces espèces correspond plus du tout, au moins initialement, pour une utilisation éventuelle
comme nourriture. Empiriquement par des expériences répétées, il a appris à distinguer les espèces
comestibles, médicinales ou toxiques, et ont également connu des changements dans l'état ordinaire de
conscience. Cette nouvelle dimension de l'être est quelque chose de nouveau, marquant la naissance de l'idée de la pensée sacrée et religieuse et le début du développement intellectuel et spirituel de l'homme.
Limitée aux plantes, qui est actuellement dans le monde sont connues et utilisées plus de 500 espèces psychoactives.
Presque toutes les cultures humaines dans toutes les régions où vous avez développé, ont découvert et utilisé un ou la plupart de ces espèces, même dans les zones où la flore est moins abondante.
Pour l'Europe, et spécifiquement pour l'Italie, il n'existe pas de données fiables sur l'utilisation traditionnelle des plantes psychoactives. Il semble que la preuve à cet égard ont été perdus ou détruits, principalement par le processus du christianisme et la disparition d provoqué par l'Inquisition.
Cet herbier, sont énumérés et décrits les espèces végétales spontanées reconnu comme psychoactives ou potentiellement présentes en Italie, en laissant ceux qui sont spécialement
cultivées à cette fin.
Les données ont été recueillies dans les monographies essentiels, y compris, le cas échéant, le texte suivant
points:
- Nom botanique
- Famille

 

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30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 08:57

images de l'émeute de Toronto pour le G20, trouvé sur indymedia Athénes

28.06.2010 23:35






















info.
 http://athens.indymedia.org/front.php3?lang=el&article_id=1187842

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28 juin 2010 1 28 /06 /juin /2010 09:14

 a bas les cadences infernales Le journaliste ellulien, Jean-Luc Porquet vient de faire paraître une édition du programme du Conseil National de la Résistance (C.N.R.) adopté le 15 mars 1944 par les chefs de la Résistance, des gaullistes aux communistes. Son titre - " Les jours heureux " - est symptomatique de cette nostalgie qu'ont les altermondialistes et une partie de la gauche en général pour le capitalisme de l'Etat-Providence des Trente Glorieuses, ce capitalisme qu'Horkheimer avait qualifié de " capitalisme d'organisation " (cf. L'éclipse de la raison) pensant de manière erronée qu'on en avait fini avec le capitalisme  et que l'on était sorti de ses contradictions par le haut [1]. Ce ne sont d'ailleurs pas seulement les altermondialistes qui sont nostalgiques  aujourd'hui de cet " âge d'or ", cela traverse aussi toute la société française,  il suffit de voir combien la figure du Général de Gaulle est aujourd'hui consensuelle chez les Français : voilà dans la crise actuelle, une figure  qui ras sure, qui symbolise le volontarisme politique et la grandeur passée de la France. Et pourtant à l'époque, De Gaulle était le mal aimé des Français, sa mise au placard après la Seconde Guerre mondiale jusqu'en 1958, la révolte de la jeunesse contre lui en 1968 et le désaveu des Français sur le referendum de 1969. Aujourd'hui encore, les psychologues et inspecteurs du travail qui se sont succédés au jeu de la chaise musicale médiatique ces derniers mois en expliquant que l'organisation post-fordiste du travail depuis les années 1980 était la cause de la souffrance et des suicides au tr avail (l'organisation du travail étant source de domination mais en rien le travail pourtant principe social médiatisant - abstrait - et coercitif en lui-même dont l'organisation du travail est une de ses formes dérivées et empiriques), ont fait en creux l'éloge nostalgique de l'organisation du travail de ces mêmes années. Ainsi d'Alain Supiot qui récemment a fait lui aussi l'élo ge de la " déclaration de Philadelphie " de 1944, espérant une meilleure répartition des tâches et des revenus en rêvant d'une démocratie économique où les humains ne soient pas ramenés à des choses quantifiées par le capitalisme qui nous considère comme des ressources pour la valorisation, comme Staline parlait de " capital humain " ou Hitler de " matériel humain ". Et pourtant ce bon temps de l'organisati on du travail était aussi dénoncé  par ceux qui écrivaient sur leurs affiches " A bas les cadences infernales " [2].  

 

 100516GLIERESweb 1486Le 16 mai 2010, sur le plateau des Gli ères, grand lieu de la Résistance en Haute-Savoie, un rassemblement de gauche a même eu lieu sous la bannière " Résistants d'hier et d'aujourd'hui ", manifestant contre la démolition du programme du CNR, avec Raymond Aubrac et Stéphane Hessel. Devant les temps durs du libéralisme économique que même la crise globale depuis 2007 n'a pas pu remettre en cause alors qu'elle semblait donner raison à la dé nonciation du capital financier, le seul rêve et le seul projet politique de la  gauche (réformiste et dite " révolutionnaire ") est de faire l'éloge du capitalisme à Papa des années 1944-1970, capitalisme redistributif et protecteur tellement aimé par la jeunesse mondiale qu'il a vu une formidable opposition contre lui en 1968. Car voilà a quoi aboutissait la " véritable démocratie économique et sociale " (J-L Porquet) installée par le CNR : grâce à la sécurité sociale, les retraites par répartition, les droits des travailleurs dans l'entreprise... c'était le compromis fordiste intégrant les travailleurs dans la consommation pour tous et la culture de masse marchandisée (cf. Christopher Lasch, Culture de masse ou culture populaire). Les fameux " acquis sociaux " étaient d'abord des compensations pour l'installation dans nos vies de la domination capitaliste à tous les étages, c'est-à-dire la séparation réifiante dans nos vies et nos activités d'individus vivants d'une puissance de travail dégagée et construite en elle-même par le rapport social capitaliste qui en avait bien besoin pour faire surgir la valeur et la survaleur. C'est donc à cette époque où la négation de la vie (qui avait déjà eu lieu dans les agencements sociaux capitali stes dont les individus dans le travail n'étaient plus que les automates sociaux) devenait enfin visible dans le surgissemen t du Spectacle. Il n'était que le résultat réel du mode de socialisation abstraite existant, l'image de l'économie déjà régnante. Au fur et à mesure que les abstractions réelles se répandaient dans nos vies désormais occupées à travailler, tout ce qui était vécu s'éloignait en tant que non-vie dans une représentation. 

 

 La « wertkritik » (la critique de l a valeur), critique dans l'antilibéralisme deux choses. Dans son slogan " le monde n'est pas une marchandise " on comprend pas du tout ce qu'est une marchandise  et on réduit donc ce slogan à l'idée que seulement certaines choses  dans la vie ne devraient pas devenir des marchandises (l'éducation, la santé, l'eau, etc.), mais le reste des biens oui bien sûr. Cela va de soi. De plus l'antilibéralisme comprend très mal le libéralisme, son retour musclé depuis 40 ans n'est pas seulement une offensive, il est surtout une fuite en avant pour racler les fonds de tiroir à mesure que la crise de la valeur (qui est passée sous silence) s'étend. Ne s'opposant pas au travail, à la marchandise, à la valeur, au fétichisme, l'antilibéralisme n’a rien du tout d’un anticapitalisme. Son analyse est faussée, comme celle de la gauche et de l'extrême-gauche, leur vision et leur propositions sont toujours immanentes à la société moderne.  

 

 On peut dire que pratiquement à partir de 1945, il n’y en effet a que deux options dans le capitalisme. Une option évidemment d’étatisme modéré, et c’est le keynésianisme, et la perspective d’un marché plus  ou moins radical, c’est le libéralisme. Le mot même d’antilibéralisme, veut dire d’une certaine manière que l’on veut prendre simplement l’autre dilemme, c’est-à-dire évidemment le keynésianisme. C’est vrai qu’il y a un c ertain flou dans le mot libéral qui en plus dépend du contexte, le libéralisme est évidemment né d’abord comme une revendication pour des libertés in dividuelles souvent avec une nuance anticléricale ou contre un certaine injustice royale (comme dans la déclaration des droits américaine en 1776), en ce sens là surtout au 19ème siècle, encore plus dans les pays anglo-saxons, les libéraux sont opposés aux conservateurs. C’est aussi essentiellement le sens que l’on retrouve chez Tocqueville. Et c’est peu à peu que le sens du mot libéral c’est peu à peu déplacé vers plutôt le « laisser faire » en économie, même si ces deux choses ne peuvent évidemment pas être disjointes. On peut voir là-dessus les analyses que fait Jean-Claude Michéa qui  montre que l’on ne peut pas avoir une forme de libéralisme sans l’autre [3]. La droite a toujours voulu le libéralisme économique sans le libéralisme politique et la gauche a voulu avoir le libéralisme politique sans le libéralisme économique. En vérité il y a toujours derrière de toute manière, cette idée d'un individu détaché de tous liens et à qui tout est permis dans certaines mesures.

 

1968-mai-a-bas-les-cadences-infernalesSi cette période des Trente Glorieuses avec cette capacité à redistribuer (par la constitution d’une protection sociale et une consommation de masse), c’est simplement parce qu’à ce moment la croissance économique était telle que la valorisation était suffisante pour le permettre. Pour peu que l’élévation de la productivité du travail soit supérieure à l’augmentation des revenus salariaux, les tensions entre la consommation et l'accumulation du capital peuvent être résolues ou trouver des solutions temporaires. Lorsque la croissance de la production (de produits et de valeurs) est forte et régulière, le salaire indirect (la protection sociale) peut lui-même croître de façon notable et, d’une certaine façon, la subordination pesante des travailleurs dans le procès de production est en partie compensée par l’élargissement de la sphère de la consommation et l’instauration d’un minimum de sécurité dans l’existence (face à la maladie, l’accident, la retraite). Ce régime de travail et d’accumulation, qualifié en général de fordiste, connaît une longue phase de prospérité (plusieurs décennies) après 1945, parce qu’il bénéficie de facteurs tout à fait favorables. Mais tout cela n’a qu’un temps et à partir des années soixante-dix, la dynamique de la croissance cède la place à des tendances économiques à la stagnation ou à la dépression.  

 

Mais on ne peut oublier que la société fétichiste est la soumission de tous au procès social de la valeur pour la valeur. Et que la politique, l'interventionnisme comme l'on dit de l'Etat dans l'économie, n'est possible qu'en tant que saignée (fiscalité redistributrice) sur le processus de valorisation. La politique ne s'oppose en rien à l'économique, on ne peut prendre la politique pour ce qu'elle se donne c'est-à-dire l'organisation consciente de la société, alors qu'elle n'est que le sous-système immanent à la société constituée par cette forme de médiation sociale qu'est la valeur (cf. Postone, Temps, travail et domination sociale). Pendant ces années on a d'abord fait une expansion jamais vue avant, surtout grâce à l’automobile, à l’électroménager, à d’autres produits, qui ont permis donc une expansion de la production à un degré jamais vu. En transformant par exemple un produit de luxe comme l’automobile en un produit courant. Donc tout cela à pu tenir pour une période qui est finalement brève en termes historiques, parce qu’il y avait une série de facteurs qui allaient dans le même sens, évidemment la grande reconstruction de l’Europe détruite, cela permettait des investissements énormes ; de plus ce capitalisme des Trente Glorieuses était peut-être limité à une dizaine de pays, faisant des échanges évidemment très inégaux avec le reste du monde. Et ces taux de croissance très élevés ont permis de distribuer une partie de ces gains supplémentaires pour acheter la paix sociale en distribuant un pouvoir d’achat supplémentaire. On peut se rappeller quand même après 1945 les appels du PCF et de la CGT pour mettre les Français au travail, il fallait se retrousser les manches, et mettre les bouchées double dans le surtravail. Avec l’antilibéralisme qui comme on le voit se fonde sur le programme du CNR, on se propose simplement de remonter en arrière le cours du temps et de retourner essentiellement à la situation fordiste-keynésienne des années 1960 et les Trente Glorieuses. Ce qui d’un autre côté n’est pas du tout souhaitable car c’est ce monde là qui a été insupportable et qui a provoqué le « 68 mondial », et c’était donc aussi l’époque où l’on a bâti les HLM, c’était un monde fait de nombreuses réminiscences patriarcales, c’était aussi le monde caractérisé par les grandes usines et la chaîne de montage, le « métro-boulot-dodo », etc.

 

Il est important de souligner que cette période ne s’est pas finie parce qu’il y avait une poignée de capitalistes ultra-avides qui ne se contentaient plus de leurs profits et qu’ils ont cassé ce compromis là pour augmenter l’exploitation. Parce cette espèce de théorie de la conspiration existe beaucoup dans le milieu altermondialiste, il y a par exemple des analyses qui insistent beaucoup sur le travail déjà commencé entre les deux guerres par les ultra-libéraux, par la Société du Mont Pèlerin, on insiste sur le fait que ces personnes là ont placé leurs représentants dans toutes les hautes sphères de décision pour finalement pouvoir infléchir les politiques officielles. Pierre Bourdieu n’est pas étranger à cette explication qui essentiellement réduit le fonctionnement de la machine capitaliste à la bonne ou mauvaise volonté de certaines personnes.

Cependant, du fait de l'énorme accroissement de la productivité (automation, etc.) il y avait simplement le fait que les mécanismes de la compensation de la chute du taux de profit ne suffisait plus (développement de la consommation intérieur en créant le consommateur de masse qu'était le travailleur de l'époque fordiste-keynésienne), et donc qu’il y avait une forte diminution des taux de profit à partir de la fin des années 1960. Ce qui en effet a été aggravé par la vague de luttes ouvrières de l’époque à qui l’on a fait des concessions sur le plan salarial en France par exemple avec les Accords de Grenelle en 1968. Mais on ne peut pas dire que cela a été essentiel comme le présente toutes les théories autour de la revue « Multitudes ». Pour les négristes [partisans des théories d’Antonio Negri] [4] et d'une certaine manière comme chez les gauchistes et leur révolte subjectiviste, d’une certaine manière il n’existe en effet pas de détermination objective, tout est une question de forces, à un moment ou l’autre il y en a certaines qui prévalent, et qui prévalent parce qu’elles ont fait de bonnes ou de mauvaises alliances. Antonio Negri va peut-être pas jusque là, mais finalement ces théories rejoignent les conceptions maoïstes où ce sont les génies qui font l’histoire, ce sont les chefs de la classe ouvrière qui savent bien mettre leurs pions donc ils peuvent faire triompher la classe ouvrière.

 

 On peut penser qu'il y a très peu à sauver dans ce monde là. En plus, avec cette nostalgie pour l'époque keynésienne-fordiste du capitalisme l’on reste dans une optique totalement capitaliste, avec des personnes qui sont complètement asservies dans leur but de vie au travail salarié. Et cela ne peut seulement paraître désirable aujourd’hui que parce que d’une certaine manière nous sommes plus encore soumis à la logique économique alors qu’avant on en retiré une certaine gratification. Mais finalement revendiquer de retourner à l’époque keynésienne, c’est simplement la revendication des esclaves modernes qui veulent bien être esclaves mais qu’au moins ils en retirent une vie meilleure. Ce qui n'est plus possible quand le capitalisme va mal, et il nous le fait savoir en nous retirant toutes les compensations possibles. Bien sûr que dans la crise du capitalisme, les tours de vis s'accélèrent car il faut racler les tiroirs et allonger le temps de surtravail pour dégager de la survaleur à mesure que le gâteau de la valeur au niveau social global s'amenuise et permettre aussi le versement de salaires différés comme en France (retraites par répartition ; la crise s'accompagne d'un effet démographique dans notre pays), ou en éliminant le travail carrément, en le remplaçant par des machines ou en le délocalisant. Cependant cette exploitation ne se combat pas sur le terrain de la valorisation et de l'affirmation du travail où nous seront toujours déjà perdants car nous y sommes déjà des morts-vivants. L'offensive capitaliste actuelle est en réalité une folle fuite en avant  pour improbablement résorber la crise du travail abstrait, la crise de la valeur, en tant que devenir visible des contradictions fondamentales du mouvement du capital dans son rapport social débouchant sur la volonté de toujours plus de valeur. Si l'on suit Robert Kurz, d'un côté on est plus concurrent en éliminant la dépense du travail abstrait, mais pourtant la valeur et donc la survaleur au niveau social global, restent une objectivation dans sa dimension temporelle du travail en tant que lien social aliéné. Eliminer le travail par une automatisation du processus de production, peut aider à gagner la bataille de la concurrence, mais la masse globale de la valeur au niveau de l'ensemble se réduit toujours plus, tandis que pour compenser une valeur plus faible incorporée dans chaque marchandise du fait de l'accélération de la productivité, il faut déployer une production de masse pour ne pas y perdre, et cela ne peut se faire qu'en consommant toujours plus les ressources naturelles qui ne sont pas inépuisables. Le capitalisme va a sa perte. C'est une crise globale que provoquent les contradictions de la valorisation. Tous les mécanismes de compensation au niveau global qui pouvaient marcher pendant plusieurs décennies (consommation intérieure totale, création de nouveaux débouchés, création de nouveaux produits, développement avec la publicité de la dimension symbolique de marchandises toujours plus pauvre en valeur d'usage, etc.) ne sont plus suffisants. Le capitalisme marche déjà au dessus du vide, sur une corde toujours plus fine et sans filet, obligé de consommer une croissance future qui n'arrive plus, en se mettant de manière permanente sous la perfusion de crédits débouchant finalement sur des bulles qui explosent les unes après les autres [5]. On passe de bulle en bulle, et déjà une nouvelle bulle est gonflée à coups de crédits, développant plus encore les ampleurs des crises futures et leur caractère explosif. Il est temps de réfléchir à une sortie de l'économie, car le capitalisme s'effondre et nous serons enfouis sous ses ruines si nous ne nous y attelons pas.    

 

Être exploité aujourd'hui est carrément un privilège, mais ne pas travailler, c'est perdre ce que nous avons dans notre poche : notre puissance sociale et notre connectivité aux autres réduits eux-aussi à des rouages qui simultanément nous instrumentalisent et que nous instrumentalisons (chaque individu est le moyen pour un autre individu d'obtenir sa connectivité sociale sous la forme dérivée du travail abstrait : l'argent). Qui ne travaille pas ne mange pas. Pourtant  pour se sortir de l'absurdité du monde tel qu'il ne va pas, ce n'est pas le travail qu'il faut libérer du capital, car le travail en tant que tel et tel que nous le connaissons tous et toutes, n'est pas une activité neutre, naturelle et tranhistorique, on ne saurait le naturaliser en pensant qu'il n'est finalement que la forme éternelle de la transformation de la nature (métabolisme avec la nature), qu'il serait finalement un socle hétérogène au capital à partir duquel on pourrait s'émanciper socialement en l'affirmant comme principe sain. Il n'a rien à voir avec le fait que les humains transforment la nature et sont en relation les uns avec les autres de manière active et concrète. En quelque sorte, pour se libérer du travail, il faut repenser une théorie critique du travail en le comprenant comme forme de médiation sociale historiquement spécifique seulement à l'époque capitaliste, et inventer alors d'autres socialisations moins mutilantes [6].  

 

Un Ami de JUNIUS.

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27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 06:28

lu sur ce blog

Scholz et la " dissociation-valeur " »

femme-copie-1.JPG
Depuis quelques années, les écrits du courant dit de la « critique de la valeur » ont commencé à circuler en France, grâce aux premières traductions de l’allemand et de l’anglais (1) et aux premiers essais en français (2). Ce courant de pensée radicale se développe en Allemagne depuis vingt ans avec de nombreux livres et les revues Krisis (depuis 2004) et Exit !. Une relecture de Karl Marx l’a amenée à élaborer une critique sociale contemporaine basée sur la mise en question de la valeur, de la marchandise, de l’argent, du travail et de l’État. L’auteur le plus connu de la critique de la valeur, Robert Kurz, a examiné dans son oeuvre  principale, " Schwarzbuch Kapitalismus. Ein Abgesang auf die Marktwirtschaft " (Le Livre noir du capitalisme. Chant funèbre pour l’économie de marché) (Eichborn, Francfort, 1999) l’histoire du capitalisme en tant qu’attaque systématique des bases de la vie humaine. La première partie de ce livre de 800 pages analyse, entre autres choses, la mise en place de l’idéologie libérale dans le contexte des Lumières, qui apparaissent alors sous un jour peu favorable aux projets d’émancipation. Nous donnons ici la traduction (due à Gérard Briche) d’un chapitre consacré au marquis de Sade (« La femme comme chienne de l’homme ») : il ne résume pas seulement certains des thèmes centraux de la critique de la valeur, mais il ouvre également une perspective critique sur un auteur – Sade – qui jouit aujourd’hui d’une réputation trop rarement questionnée. Dans la continuité de ce texte, l’essai d’Anselm Jappe « Sade, prochain de qui ? » a pour objet le culte de Sade. En prolongeant les réflexions de Robert Kurz, il s’engage à démontrer que Sade était moins un auteur « subversif » qu’un prophète du capitalisme contemporain. La critique de la valeur a fait, dans son évolution, un pas décisif pour l’abandon de toute théorie simplement « objectiviste » avec l’élaboration de la théorie de la Wertabspaltung. Ce concept (qu’on peut traduire en français par « scission-valeur » ou « dissociation-valeur ») affirme que la société de la valeur et de la marchandise est fondée sur une scission préalable, et essentielle, entre ce qui appartient à la sphère de la production de la valeur et ce qui en est exclu, tout en en formant la présupposition muette, et que cette scission recoupe historiquement celle entre l’homme (travail, sphère publique) et la femme (foyer, sphère privée). Cet élargissement de la théorie marxienne, qui va au-delà du féminisme tout en englobant ses apports fondamentaux, a été annoncé d’abord par Roswitha Scholz en 1992 avec un essai paru dans Krisis et intitulé « C’est la valeur qui fait l’homme ». Ensuite, Roswitha Scholz a élaboré cette théorie dans les livres " Das Geschlecht des Kapitalismus. Feministische Theorie und die postmoderne Metamorphose des Patriarchats " ( "Le sexe du capitalisme. La théorie féministe et la métamorphose postmoderne du patriarcat ") (Horlemann, Bad Honnef 2000) et " Differenzen der Krise – Krise der Differenzen. Die neue Gesellschaftskritik im globalen Zeitalter und der Zusammenhang von « Rasse », Klasse, Geschlecht und postmoderner Individualisierung " ( " Différences dans la crise – La crise des différences. La nouvelle critique sociale à l’époque globale et le lien entre la « race », la classe, le sexe et l’individualisme postmoderne ") (Horlemann, Bad Honnef 2005). Nous donnons ici la traduction (due à Johannes Vogele) du premier chapitre de " Le Sexe du capitalisme  " (« Remarques sur les notions de “valeur” et de “dissociationvaleur” »). Enfin, Johannes Vogele a résumé, dans son essai « Le côté obscur du capital. “Masculinité” et “féminité” comme piliers de la modernité », les points essentiels de la théorie de la valeur-scission sans passer par la médiation, parfois difficile, d’une traduction de l’allemand. L’ensemble de ce dossier a été préparé par Gérard Briche, Anselm Jappe, Wolfgang Kukulies, Luc Mercier et Johannes  Vogele.

roswitha scholz


Notes :

(1) Voir le " Manifeste contre le travail  " du Groupe Krisis, Lignes, 2002, UGE 10/18, 2004 ; les livres de Robert Kurz : " Lire Marx ", La Balustrade, 2002 ; " Les Habits neuf de l’Empire. Remarques sur Negri, Hardt et Rufin ", Lignes, 2003 (avec Anselm Jappe) ; " Avis aux naufragés. Chroniques du capitalisme mondialisé en crise ", Lignes, 2005 ; " Critique de la démocratie balistique ", Mille-et-une Nuits, 2006 ; et Moishe Postone : " Marx est-il devenu muet ? ", L’Aube, 2003.
(2) Pour une présentation systématique de la critique de la valeur en français, voir Anselm
Jappe, " Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur ", Paris, Denoël, 2003.


logo-pdf.png Voir le Fichier : DossierCritiq_valeurIllusio.pdf











Quelques textes de présentation de la critique de la va

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