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La tyrannie la plus redoutable n'est pas celle qui prend figure d'arbitraire, c'est celle qui nous vient couverte du masque de la légalité." Albert Libertad

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le blog du laboratoire anarchiste

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10 mai 2011 2 10 /05 /mai /2011 07:36

Ecologisti bloccano treno carico di scorie 

 

un peu d'histoire tout de même, l'action de février ( pneus enflammés sur la voie) a réllement bloqué pendant 4 heures le train de déchets nucléaire .

 

Il y avait des minutes de haute tension dans la nuit de dimanche à lundi la gare d'Avignon, dans la province de Turin. Il était plus de 200 manifestants qui protestent ont tenté (en vain) d'arrêter un train en transit des déchets radioactifs dans les voitures. Le train se dirigeait vers la France. Les manifestants ont commencé leur protestation à 04heure, mais à 05 heures, lorsque des hommes et des femmes assis sur les pistes, pour les remplir, la police a dû intervenir. Les occupants de la voie ferrée ont été retirésde la voie. Personne n'a été blessé dans la mêlée »et personne ne semble avoir été arrêté par la police.
 
Le convoi est ensuite passée à travers la station régulièrement Avigliana peu après 5, avant les manifestants ont scandé des slogans d'une voix forte contre l'énergie nucléaire. Cette nuit dernière n'était que la deuxième des huit trains de transfert des déchets sur le site de Vercelli Saluggia à la France. Le premier convoi était passé dans la vallée de Susa, en Février et aussi à ce moment-là que les manifestants ont essayé de l'arrêter. Un avertissement officiel contre le passage des trains chargés de déchets nucléaires a été présenté par le gropuscule Legambiente pour le président de la Région Piémont et le Bureau du maire de Turin. Selon la mise en demeure n'est pas conforme à la loi régionale qui est nécessaire d' informer les gens des localités à travers laquelle les convois des plans d'urgence et les mesures de protection de la santé.

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10 mai 2011 2 10 /05 /mai /2011 00:16
A l'émission radio Labo  du 9 mai on a passé l'inteview des "4acg". pour l'écouter entièrement c'est ici
Rencontre avec les élèves du lycée polyvalent rive gauche du Mirail à Toulouse, le 21 janvier 2011

C’est au cours d’un meeting contre l’islamophobie, à Toulouse, en octobre 2010, qu’une enseignante du lycée saisit l’intérêt que pourrait avoir une rencontre d’anciens soldats de la guerre d’Algérie et de réfractaires à cette guerre, avec ses élèves de terminale, dont un certain nombre sont d’origine nord-africaine. Dans l’enseignement de l’histoire, la guerre d’Algérie occupe une place importante, que confirme l’évolution des sociétés ex-coloniales et ex-colonisées.

Le déroulement de cette rencontre avait été bien préparé par cette enseignante, ses deux collègues et leurs élèves, et il nous a semblé que l’objectif avait été atteint ; mais ce sont les cours à venir, avec les débats qui les accompagneront qui confirmeront cette impression. Le temps nous a semblé un peu court pour les uns qui témoignent, et pour ceux qui réfléchissent en écoutant !

Mme Patricia Quinsac, professeur de lettres, a invité trois anciens combattants de la guerre d’Algérie (1954/1962) : Gérard Kihn, Jacques Carbonnel et Georges Garié, qui militent au sein de l’association « 4acg », ainsi que Robert Siméon-Cadot, membre de l’association « Réfractaires non violents à la guerre d’Algérie ».

Le vendredi 21 janvier à 8 heures, la salle polyvalente accueille élèves et témoins, ainsi que deux autres professeurs du lycée. Participaient également deux radios locales, Canal-Sud de Toulouse et La locale de Saint-Girons. Marie Hélène Roques, scénariste, et Isabelle Millé, réalisatrice et productrice de Films Sud sont aussi présentes dans le cadre d’un projet de film sur « Les Passeurs de mémoire ».

Deux élèves se relaient pour présenter les intervenants et les remercier de leur présence. Le débat portait sur cinq thèmes.

Deux jeunes filles d’origine maghrébine abordent le premier thème :

Pourquoi la guerre d’Algérie ?

Rappelant la différence de statut entre indigènes et colons depuis l’arrivée des troupes française en 1830, les diverses phases de soulèvements réprimés depuis cette date, la participation des Africains aux côtés des Français pendant les deux guerres mondiales, le massacre de Sétif, l’organisation de mouvements politiques et syndicaux au sein de la population algérienne, les intervenants à tour de rôle ont développé ces données essentielles sur le pourquoi de cette guerre.

Les Algériens dans la guerre

Certains intervenants ont fait part des relations qu’ils avaient eues avec les Algériens avant la guerre, d’autres ont dit la découverte de ce peuple à l’occasion de leur arrivée sur le sol algérien alors qu’ils étaient appelés du contingent.

Les sentiments ressentis par les soldats qui ont participé à cette guerre

Une jeune fille à lu le poème de Georges Garié intitulé « La corvée de bois » qui a été l’occasion de préciser en quoi consistait cette corvée et qui a permis à chaque témoin d’évoquer les interrogatoires, les tortures, les liquidations physiques, les égorgements et toutes les horreur de la guerre quand la peur, la vengeance et la haine remplacent les valeurs humaines et la raison.

La question des déserteurs et réfractaires

Interrogé sur son parcours particulier, Robert a décrit ce qui avait été son engagement contre la guerre avec l’Action civique non violente, sa réflexion très jeune sur la dignité de l’homme, la condamnation qui l’a frappé en tant que réfractaire et la détérioration de ses relations familiales qui l’ont durement touché.

Le silence de tous les participants à ce conflit

Deux élèves ont posé la question de savoir pourquoi nous n’avions pas parlé de cette guerre à notre entourage . Les trois intervenants ayant participé aux combats, ont confirmé le sentiment de gâchis qu’inspirait cette guerre, leur souhait de retrouver la vie civile plus saine psychologiquement. Devant l’indifférence de leurs concitoyens, ils ont préféré se taire en précisant qu’ils ne se sentaient en aucune manière directement responsables, mais qu’avec le recul ils estimaient que le problème algérien avait été mal géré depuis ses débuts, en contradiction avec nos valeurs républicaines.

Notre présence à Toulouse fut l’occasion, l’après-midi, de participer, pendant une heure, à une émission de la radio locale avec Américo Mariani (Canal-Sud 92.2) sur le même sujet et les mêmes thèmes. L’enregistrement est disponible sur le site (http://sonsenluttes.net/spip.php ?article244) et pourra être utilement écouté pour des expériences futures.

La rencontre s’est terminée avec la lecture d’un poème de Benoîst Rey : « Chant du déshonneur » .

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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 07:41

on publie cette information car elle indique l'engagement des AMAP contre le fatalisme nucléaire

À l’occasion de Fest’AMAP, le samedi 14 mai 2011 à Aubagne (13), nous accueillerons des témoins importants du drame de Fukushima.

Si les AMAP défendent depuis 10 ans une agriculture nourricière, diversifiée, à taille humaine, et sans pesticides de synthèse, le drame de Fukushima nous interroge aussi sur la compatibilité de toutes activités agricoles avec une énergie nucléaire.

C’est au Japon dans les années 60, que des mères de familles, s’inquiétant de voir l’agriculture s’industrialiser avec un recours massif aux produits chimiques, fondent les premiers teikei (提携, signifiant en japonais « coopération ou collaboration »). Les AMAP fleurissent 40 ans plus tard, et héritent de cette idée de partenariat solidaire entre producteurs et consomm’acteurs.

Le mouvement des AMAP partage le deuil et la colère du peuple japonais, face à la catastrophe nucléaire de Fukushima. Écoutons les témoignages de Toshihide KAMEDA et de Shinpei MURAKAMI. Ce sont tous les deux des fermiers installés sur des terres qui sont dans une zone déclarée zone d’évacuation. Ils ont décidé de venir en France à l’initiative de Hiroko AMEMIYA qui leur a proposé de rencontrer des agriculteurs en particulier en Bretagne.

Leur projet prévoit la création de nouvelles communautés d’échanges aussi bien au Japon dans les régions non sinistrées qu’en Bretagne, région que Hiroko connaît bien. Les paysans qui doivent se délocaliser pourront ainsi reconstruire leur vie entourés de fermiers et de citoyens sans frontières.

Ces communautés ou ces fermes d’échanges promouvront une agriculture saine et des relations humaines qui sont au cœur du système Teikei et qui ont été développées dans les AMAP.

La participation à cet évènement que représente ce témoignage important est ouverte à tous. Il suivra une journée d’ateliers et d’échanges, et précèdera une grande anchoïade et un Baletti.

Vous trouverez des informations complètes sur cette rencontre sur allianceprovence.org

- Hiroko AMEMIYA, anthropologue et auteure de l’ouvrage Du teikei aux AMAP – le renouveau de la vente directe de produits locaux, elle vit au Japon depuis 2008 et travaille à l’Institut français de recherche sur le Japon contemporain (UMIFRE CNRS MAEE n°19) de Tokyo (Maison franco japonaise).

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  Hiroko AMEMIYA est anthropologue et auteure de l’ouvrage « Du teikei aux AMAP – le renouveau de la vente directe de produits locaux ». Elle vit au Japon depuis 2008 et travaille à l’Institut français de recherche sur le Japon contemporain de Tokyo ( Maison franco japonaise). Membre du réseau international Urgenci.

- Toshihide KAMEDA est paysan et père de trois enfants. Il était installé à Minami Soma et a dû quitter sa ferme : il est depuis 2004 président de la confédération des paysans de Fukushima (Nôminren, affiliée à Via Campesina) qu’il a cofondé il y a 20 ans. La famille de sa petite sœur a été sinistrée par le tsunami. Avec eux, ils sont onze à devoir reconstruire leur vie dans un nouveau lieu.

- Shinpei MURAKAMI est aussi paysan, père de trois enfants. Il était installé à Iitaté depuis 9 ans et suite à la catastrophe, a déjà évacué avec sa famille dans le "sud" du Japon grâce à la coopérative Ainô. Il pratique la méthode de d’agriculture naturelle et l’a diffusée pendant plusieurs années en Thaïlande où il était coopérant.

- Marc HUMBERT est économiste et directeur de l’Institut français de recherche sur le Japon contemporain à la Maison franco-japonaise de Tokyo (CNRS-MAEE). Il est aussi Vice-Président, président du conseil scientifique de PEKEA, Political and Ethical Knowledge in Economic Activities. Membre d’Urgenci.

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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 07:18

lu sur le silence qui parle

“Je me suis toujours senti empiriste, c’est-à-dire pluraliste / Gilles Deleuze


Le mouvement de Seattle avait ouvert la possibilité d’une politique de la multiplicité. Le succès du livre de Negri et Hardt, Multitude (1), est sûrement lié à cette direction qu’il indiquait, non sans ambiguïté : sortir du concept de peuple en tant que catégorie qui présuppose et vise l’ “un”, en revendiquant, en même temps, une fondation marxiste de ce passage. Faut-il comprendre que le marxisme est une philosophie de la multitude ? Que le concept de classe est une catégorie de la multiplicité ? Pour Paolo Virno, le concept de classe est sans aucune hésitation synonyme de multitude (2). Pour Toni Negri, le concept de multitude doit réactualiser le projet marxien de lutte de classe, de façon qu’il soit possible d’affirmer : “la multitude est un concept de classe”. L’action des forces politiques et syndicales qui se réclament du marxisme nous rappellent pourtant que les catégories de classe (mais aussi de capital, de travail, etc.) sont des catégories ontologiques, et non simplement socio-économiques, qui fonctionnent et qui ont du sens seulement en rapport à la “totalité”. Ces concepts impliquent des modalités d’action qui privilégient toujours le tout contre la multiplicité, l’universalité contre la singularité. La tradition politique occidentale s’est constituée comme politique de la totalité et de l’universalité. Le marxisme, même lorsqu’il se voulait une critique radicale, n’a pas su créer les conditions théoriques, ni pratiques, pour sortir de cette logique. Au contraire, il a souvent, pour ne pas dire toujours, amplifié cette aspiration au tout et à l’universel.
Il y a là un problème théorico-politique fondamental : je suis convaincu qu’une reprise de l’initiative politique et le développement de mouvements ne pourront se faire que sur la base d’une politique de la multiplicité. Le référendum sur la Constitution européenne a encore une fois démontré que, pour les forces politiques et syndicales d’orientation marxiste, qu’elles soient réformistes ou révolutionnaires, l’appel à un espace de souveraineté où pouvoir construire des “touts”, soi-disant “absolus et complets” (qu’il s’agisse du peuple, de l’État nation, de la classe), semble irrésistible. Cette volonté de conduire une singularité à se dépasser vers la totalité et l’universel se répétant systématiquement dans l’histoire du marxisme, elle doit avoir des racines profondes dans sa théorie. Le marxisme contemporain contribue largement à produire un autre blocage fondamental sur le développement des mouvements politiques : en se limitant à défendre les “acquis”, il abandonne la gestion de “l'innovation” aux patrons et à l’État. Il me semble qu’une théorie de la “production du nouveau” est ce qui fait terriblement défaut à une politique marxiste. Les deux problèmes - la composition et la disjonction des singularités et la production de nouveauté - sont strictement imbriqués et renvoient à l’ontologie de la relation chez Marx lui-même : c’est ce que nous allons essayer d’analyser en partant de la philosophie de la multiplicité qui lui est pratiquement contemporaine.

Les relations sont-elles intérieures ou extérieures aux termes ?
Gilles Deleuze et Félix Guattari, dans leur dernier livre, Qu’est-ce que la philosophie ? (3), nous rappellent qu’au tournant du siècle dernier, le socialisme et le pragmatisme, le prolétaire et l’émigrant, incarnent deux manières différentes d’appréhender et de pratiquer la “nouvelle société des frères et des camarades”. Nous allons accepter la petite provocation deleuzienne qui met sur le même plan pragmatisme et socialisme, car elle nous permet de nous confronter à l’héritage hégélien du marxisme et aux ravages qu’il a provoqués, et qu’il continue de provoquer, dans les mouvements politiques.
La question que pose le pragmatisme semble n’avoir que des implications philosophiques : “il s’agit de savoir si toutes les relations possibles d’un être avec les autres sont primitivement renfermées dans sa nature intrinsèque et rentrent dans son essence” (4). En réalité, la “grande question de savoir si des relations sont possibles” a une importante portée politique. La théorie de l’extériorité des relations implique que les relations soient largement indépendantes des termes qui les effectuent, et que les termes puissent avoir de multiples relations à la fois. Il s’agit pour les termes de pouvoir être en même temps dans un système et dans un autre, de pouvoir changer certaines de leurs relations sans les changer toutes. C’est autour de l’existence des relations externes aux termes, de l’indépendance des termes et des relations par rapport à la totalité, que se joue la possibilité ou l’impossibilité d’une politique de la multiplicité (ou de la multitude). Cette théorie des relations extérieures, “flottantes” et “variées”, nous fait sortir de l’univers de la totalité pour entrer dans le monde du pluralisme et de la singularité où les conjonctions et les disjonctions entre les choses sont à chaque fois contingentes, spécifiques, particulières et ne renvoient à aucune essence, substance ou structure profonde qui les fonderaient.
La philosophie de Marx, tout en étant une théorie des rapports, nie la possibilité des relations extérieures. Comme dans la tradition idéaliste et rationaliste, les rapports sont appréhendés à partir de la différence entre essence et phénomène. Pour Marx, l’individu n’est qu’un fait empirique, un phénomène. Ce qui est réel ce n’est pas l’individu empirique, le singulier, le particulier, c’est-à-dire le terme, mais l’individu social, et donc les relations dans lesquelles l’individu est pris. Pour saisir le réel, il faut remonter à l’essence qui est constituée par l’ensemble des “rapports sociaux”. Le savoir immédiat et empirique se concentre sur les “particuliers”. C’est un savoir phénoménal qui fait abstraction de leurs liaisons, de leurs rapports. La théorie révolutionnaire, au contraire, sans négliger les particuliers, doit les élever jusqu’au “tout” dans lequel ils ont leur liaison. Le fait empirique, l’individu, l’immédiat, sont des abstraits. Ce qui est concret est la “totalité” des relations, dans laquelle l’individu, le fait, l’empirique, existent.
Le philosophe italien Giovanni Gentile nous fait remarquer, dans un texte sur la philosophie de Marx de 1899 (5), encore inégalé par sa clarté et sa précision, que jusqu’ici il n’y a que du Hegel. La seule différence avec la philosophie hégélienne est que les relations ne sont pas le fait de la pensée, mais de l’activité humaine sensible. L’unité et la totalité, la liaison entre les choses ne sont pas le résultat de la “praxis” de l’idée, mais de la “praxis” du sensible. Cette dernière étant un faire aliéné, le tout, la totalité ou l’entier sont constitués non pas par “l’ensemble de rapports sociaux”, mais par les rapports de production (la relation capital-travail). Si, dans la philosophie de Hegel, c’est la puissance d’unification de l’idée qui “subsume” le monde, chez Marx, c’est la puissance de la relation capital-travail qui l’unifie et le subordonne à sa logique. Étienne Balibar, quant à lui, donne une interprétation de l’ontologie de la relation chez Marx qui ne renvoie pas à la totalité, mais à l’indétermination du “transindividuel” (6). Sans entrer dans une discussion philologique, nous pouvons affirmer, que, quelle que soit sa portée théorique, ce n’est sûrement pas cette ontologie de la relation qui a été au fondement de la pratique théorique et politique de la tradition communiste.
Si l’on veut trouver le fondement théorique d’une pensée qui a profondément influencé la politique dans le siècle qui vient de s’achever, il faut certainement se tourner vers Histoire et conscience de classe de Lukács, qui affiche la prétention de traduire les acquis politiques de la révolution soviétique en enjeux théoriques et de les jouer contre les “antinomies de la pensée bourgeoise”. Dans ce livre formidable pour sa cohérence et sa fidélité à la pensée philosophique de Marx, les concepts de “totalité”, de “tout” et “d’entier” reviennent comme des ritournelles. Selon Lukács, le marxisme doit saisir avec “clarté et précision” la différence entre l’existence empirique des faits et leur “noyau structurel interne”, c’est-à-dire leur essence. De ce point de vue, Lukács suit très précisément la pensée de Marx pour qui, si l’essence des choses et leur existence, en tant que phénomènes, coïncident, alors toute “science” est inutile. Pour cette méthodologie, les relations sont internes aux termes. Il n’y a pas d’extériorité, il n’y a pas d’autonomie possible, ni des termes, ni des relations : “Les éléments et les moments particuliers de la totalité contiennent la structure de l’entier, du tout” (7). Que la totalité soit une totalité divisée ne change rien à l’affaire. Le réel est relation, mais les relations renvoient à une essence, à une structure. Ainsi, les parties, les termes trouvent leur vérité et leur possibilité d’action seulement dans le rapport au tout, c’est-à-dire, dans le cas du marxisme, à la relation de Capital. Et encore, comme chez Hegel, la réalité n’est pas ce qui est, mais ce qui devient. La réalité est mouvement, tendance, évolution. Mais l’appréhension de la réalité comme processus permet seulement de découvrir l’essence du phénomène, en la réalisant. De cette manière, les devenirs, les processus n’ouvrent pas à l’indétermination de l’actualisation des relations, mais à leur mouvement ininterrompu vers la totalité (les rapports de production), vers la réalisation de l’essence (la nécessité du développement de la relation de Capital, et donc de la classe, et donc de la révolution).
Le marxisme intègre ainsi une autre condition de la politique moderne. Pour embrasser la connaissance du réel dans sa globalité et pour pouvoir agir au niveau de la totalité, il faut un sujet universel.

Le point de vue distributif et le point de vue collectif
Le pragmatisme est une longue création articulée de concepts contre cette façon de penser et d’agir à partir, et en vue, de la totalité, et contre cette façon de renvoyer les relations à quelque chose qui les fonderaient. La réalité existe-t-elle distributivement ou collectivement, se demande William James ? “Il se peut que la réalité existe sous un aspect distributif, sous l’aspect, non pas d’un tout, mais d’une série des formes ayant chacune son individualité” (8).
Dans toute son œuvre, James insiste systématiquement sur la différence entre le point de vue distributif et le point de vue collectif. Le premier s’identifie avec le pluralisme et la multiplicité, le deuxième s’identifie à la logique de la totalité et de l’universel. “Nous percevrons, je pense, de plus en plus clairement que l’existence de choses une à une est indépendante de la possibilité de les rassembler toutes à la fois, et qu’un certain nombre de faits au moins existent uniquement sous la forme distributive d’un ensemble de chacuns, de chacuns au pluriel qui, même s’ils sont en nombre infini, n’ont besoin en aucun sens intelligible soit de s’expérimenter eux-mêmes, soit d’être expérimentés par un autre être en tant que membres d’une totalité” (9).
La possibilité de penser l’univers sous la “forme chaque” (“eaches, everys, anys”) et non plus sous la forme de “l’unité collective”, la possibilité d’une doctrine qui admet la multiplicité et le pluralisme, cela “signifie simplement que les diverses parties de la réalité peuvent entretenir des relations extérieures” (10). Les relations sont ainsi libres de tout fondement, de toute substance, de toute attribution essentielle et les termes peuvent être indépendants des relations. Les choses se rapportent les unes aux autres de mille manières, mais il n’y a pas une relation qui les renferme toutes, il n’y a pas un être qui contienne tous les autres. Chaque relation n’exprime que l’un des aspects, l’une des caractéristiques ou fonctions d’une chose. Deleuze parlera à ce propos d’une “essence opératoire”, pour la distinguer du concept classique d’essence, comme ce qui se dégage d’une chose à l’issue d’un certain type d’opération et qui fait ainsi surgir une différence. “Une même chose peut appartenir à des systèmes différents” (11), elle peut entrer dans une composition, dans une unité, sans pour autant être complètement déterminée par cette unité, par cette composition.
Avant d’être une forme d’organisation politique, le fédéralisme est une modalité d’organisation de l’univers. Dans l’univers pluraliste, le fédéralisme exprime l’impossibilité de totaliser les singularités dans une unité absolue et complète, puisqu’il y a toujours quelque chose qui reste “en dehors”. “Ainsi le monde du pluralisme ressemble plutôt à une république fédérale qu’à un empire ou à un royaume. Quelque énorme portion que vous rameniez à l’unité, en la rapportant à n’importe quel centre réel de conscience ou d’action où elle se constate présente, il y a autre chose qui reste autonome, qui se constate comme absent du centre en question, et que vous n’avez pas réduit à cette unité” (12). L’existence des relations externes, variées, flottantes, rend la création possible. Dans la “forme tout”, les parties sont essentiellement co-impliquées, et leur continuité et cohésion sont assurées par la totalité. Dans la “forme chaque”, il y a des discontinuités et des disjonctions réelles et par conséquent “il y a toujours quelque chose qui échappe”, dit James. Et c’est ce qui échappe qui fait le mouvement, qui crée, qui innove. “L’existence sous une forme individuelle rend possible pour une chose d’être reliée par des choses intermédiaires à une autre avec laquelle elle n’a pas de rapports immédiats ou essentiels. Ainsi sont toujours possibles, entre les choses, de nombreux rapports qui ne sont pas nécessairement réalisés à tel moment donné” (13). Dans la théorie des relations externes, il n’y a pas d’essence, il n’y a pas de substance. Derrière les phénomènes, “il n’y a rien”, dira James. De cette façon, les relations renvoient à l’indétermination du virtuel, à la “possibilité de la nouveauté” et non à la réalisation de l’essence. Le pragmatisme croit à une réserve de possibilités étrangères à notre expérience actuelle.
Dans le marxisme, il n’y a pas une telle possibilité des créations absolues, intempestives et imprévisibles, puisqu’elles sont déjà données ou impliquées dans la structure, découlent de l’essence. Le marxisme ne peut pas avoir une théorie de la “production du nouveau”, puisque son ontologie renferme la possibilité de la nouveauté (et des sujets) dans une relation préconstituée (le capital et travail détiennent le monopole de l’invention et des processus de subjectivation).

L’union et la désunion des choses
L’ontologie pluraliste implique une nouvelle façon d’appréhender la politique, puisqu’elle décrit les modalités par lesquelles les singularités se composent et se décomposent, s’unissent et se séparent, en renvoyant à des logiques qu’on peut appeler, avec Deleuze et Guattari, majoritaires et minoritaires.
Le pluralisme ne nie pas les processus d’unification et de composition, mais en reconnaissant que les voies par lesquelles se réalise la continuité des choses sont innombrables et à chaque fois contingentes, il pose les questions suivantes : “Le monde est un : mais de quelle manière est-il un ? Quelle sorte d’unité possède-t-il ? Et quelle valeur pratique son unité a-t-elle pour nous ?” (14). Chez William James, le problème de l’unité et de la diversité ne peut être résolu par une argumentation à priori. Le monde aura juste autant d’unités, juste autant de diversités que nous en constaterons. L’empirisme formule le monde en propositions hypothétiques, le rationalisme (et le marxisme) en propositions catégoriques.
De la même manière qu’il y a une multiplicité des relations, il y a aussi une multiplicité de modalités d’unification, différents degrés d’unité, des manières hétérogènes d’être “un” et une multiplicité de manières de les réaliser. Nous pouvons avoir “une unité qui s’arrête devant des éléments ; une unité qui se fait simplement de proche en proche au lieu de se faire d’un seul coup, en bloc ; une unité qui se réduit, dans bien de cas, à une simple proximité extérieure ; une unité, enfin, qui n’est qu’un enchaînement” (15). L’humanité opère quotidiennement des processus d’unification, mais ces processus sont à chaque fois contingents, empiriques, partiels. “Nous créons nous-mêmes et constamment des connexions nouvelles entre les choses, en organisant des groupes de travailleurs, en établissant des systèmes postaux, consulaires, commerciaux, des réseaux de voies ferrées, de télégraphes, des unions coloniales et d’autres organisations qui nous relient et nous unissent aux choses par un réseau dont l’ampleur s’étend à mesure que s’en resserrent les mailles” (16). L’unification se fait à partir de la forme réseau et les “systèmes” constituent un “nombre incalculable de réseaux” qui se superposent. Le “mode d’union” décrit par James est très différent de “l’unité parfaite”, “absolue”, impliquée par la “forme tout”.
Dans l’univers de la multiplicité, les différentes manières d’être “un” impliquent une multiplicité de modalités à travers lesquelles se pratiquent ces unifications. Comment les choses tiennent ensemble, comment les réseaux font cohésion, comment se construit le monde ? “Les choses peuvent avoir de la consistance, être cohérentes, de bien des façons différentes” (17). Parmi les “innombrables espèces de liaisons”, James distingue “l’union par enchaînement interrompu”, qui se déploie de proche en proche, se construit par pièces et morceaux et implique du temps, de “l’union absolue”, qui se fait instantanément par “convergence universelle”, par fusion ou par subsomption, pour parler le langage hégélo-marxiste. La connaissance étant pour James une des parties les plus dynamiques de la réalité, elle a sa validité, non pas dans sa faculté d’embrasser le tout, l’universel (voir la prétention des marxismes à se proclamer “sciences”), mais dans sa capacité à nous diriger et nous montrer un “immense réseau de relations” en vue de la production de quelque chose de nouveau et singulier. La connaissance a aussi un mode de constitution pluraliste, distributif et temporel. “Cette connaissance (concatenated), allant de proche en proche, diffère totalement de la connaissance (consolidated) que l’on suppose être celle d’un esprit absolu” (18).
L’univers pluraliste se construit ainsi par “enchaînement continu” de choses et par “connaissance enchaînée” de concepts. Les réseaux établissent des cohésions, des “conflux partiels”, à travers la connexion entre des morceaux, des parties et des bouts d’univers. Les parties composantes sont reliées entre elles par des relations à chaque fois particulières, spécifiques. “Il en résulte, pour les diverses parties de l’univers, d’innombrables petits groupements qui rentrent dans des groupements plus vastes, et sont là autant des petits mondes (…). Chaque système représente tel type ou tel degré d’unité, ses parties composantes étant liées entre elles d’après telle relation d’une espèce particulière ; et une même partie peut figurer en de nombreux systèmes différents” (19). Il n’est pas impossible, donc, d’imaginer des mondes qui s’opposeraient entre eux à partir de modalités de connexion différentes, de manières hétérogènes de tenir ensemble leurs éléments. “Ainsi le monde est, dans la mesure exactement où l’expérience nous montre un enchaînement des phénomènes - , par rapport aux liaisons définies qui nous apparaissent, et seulement par rapport à elles. Et alors, dans la mesure où se rencontrent des disjonctions définies, le monde n’est pas un” (20). La disjonction possède aussi une multiplicité de modalités de réalisation. Il y a des manières hétérogènes de se diviser, qui sont chaque fois contingentes, spécifiques, singulières.
Étudier les “diverses sortes particulières d’unités qu’enveloppe l’univers” signifie aussi affirmer que “plus d’une nous a paru coexister avec certaines sortes de multiplicités supposant une séparation qui ne serait pas moins réelle” (21). Au lieu d’avoir un “Univers-bloc”, avec ses termes et ses relations impliqués les uns par rapport aux autres, et tous par rapport à la totalité, nous avons un “Univers-mosaïque”, un Univers-patchwork, un Univers-archipel, c’est-à-dire un “univers incomplètement systématisé”, un monde “partiellement alogique ou irrationnel” où il y a une multiplicité possible et contingente de jonctions et de disjonctions, d’unifications et de séparations. Jean Wahl a réuni quelques-uns des termes par lesquels James définit l’univers pluraliste : “Arbitraire, cahoté, discontinu, grouillant, embrouillé, bourbeux, pénible, fragmentaire, morcelé” (22).
Nous avons là un univers inachevé et inachevable, un univers incomplet dont la réalité et la connaissance se font de proche en proche, par addition, par collection des parties et des morceaux. Un univers où la composition doit suivre la cartographie des singularités, des petits mondes, des différents degrés d’unité qui l’animent. Un monde additif où le total n’est jamais fait et qui “croît ici et là”, grâce, non pas à l’action du sujet universel, mais à la contribution parsemée de singularités hétérogènes. Dans ce monde de l’incomplet, du discontinu, du possible, où la nouveauté et la connaissance se produisent par taches, par places, par plaques, les individus et les singularités peuvent réellement agir (et pas seulement les sujets collectifs ou universels) et connaître (23).
Nous pouvons maintenant répondre à la question pragmatique : “quelles conséquences pratiques entraîne l’idée d’unité ?”, selon qu’elle est prise dans sa conception absolutiste ou pluraliste. Les modalités d’unification “absolue et complète” et les modalités de composition pluraliste renvoient aux logiques majoritaires et minoritaires par lesquelles Deleuze et Guattari définissent la politique dans les sociétés modernes.

Le marxisme comme politique de la totalité
Le pragmatisme nous permet de comprendre comment l’ontologie de la relation chez Marx est encore profondément liée à la philosophie idéaliste du XIXè siècle, et de saisir ainsi les limites ontologiques de la politique marxiste.
Le marxisme est dans l’impossibilité de penser des relations qui seraient de pures extériorités, des relations sans fondement dans la totalité de la relation de Capital. Au contraire, les modalités d’action et de connaissance des mouvements qui se sont développés après la deuxième guerre mondiale expriment des relations qui ne se déduisent pas des termes, et des termes qui peuvent être indépendants des relations. Pratiquant et aspirant à une politique de la multiplicité, ces mouvements trouvent dans les marxismes des alliés plus qu’ambigus.
Prenons l’exemple des mouvements de femmes (mais nous aurions pu prendre n’importe quelle autre pratique minoritaire, n’importe quel autre pièce ou morceau de l’univers-mosaïque, pour parler comme James). Le marxisme est toujours en très grande difficulté devant l’expression de mouvements qui ne renvoient pas directement, ou pas exclusivement, à la relation de classe. Il ne peut pas les penser dans leur autonomie et indépendance, il ne peut pas les penser comme “nouveauté radicale”, puisque, selon la méthode marxienne, leur vérité n’est pas immanente aux mouvements eux-mêmes, elle se mesure, non pas aux possibilités de vie que ces luttes ouvrent, mais à la relation capital-travail. Ces mouvements ne représentent que des phénomènes dont l’essence est dans la “relation des relations”. Comme dans le rationalisme, dans le marxisme, il n’y a finalement “qu’une chose”. Le monde est “un” a priori, ou il doit l’être.
Et en effet, le marxisme pensera les mouvements de femmes de différentes façons, mais toutes renvoient à l’essence. Le mouvement des femmes est appréhendé comme mouvement pour le “salaire au travail domestique”, comme “division sexuelle de l’organisation du travail” dans l’usine ou dans la société, ou encore comme “le devenir-femme du travail”. Le marxisme ne voit dans le mode distributif, dans la dissémination, la fragmentation des “pièces et morceaux” par lesquels se font la production et la connaissance de l’univers, qu’une dispersion, de simples disjonctions, une multiplicité sans connexion.
L’impossibilité des relations externes, l’impossibilité d’une nouveauté absolue, l’impossibilité d’une appréhension de l’univers comme multiplicité, conduira le concept de classe à concurrencer la souveraineté de l’État sur le même terrain de l’unification “absolue et complète”, en opérant une épuration, même physique, de tout ce qui échappe. La classe, comme toute totalité, ne peut jamais, dans un univers mosaïque, tout impliquer. Quelle que soit l’énorme portion des éléments qu’elle puisse ramener à l’unité, il y a toujours quelque chose qui reste dehors, qui reste indépendant et autonome, pour lequel le socialisme a été, et reste, un cauchemar. En présupposant que le monde du capital est “un” (ou, ce qui est la même chose, divisé en deux), le marxisme a contribué puissamment à construire son unité “absolue et complète”, en faisant payer le prix fort à tout ce qui se soustrait ou déborde.

Le pragmatisme et le capitalisme
Il n’est pas nécessaire de démontrer la filiation pragmatique de la pensée de Gilles Deleuze, puisqu’il la revendique ouvertement lui-même. Mais c’est Michel Foucault, qui pourtant ne s’est jamais réclamé de cette tradition, qui l’a actualisée le mieux dans l’analyse du fait politique et dans la reconstruction de la généalogie des savoirs.
Dans Qu’est-ce que la philosophie ?, Gilles Deleuze et Félix Guattari affirment que le marché est le seul vrai universel du capitalisme. Foucault ajoute une considération fondamentale à cette constatation, en démontrant, dans ses derniers cours publiés (24), que cet universel est, comme tout universel, une construction pragmatique. La relation capital-travail n’a pas la spontanéité dynamique que lui prête le marxisme. Elle est, au contraire, le résultat d’une stratégie qui utilise, pour la faire exister, une multiplicité de dispositifs de pouvoir. Au principe totalisant du marxisme, Foucault substitue la prolifération de dispositifs qui constituent autant de compositions, de systèmes de consistance, de degrés d’unité chaque fois contingents. Ces dispositifs ne sont pas seulement multiples, ils sont aussi différents. La manière d’être “un”, la façon de garantir la cohésion des parties, d’assurer la continuité et la discontinuité des morceaux, d’impliquer l’autonomie et l’indépendance des éléments, n’est pas la même dans les dispositifs sécuritaires et dans les dispositifs disciplinaires, dans les dispositifs politiques et dans les dispositifs économiques. Et les sujets de droits ne sont pas les mêmes que les sujets économiques, et ces derniers se distinguent à leur tour des sujets “sociaux”.
Selon Foucault, la centralité de la relation capital-travail est à chercher dans le fait qu’elle s’est révélée la plus pragmatiquement efficace pour contrôler, maîtriser et s’approprier l’extériorité des relations, et leur puissance de production du nouveau. Au capitalisme, en tant que stratégie de construction des universaux, on peut parfaitement appliquer cette remarque de James : “il parle de ce qu’il appelle l’Unité des choses, alors qu’il ne cesse pas de penser à la possibilité de leur unification empirique” (25). La déconstruction des universaux, la critique du rapport de Capital comme relation des relations, est argumentée et pratiquée d’un point de vue qui recoupe parfaitement la méthode pragmatiste : les diverses manières d’être “un” nécessitent, pour leur “vérification précise, autant de programmes distincts dans le travail scientifique” (26).
C’est cette méthodologie que Deleuze reconnaît dans le travail de Foucault et c’est dans ce sens qu’il définit sa philosophie comme “pragmatiste et pluraliste”. “L’Un, le Tout, le Vrai, l’objet et le sujet, ne sont pas des universaux, mais des processus singuliers d’unification, de totalisation, de vérification, d’objectivation, de subjectivation, immanents à tel dispositif. Aussi chaque dispositif est-il une multiplicité, dans lequel opèrent de tels processus en devenir, distincts de ceux qui opèrent dans un autre” (27). La théorie pluraliste de la connaissance de James trouve une continuation étonnante dans la généalogie foucaldienne des savoirs locaux, mineurs, situés, discontinus. Tandis que la tradition marxiste défie la science sur son propre terrain, Foucault propose de faire jouer ces savoirs contre “l’instance unitaire”, contre les “effets de pouvoir centralisateurs”, qui peuvent être liés à l’institution, mais aussi à un “appareil politique, comme dans le cas du marxisme” (28).
Et finalement, la chose peut-être la plus importante. Cette ontologie pragmatiste, en dessinant d’autres relations possibles entre les choses que celles des parties au tout, peut être d’une très grande utilité pour décrire les modalités “d’être ensemble” et “d’être contre” (la division aussi est multiple, elle n’est pas “une” comme dans la théorie marxiste) que les mouvements post-socialistes sont en train d’expérimenter (29). Un mouvement, comme tout élément, peut participer à plusieurs systèmes à la fois, avoir plusieurs relations, exprimer différentes fonctions ; être, par exemple, en même temps à l’intérieur et à l’extérieur de la relation de capital, être dans et hors d’une institution, être “contre” et être “pour”, créer, produire. Ce qui entraînera des stratégies politiques qui restent complètement opaques aux forces politiques et syndicales, précisément parce que ces dernières considèrent l’unité des choses comme étant supérieure à leur multiplicité.
Maurizio Lazzarato
Multiplicité, totalité et politique
mis en ligne 2007 sur le site de Multitudes
anthropometrielumineuse.jpg
1 Michael Hardt, Antonio Negri, Multitude. Guerre et démocratie à l’âge de l’Empire, La Découverte, 2004.
2 Paolo Virno, Grammaire de la multitude, L’Éclat / Conjonctures, 2002.
3 Gilles Deleuze, Félix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Minuit, 1991.
4 William James, Philosophie de l’expérience, Flammarion, 1910, p. 76.
5 Giovanni Gentile, la Philosophie de Marx, Éditions T.E.R., 1995.
6 L’interprétation du concept de “transindividuel”, aussi bien chez Balibar que chez Virno, est plus qu’étonnante. À partir des textes de Simondon, il semble impossible d’interpréter les concepts de “pré-individuel” et de “transindividuel” comme langage, rapports de production, rapports sociaux. Dans les deux cas, il s’agit de “potentiels”, de “réserves d’être”, “d’équilibres métastables” qui permettent l’individuation aussi bien biologique que sociale. Confondre le potentiel “non structuré” (qui n’est ni “social”, ni “vital”) avec la structuration du langage, des rapports sociaux, des rapports de production me semble une interprétation plus que problématique.
7 Gyōrgy Lukács, Histoire et conscience de classe, Minuit, 1960.
8 William James, Introduction à la philosophie, Marcel Rivière, 1914, p. 123.
9 Ibidem, p. 221.
10 William James, Philosophie de l’expérience, op.cit., p. 309.
11 William James, Introduction à la philosophie, op. cit., p. 160
12 Ibidem, p. 310.
13 Ibidem, p. 313.
14 William James, le Pragmatisme, Flammarion, 1917, p. 128.
15 Ibidem, p. 144.
16 William James, Introduction à la philosophie, op.cit., p.159.
17 William James, Philosophie de l’expérience, op.cit., p. 71.
18 William James, Introduction à la philosophie, op.cit., p. 159.
19 William James, le Pragmatisme, op.cit., p. 132.
20 Ibidem, p. 143.
21 Ibidem, p. 155.
22 Jean Wahl, les Philosophies pluralistes d’Angleterre et d’Amérique, Les Empêcheurs de penser en rond, 2004.
23 Cette description de la constitution ontologique recoupe la constitution du social chez Gabriel Tarde.
24 Je me permets de renvoyer à mon compte rendu de deux séminaires de Foucault, publié dans le numéro 22 de Multitudes.
25 William James, le Pragmatisme, op.cit., p. 252.
26 Ibidem, p. 143.
27 Gilles Deleuze, Deux régimes de fous, Minuit, 2003, p. 320.
28 Michel Foucault, Il faut défendre la société, Gallimard - Seuil, 1997, p. 15.
29 Je me permets de renvoyer au chapitre 5 de mon livre, les Révolutions du capitalisme, Les Empêcheurs de penser en rond, 2004, où j’esquisse une cartographie de ces nouvelles dynamiques. Mais sur ce terrain, tout reste à faire.

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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 07:03
Salon des Éditions Libertaires de Lyon 14 et 15 mai
Catégorie Expression - contre-culture
Association Librairie libertaire La GRYFFEE
Samedi 14 Mai 2011 de 11 h 0 à 19 h 0
Lieu Maison des Associations
Adresse 28 rue Denfert-Rocherau, 69004 Lyon.
Description

Une soixantaine d'éditeurs, revues et collectifs participeront au salon des éditions libertaires organisé par le CDL (Centre de Documentation Libertaire), les Amis de la Gryffe et la librairie libertaire la Gryffe.

Débats, rencontres, présentation d'ouvrages, projections de films, expositions sont au rendez-vous pour nourrir la mémoire, la réflexion et l'action.

Un salon pour quoi ?

L’effervescence éditoriale, en particulier libertaire, de ces dix dernières années exprime et nourrit les luttes et les analyses de celles et ceux qui combattent au quotidien l’ordre capitaliste et patriarcal.
Face à la violence du contexte social et politique actuel, il est urgent de rappeler combien sont importants le développement et la diffusion d’une pensée et de pratiques critiques, réfractaires et libertaires.
Ce salon sera donc l’occasion pour les éditeurs-trices, auteur-e-s, lecteurs-trices, militant-e-s, passant-e-s de se rencontrer et de débattre pendant deux jours sur les réflexions et les pratiques pour abattre ce monde en vue de construire une société libertaire.

Nous vous y attendons nombreuses et nombreux.

Programme du samedi 14

13h-14h 45
Octobre-novembre 2010 : la fin des "mouvements sociaux" et l'idéologie du blocage? Avec J.Wajnsztejn (Temps Critiques).
Espagne : les chemins de la mémoire antifasciste. Lecture et discussion avec F. Graton (éd No Pasaran).

15h-16 h 45
- « Thoreau, de la désobéissance à la résistance » conférence de M. Granger (éd le Mot et le Reste).
- « Le Crime de Zacarias Barrientos » film et débat sur la guerre sale contre les guérillas au Mexique (Promedios).
- « La Geste des irréguliers » : marche 2010 des sans-papiers. Et après ?. Débat avec. Métie Navajo (éd. Rue des Cascades).

17h-18h 45
- Gutenberg contre Bill Gates. Débat contre la numérisation des savoirs, animé par AAEL et Livres de papiers.
- Villes en transition : de la dépendance au pétrole à la résilience locale. Débat animé par Silence.

À partir de 19 h
Musiques douces et acoustiques : Mr Martin - Docteur Rhum-Rhubarbe

Contact : salonzedlib(at)lagryffe.net

 

Dimanche 15 Mai 2011 de 10 h 0 à 17 h 0
Lieu Maison des Associations
Adresse 28 rue Denfert-Rocherau, 69004 Lyon.
Description

Une soixantaine d'éditeurs, revues et collectifs participeront au salon des éditions libertaires organisé par le CDL (Centre de Documentation Libertaire), les Amis de la Gryffe et la librairie libertaire la Gryffe.

Débats, rencontres, présentation d'ouvrages, projections de films, expositions sont au rendez-vous pour nourrir la mémoire, la réflexion et l'action.

Un salon pour quoi ?

L’effervescence éditoriale, en particulier libertaire, de ces dix dernières années exprime et nourrit les luttes et les analyses de celles et ceux qui combattent au quotidien l’ordre capitaliste et patriarcal.
Face à la violence du contexte social et politique actuel, il est urgent de rappeler combien sont importants le développement et la diffusion d’une pensée et de pratiques critiques, réfractaires et libertaires.
Ce salon sera donc l’occasion pour les éditeurs-trices, auteur-e-s, lecteurs-trices, militant-e-s, passant-e-s de se rencontrer et de débattre pendant deux jours sur les réflexions et les pratiques pour abattre ce monde en vue de construire une société libertaire.

Nous vous y attendons nombreuses et nombreux.

PRogramme du dimanche 15 mai

Dimanche 15 mai

9 h-12 h : « Genre et anarchisme », dans le cadre du colloque « Philosophie de l'anarchie - Théories libertaires, pratiques quotidiennes et ontologie » sur le thème « Genre et anarchisme »
11h-12h 45 : « Pouvons-nous concilier critique matérialiste des religions (dont l'islam) et actions communes contre l'exploitation ? ». Débat avec Y. Coleman (Sans Patrie ni Frontières).

13 h-14 h 45
- La guerre d'Espagne et l'exil au travers du « Labyrinthe magique » de Max Aub. Rencontre avec Claude de Frayssinet, traducteur (éd. les Fondeurs de Briques).
- « RFID, la police totale » : contre la tyrannie technologique et l'avènement de la société de contrainte. Film et débat avec PMO (éd. L'Echappée).

15h-16h45
- Guerre à l'Etat... (jusqu'à ce qu'il nous foute la paix). Luttes autonomes en Euskadi 1980-1990. Débat avec le traducteur et l'auteur (éd. Libertalia) (horaire provisoire).
- Y a t-il un sujet révolutionnaire ? Une révolution est-elle envisageable, et comment ? Débat animé par Réfractions.

plus d'informations prochainement sur www.lagryffe.net et les sites amis.

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8 mai 2011 7 08 /05 /mai /2011 12:15

 

Le numéro de Mai de Courant Alternatif est sorti

 

 

Edito : lire sur http://oclibertaire.free.fr/

 

Nucléaire

 

La transparence jamais n’abolira la radio-activité

Le 12 mars, l'accident de Fukushima avait été classé au niveau 4 de l'échelle de risques, puis le 18 mars au niveau 5, puis le 12 avril au niveau 7, soit celui de l'accident majeur comme Tchernobyl. Bien sûr, les autorités s'empressaient de rassurer en indiquant que les rejets étaient que de 7 à 12% de ceux de Tchernobyl. Admirons la science de nos experts qui peuvent déjà nous assurer ça alors que Fukushima n'est toujours pas sorti de l'accident, continue de cracher de la radio-activité, et qu'on ne peut toujours pas accéder aux coeurs des réacteurs pour en connaître la situation exacte.

 

La fureur énergétique

 

Un mouvement à reconstruire

Les récentes manifestations qui ont ponctué la semaine de mobilisation antinucléaire ont été, au mieux, en demi-teinte ; et elles n’ont pas vraiment ouvert de pistes pour l’avenir, surtout pour une année préélectorale qui va multiplier les « faux problèmes». Premier bilan succinct.

 

Environnement

 

L’aéroport qui vient (Notre Dame des Landes)

En Loire-Atlantique, au nord-ouest de Nantes, le projet d'aéroport continue de susciter rejets, résis- tances et mobilisations des populations. La gauche soutient toujours le projet, avec l'aide de la droite. Mais les politiciens d'EuropeEcologie-Les Verts pourraient tenter d'accompagner la résistanceauprojet, pour s'offrir un rajeunissement à bon compte. D'autres options pourraient peser de façon originale.

 

 

Grenelle 2 : beaucoup de bruit pour rien

Un échec, une magistrale tromperie que ce Grenelle 2 ? Quand bien même le texte de loi marque quelques avancées, la prise en compte sensible et significative de l’environnement n’est encore pas pour demain.

 

Corse entre spéculation immobilière et précarité sociale

A la fin de l’année 2008, un Plan d’aménagement et de développement durable concocté par les dirigeants UMP de la collectivité territoriale et visant à favoriser le tout-tourisme a fait vivre la Corse au rythme d’une intense mobilisation… contre lui (voir CA n° 185). En a découlé la défaite de ces dirigeants aux territoriales de 2010 ; et si un radical de gauche est à présent à la tête des hautes instances insulaires, les grands vainqueurs des urnes sont les autonomistes. Mais la spéculation immobilière n’en est pas moins passée à la vitesse supérieure dans l’île, tandis que la situation de sa population ne cessait de se dégrader.

 

Big Brother

 

Répression

 

Discussion avec Serge Quadruppani

Suite à l’affaire dite de Tarnac (1), Serge Quadruppani s’est interrogé sur les politiques sécuritaires qu’ont intensifiées les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, notamment depuis le 11 septembre 2001, tant au niveau local qu’international(2).

 

révoltes arabes

Les trois articles qui suivent n’ont pas été rédigés par des membres de l’OCL ou des collaborateurs habituels de Courant Alternatif. Ils émanent de trois camarades avec qui nous sommes en relations, qui connaissent bien ces pays, y étaient à des moments importants ou s’y trouvent actuellement.

Même s’ils ce sont des tentatives de décryptage de ces révoltes, ce sont aussi en premier lieu des témoignages « à chaud » sur ce qui se passe depuis quelques mois dans les pays d’Afrique du Nord. Ils ont également l’intérêt d’apporter un éclairage sur les minorités berbères de ces pays « arabes », approche qui a peu de place aujourd’hui dans la presse généraliste.

Nous avons jugé important de faire partager ces témoignages et analyses aux lecteurs de Courant Alternatif, même s’ils peuvent contenir parfois quelques imprécisions ou raccourcis par manque de recul. Ils peuvent ouvrir la voie à des échanges intéressants sur ce sujet.

 

Tunisie : quelques notes à chaud

La Libye ou la quête d’une liberté compromise

Algérie : chronique constantinoise, un désordre dépolitisé

 

Allons au fond

 

Pour un anarchisme social et révolutionnaire, extraits de la déclaration de principes de la FACA (Fed. anarchiste d’Argentine)

Des camarades d’Argentine nous ont fait parvenir un document annonçant la création d’une Fédération Anarcho-Communiste d’Argentine (FACA). De cette“ Déclaration de principes”, nous avons extrait le texte introductif qui nous semble intéressant sur plusieurs points. La réaffirmation de l’anarchisme comme un courant social et révolutionnaire, l’importance de sa dimension antagoniste et “classiste” et de la praxis transformatrice dans l’actualité d’un projet politique, une approche du “pouvoir” comme processus dynamique et comme tissus de relations et, à partir de là, une réflexion sur l’État et sa relation avec la société, allant au-delà des raccourcis et des vulgates tant marxistes qu’anarchistes ou encore des élucubrations que nous proposent les diverses “post-politiques” construites exclusivement sur la problématique du sujet et de la subjectivité. Cela ne signifie évidemment pas que nous partageons l’ensemble des positions de ces camarades, en particulier sur la question de l’organisation (voir texte complet sur le site de l’OCL, http://oclibertaire.free.fr/).

 

 

 

 

-----

 

Courant alternati est en vente sur les points suivants :

Ouest

LA MAISON DE LA PRESSE,

Rue de Bernière, 14000 CAEN

LE BROUILLON DE CULTURE,

9 rue St Sauveur, 14 000 CAEN

LIBRAIRIE L’INSOUMISE

128 rue St Hilaire 76000 ROUEN

LES NUITS BLEUES

21, rue Maillé 49100 ANGERS

Bretagne

PENN DA BENN Librairie

37 place St Michel 29300

QUIMPERLE

LIBRAIRIE LA COMMUNE

17 rue de Châteaudun 35000 RENNES

VOIX AU CHAPITRE, 67 rue Jean Jaurès, 44600 SAINT-NAZAIRE

VENT D’OUEST, 5 place du Bon Pasteur 44000 NANTES

Sud Ouest

NOIR SUR BLANC, 17 rue Jean Jaurès, 81600 GAILLAC

LIB. DU MUGUET c/o Athénée libertaire 7 rue du Muguet 33000 BORDEAUX

Librairie INFOS 2, rue Théodore Guiter 66000 Perpignan Ecrire à : C.E.S. B.P. 40233 66002 PERPIGNAN

LIBRAIRIE L’EQUI’TABLE, 11 place Georges Duthil, 09000 FOIX

LIBRAIRIE PLUME(s) 16 rue St Martin 12100 MILLAU

LE KIOSK, Maisons des associations, 3 rue Escoussières Arnaud Bernard, 31000 TOULOUSE

LE LIVRE EN FeTE, place Vidal,

46100Figeac

LA MAISON VERTE,

31310 MONTBRUN-BOCAGE

Nord/Est

L’HARMATTAN, 35 rue Basse,

59 000 LILLE

CENTRE CULTUREL LIBERTAIRE 4 rue Colmar 59 000 LILLE

LE CRI DU PEUPLE

67 rue Jean Jaures 51100 Reims

Rhône-Alpes

URUBU, 17 grand-rue, 26000 VALENCE

LIBRAIRIE LA GRYFFE 5 rue Sébastien Gryphe 69007 LYON

LA PLUME NOIRE 8 rue Diderot 69001 LYON

MAISON DE L’ECOLOGIE 4 rue Bodin 69001 LYON

Sud-est

LE SEUL PROBLEME 46 rue Consolat 13001 MARSEILLE

LIBRAIRIE L’ODEUR DU TEMPS, 35 rue Pavillon, 13001 MARSEILLE

LE PRINTEMPS PERMANENT, 461 bld de la Mourachonne, 06580, PEGOMAS

 

Région parisienne

LIBRAIRIE PARALLELES 47 rue St Honoré 75001 PARIS

LIBRAIRIE LE POINT DU JOUR 58, rue Gay-Lussac, 75005 Paris

LE TIERS MYTHE Librairie 21 rue Cujas 75005 PARIS

LIBRAIRIE PUBLICO 145 rue Amelot 75011 PARIS

LIBRAIRIE LADY LONG SOLO 38 rue Keller 75011 PARIS

QUILOMBO Librairie 23 rue Voltaire 75011 PARIS

LA BRECHE Librairie 27 rue Taine 75012 PARIS

LIBRAIRIE LA FRICHE 6 rue Léon Frot, 75011 PARIS

MAG PRESSE, 64 rue du général de Gaulle, 78300 POISSY

 

Sinon c’est l’abonnement

 

10 numéros (un an) + hors séries 30 euros

Tarifs reduits (pour les fauchés) 18 euros

à l’essai (3 numéros) 5 euros

Un numéro sur demande Gratuit

 

Chèque à l’ordre de “La Galère”

OCL égregore, B.P 1213- 51058 Reims cedex

 

 

 

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8 mai 2011 7 08 /05 /mai /2011 09:34

le journal loca le dauphiné libéré:

"La centrale EDF du Tricastin a déclaré hier un incident à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Il a été classé au niveau 1 sur l’échelle internationale INES qui en compte 7. Cet incident s’est produit mercredi vers 17 heures à la suite de la défaillance de l’alimentation électrique principale du réacteur n°1, celui dont la durée de vie vient d’être prolongée jusqu’à 40 ans. Les opérateurs ont arrêté manuellement l’unité qui venait d’être déconnectée du réseau électrique 225000 volts. Le réacteur a été basculé sur l’alimentation auxiliaire de 60000 volts afin d’assurer le fonctionnement des matériels. Au moment du rétablissement de l’alimentation principale, vers 19h30, une micro-coupure électrique a déclenché la mise en service intempestive d’un système de sécurité, celui qui injecte de l’eau de refroidissement s’il y a une fuite sur le circuit primaire. Ce n’était pas le cas, heureusement. L’injection de sécurité a été arrêtée par les agents EDF, après une série de vérifications. Cet incident « n’a pas eu d’impact sur la sûreté des installations » assure EDF"

texte distribué à la manifestation de ville,neuve de berg:

 

Ni Nucléaire, Ni gaz de schiste

La fête est finie1

La catastrophe  nucléaire au japon, en mettant  au second plan les morts et les dégâts du tsunami, a montré  que nous ne pouvons plus parler d’émancipation  sociale comme nos camarades  de classe l’avaient fait à partir  du 1er mai  1889, tant que nous continuons à subir cette dictature  technologique.Aujourd’hui la presse tente de faire passer le message comme quoi, en Tunisie, en Egypte,… la situation est normalisée. On n’entend plus beaucoup parler de ce qui s’y passe. Pourtant le mouvement continue… en Syrie notamment où les manifestants défient les couvre-feu, vagues d’arrestation,… Contre l’isolement dans lequel la bourgeoisie veut confiner et étouffer nos mouvements, brisons cette chape de silence. Continuons à nous faire entendre. Disons nous-mêmes ce qu’il en est de nos mouvements de lutte.  Seuls nous ne sommes rien, unis nous pouvons tout.Pour en finir avec les séparations…
Pourquoi tant d’énergie?Pour mener quel genre de vie?
Poser de telles questions , c’est évidemment  se placer  dans la perspective  d’un mouvement d’émancipation  collective dont la survenue, quoique  peu vraisemblable à très court terme, n’en reste pas moins requise pour en finir  rapidement  avec l’électricité nucléaire.
Se réapproprier  l’histoire des luttes ouvrières: lors de la  plus grande grève générale sauvage en mai 1968, les ouvriers, au-delà des fortes augmentations  de salaire concédées par le patronat, sentaient bien qu’il se passait  quelque chose de plus fort, dépassant  leur condition. Dans les discussions  qui se tenaient partout dans la rue , les bistrots, nous étions solidaires , dignes .Le vieux monde , le pouvoir, ses patrons  et l’Etat n’existaient plus, il suffisait d’en prendre la mesure pour organiser  la société  que nous souhaitions , à partir  de celle  dont nous voulions plus.Les années  qui suivirent  , sous prétexte  de défense de l’emploi, par des syndicats aveugles sur les méfaits de l’industrie chimique et nucléaire, notre santé était la rançon du progrès. Les opposants  à ce diktat étaient considérés comme arriérés, vieux cons ou rabat joie, la société industrielle pouvait poursuivre  sa course  en avant, sans réelles oppositions dans le monde ouvrier. Actuellement , les produits nocifs mis sur le marché sont tels que nul  n’est capable  d’anticiper les interactions  et la prévention  qui irait avec.. Les cancers explosent  et les autorités médicales  continuent à culpabiliser les fumeurs et les buveurs. Leurs aveuglement  n’a d’égal  que leur silence sur la catastrophe de Fukushima ses conséquences sanitaires japonaises et mondiales. Ces professions , proche des milieux  dirigeant préfèrent  discuter de l’augmentation  de leurs consultations ou du laisser faire des autorités en matière de tarif. Les pauvres peuvent crever dans les hôpitaux  dépourvus  de moyens, pourvu  que leur classe sociale  puisse se faire soigner leur cancer « radio induits »#dans les clinique high-tech de l’hexagone ou d’ailleurs. Leur déontologie  a vécu et les pauvres  financent dorénavant les soins des riches.
Plus généralement , il importe de dépasser l’alternative technique dans la quelle nucléariste d’une part , défenseur d ‘une sortie progressive statistiquement  validée d’autre part , cherchent à nous enfermer.
L’alternative , avant d’être énergétique est donc  nécessairement  anti -étatique#.vaste programme, dirat’on . Mais rien n’empêche  une contestation  déterminée, pour qu’elle sache  identifier l’organisation social qui produit la détérioration  des ses conditions de vie, de commencer ici et maintenant  à la mettre quelque peu à mal. L’etat- patron rénové  réformiste et délivré des odieuses manœuvre  d’une société techno-capitaliste comptant d’avantage d’éoliennes  constituerait qu’une variante  plus durable  de la soumission  présente
perspectives incontournables:
Nous ne sortirons pas de la catastrophe sociale et écologique en nous ralliant aux discours des démagogues  de tout parti. La situation  catastrophique quotidienne  nous impose de discuter , maintenant, de ce qu'il faut conserver pour notre bien être. Les contre -experts , toujours soucieux  de ménager  un mode de production  qu'ils espèrent aménager, évitent  de poser  les questions élémentaires.. Nul besoin  de spécialistes ou d'experts pour réorganiser la vie en fonction  de nos aspirations  et de nos appétits. Leur compétence  servira plutôtà rendre inoffensifs  et à décontaminer les sites que leurs activités mortifères ont contribué à créer.
Vive la révolution sociale et libertaire
écrivez à : le laboratoire 8 place St jean  Valence 26000               7 /05/ 2011
# http://lafeteestfinie.free.fr
# .  ils sont aussi très fortement suspectés dans le cas d’irradiations corporelles totales ou localisées survenues lors d’excursions nucléaires civiles ou essai nucléaire militaire, en particulier au détours de l’accident  industriel de Tchernobyl 1986

# Le véritable lobby nucléaire c'est l'état lui-même, qui a partie lié avec le nucléaire militaire et civil depuis plus de 60 ans et le défendra autant qu'il le pourra




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8 mai 2011 7 08 /05 /mai /2011 09:20

Lundi  9 mai à l'émission de radio labo sur 99.2 . on passerra des témoignages des libertaires contre le colonialisme. mercià rebellyon .infos pour cette page

Jour de liesse ? Fête de la libération ? Pas pour tout le monde...

Le 8 mai 1945 signi­fie la fin du nazisme. Il cor­res­pond aussi à l’un des moments les plus san­glants de l’his­toire natio­nale. La répres­sion colo­nia­liste venait d’y faire ses pre­miers accrocs face à une popu­la­tion farou­che­ment déter­mi­née à se pro­mou­voir aux nobles idéaux de paix et d’indé­pen­dance.

Faim, famine, chô­mage et misère sem­blaient résu­mer la condi­tion sociale de la popu­la­tion musul­mane algé­rienne colo­ni­sée par la France, popu­la­tion sur­tout agri­cole sou­vent dépla­cée car les colons s’étaient saisis des meilleu­res terres, et de plus dans une période de guerre, de séche­resse et de récol­tes déci­mées par les aca­ri­des. « Des hommes souf­frent de la faim et deman­dent la jus­tice... Leur faim est injuste. » écrivait Albert Camus début 1945 dans Combat.

Le 8 mai 1945 fut un mardi pas comme les autres en Algérie. Les gens mas­sa­crés ne l’étaient pas pour diver­sité d’avis, mais à cause d’un idéal. La liberté. Ailleurs, il fut célé­bré dans les inters­ti­ces de la capi­tu­la­tion de l’état-major alle­mand. La fin de la Seconde Guerre mon­diale, où pour­tant 150.000 Algériens s’étaient enga­gés dans l’armée aux côtés de de Gaulle. Ce fut la fin d’une guerre. Cela pour les Européens. Mais pour d’autres, en Algérie, à Sétif, Guelma, Kherrata, Constantine et un peu par­tout, ce fut la fête dans l’atro­cité d’une colo­ni­sa­tion et d’un impé­ria­lisme qui ne venait en ce 8 mai qu’annon­cer le plan de redres­se­ment des volon­tés farou­ches et éprises de ce saut liber­taire.

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Sétif
Fontaine Ain El Fouara
Sétif, mardi 8 mai 1945

Dès 8 heures du matin, une foule esti­mée aux envi­rons de 10.000 per­son­nes était ras­sem­blée devant la mos­quée de la gare. Puis elle enta­mait son élan rue des Etats-Unis pour se diri­ger vers le centre-ville, rue Georges Clémenceau... Pacifiques, dépi­tés et désar­més, les pai­si­bles mani­fes­tants scan­daient des slo­gans de paix et de liberté. « Indépendance », « Libérez Messali Hadj », « L’Algérie est à nous ». Ils s’étaient donnés pour consi­gne de faire sortir pour la pre­mière fois le dra­peau algé­rien. La riposte fut san­glante.

Pourtant, pro­fi­tant du jour du marché heb­do­ma­daire, ce 8 mai 1945, les orga­ni­sa­teurs avaient rap­pelé aux pay­sans venus des vil­la­ges de dépo­ser tout ce qui pou­vait être une arme (cou­teau, hâche, faux...). Derrière les dra­peaux des alliés, c’étaient les écoliers et les jeunes scouts qui étaient au pre­mier rang suivis des por­teurs de la gerbe de fleurs, et les mili­tants sui­vaient juste der­rière pour éviter tout débor­de­ment de la masse pay­sanne.

A la vue d’un dra­peau algé­rien vert et blanc, qui avait été déployé en cours de route, les poli­ciers avaient jailli du bar­rage et avaient atta­qué la foule pour s’empa­rer du dra­peau. Un mili­tant avait expli­qué que le dra­peau étant sacré, il est impos­si­ble de le remi­ser une fois sorti. Le maire socia­liste de la ville sup­plie de ne pas tirer. Mais c’est à ce moment que tout dérape quand un ins­pec­teur tire, tue celui qui por­tait ce dra­peau à ce moment-là et deux coups de feu en sou­tien de la part d’Européens par­tent du café de France. Dans la pani­que pro­vo­quée par les pre­miers coups de feu, à d’autres fenê­tres des Européens tirent à leur tour sur la foule.

« On a tiré sur un jeune scout » ! Ce jeune « scout » fut le pre­mier martyr de ces inci­dents : Saâl Bouzid, 22 ans, venait par son souf­fle d’indi­quer sur la voie du sacri­fice la voie de la liberté. K. Z., âgé alors de 16 ans, affirme non sans amer­tume à ce propos : « Il gisait mou­rant par-devant le ter­rain qui sert actuel­le­ment d’assiette fon­cière au siège de la wilaya. Nous l’avons trans­porté jusqu’au doc­teur Mostefaï... et puis... » L’ émotion l’étouffe et l’empê­che de conti­nuer...

Bien que la pani­que ait gagné l’ensem­ble des mani­fes­tants, un mili­tant avait sonné le clai­ron pour que la gerbe de fleurs soit dépo­sée. Cela se pas­sait à 10 heures du matin. Le car de la gen­dar­me­rie ayant eu du retard était arrivé en fon­çant en direc­tion des mani­fes­tants fau­chant les pré­sents.

Surgit alors la pré­pa­ra­tion du mas­sa­cre des Algériens. Une milice d’Européens est formée à qui on donne des armes ; l’armée, la police et la gen­dar­me­rie sont déployées... C’est une véri­ta­ble chasse à toutes per­son­nes musul­ma­nes.

Le 9 mai, à Sétif, ce sont 35 Algériens qui ont été abat­tus parce qu’ils ne savaient pas qu’un couvre feu avait été établi. Le rap­port du com­mis­saire divi­sion­naire, M. Bergé, expli­quait que chaque mou­ve­ment jugé sus­pect pro­vo­quait le tir : « les musul­mans ne peu­vent cir­cu­ler sauf s’ils por­tent un bras­sard blanc déli­vré par les auto­ri­tés et jus­ti­fi­ca­tions d’un emploi dans un ser­vice public. »

Guelma, mardi 8 mai 1945

A Guelma, à 16 heures, un ras­sem­ble­ment s’était orga­nisé hors de la ville. Les mili­tants des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML) atten­daient, en fait, les ins­truc­tions venant de Annaba. A 17 heures le cor­tège s’était ébranlé avec les pan­car­tes célé­brant la vic­toire des alliés ainsi que leurs dra­peaux entou­rant un dra­peau algé­rien. Arrivé à l’actuelle rue du 8 mai, le cor­tège avait été arrêté par le sous préfet Achiary. Il ne res­tait plus que 500 mètres pour attein­dre le monu­ment aux morts.

Le sous préfet, Achiary - futur chef de l’OAS créé à Madrid en 1961 -, hors de lui avait intimé l’ordre de jeter les pan­car­tes, dra­peaux et ban­de­ro­les. Un socia­liste nommé Fauqueux avait râlé auprès du sous préfet : « Monsieur le sous préfet est ce qu’il y a ici la France ou pas ? ». C’est alors, comme un coup de fouet, Achiary saisit le revol­ver dont il s’est armé, entre dans la foule droit sur le porte dra­peau et tire. Son escorte ouvre le feu sur le cor­tège qui s’enfuit, décou­vrant dans son reflux le corps du jeune Boumaza. A Guelma ce jour-là il y a déjà 4 Algériens tués, mais aucun Européen.

Le 9 mai, à Guelma, la milice diri­gée par Achiary avait tenu sa pre­mière séance au cours de laquelle l’adjoint Garrivet pro­po­sait : « Nous allons étudier la liste des per­son­nes à juger. Commençons par nos anciens élèves ». Une per­qui­si­tion au local des AML a permis de saisir les listes nomi­na­ti­ves des res­pon­sa­bles et mili­tants, tous consi­dé­rés comme sus­pects, qui seront incar­cé­rés, sou­vent tor­tu­rés, et exé­cu­tés par four­nées entiè­res.

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Arrestations de civils menés vers leur propre exécution avant de finir brûlés dans des fours à chaux de Guelma
Kherrata, mardi 8 mai 1945

C’est aussi mardi jour de marché, et il n’y a pas de défilé prévu pour la fin de la deuxième guerre mon­diale, ce 8 mai, dans ce gros vil­lage tran­quille, situé au pied d’une chaîne mon­ta­gneuse, à quel­ques dizai­nes de kilo­mè­tres de la Méditerranée. En fin de mati­née on y apprend les tue­ries poli­ciè­res de Sétif. Les nou­vel­les se répan­dent vite parmi la popu­la­tion de Kherrata. Les Européens pren­nent peur, l’admi­nis­tra­teur colo­nial leur dis­tri­bue des armes et ils se plan­quent dans une for­te­resse. Tandis qu’on donne l’ordre au crieur public d’annon­cer le couvre-feu, celui-ci au contraire par­court tous les vil­la­ges à l’entour en appe­lant la popu­la­tion musul­mane à se ras­sem­bler à Kherrata.

Ce sont 10.000 per­son­nes qui vont arri­ver durant la nuit à Kherrata. Dès l’aube du 9 mai, une grande agi­ta­tion règne au centre de Kherrata grouillant de monde. Les Musulmans sachant que les Européens étaient armés, et prêts à les tuer, se sont ras­sem­blés pour envi­sa­ger com­ment se défen­dre. Certains ont coupé les lignes télé­pho­ni­ques, et d’autres ont cher­ché des armes au tri­bu­nal et dans trois mai­sons, qui furent incen­diées. L’admi­nis­tra­teur colo­nial et le juge de paix furent tués. Les 500 Européens qui étaient dans la for­te­resse tirè­rent alors sur la foule déchaî­née qui tra­ver­sait le vil­lage avec des dra­peaux algé­riens, tandis qu’on enten­dait les « you-you » des femmes.

Même s’ils avaient une grande cons­cience révo­lu­tion­naire, beau­coup parmi les insur­gés algé­riens ne savaient pas quoi faire. Pour savoir com­ment réagir, ils se sont alors ras­sem­blés dans la mon­ta­gne à Bouhoukal, mais l’armée fran­çaise était déjà en marche. Le peu de monde qui avait des fusils se mit en grou­pes dans les gorges et à l’entrée de Kherrata pour retar­der l’arri­vée des gen­dar­mes et des trou­pes. Mais dans cette révolte, qui allait vite être étouffée par l’armée, il n’y eu en tout et pour tout sur ce sec­teur que 10 morts et 4 bles­sés parmi les mili­tai­res et les Européens.

Vers midi, les auto­mi­trailleu­ses de l’armée fran­çaise se met­tent à tirer de loin sur les popu­la­tions de Kherrata et des vil­la­ges avoi­si­nants, suivi de près par les tirs impres­sion­nants du bateau-croi­seur Duguay-Trouin sur les crêtes des monts de Babor, et l’après-midi c’est l’avia­tion qui bom­bar­dait les envi­rons. Bombardements, tirs nour­ris et fusilla­des firent que plu­sieurs mil­liers d’Algériens furent mas­sa­crés. Vers 10 heures du soir, la légion étrangère fran­chis­sait les gorges et arri­vait au vil­lage com­plè­te­ment vidé de ses habi­tants musul­mans.

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Propagande coloniale - (à la mode Tartarin de Tarascon) : on distribue des armes sans munitions aux civils pour un besoin de propagande : « les insurgés déposent les armes ». Ils feront TOUS partie des victimes assassinées, jetées vivantes du haut de la falaise de Kherrata (voir les gorges de Kherrata au fond de la photo) et enfin ramassées et brulées dans des fours à chaux.
Un des plus atroces massacres coloniaux de la part de la France

Suite aux assas­si­nats d’Algériens à Sétif et à Guelma, des grou­pes d’indi­gè­nes avaient, dans leur repli, riposté en tuant des Européens. [1] S’en suit une répres­sion extrê­me­ment vio­lente dans les rues et les quar­tiers de ces deux villes impor­tan­tes, alors que la presse fran­çaise parle abu­si­ve­ment de ter­ro­risme algé­rien. Pendant une semaine, l’armée fran­çaise, ren­for­cée par des avions et des chars, se déchaîne sur les popu­la­tions de la région et tue sans dis­tinc­tion. À la colère légi­time des Algériens, la réponse du gou­ver­ne­ment fran­çais, dans lequel se trouve, mais oui, le PS et le PC, aux côtés de de Gaulle, ne s’est, en tout cas, pas fait atten­dre en mobi­li­sant toutes les forces de police, de gen­dar­me­rie, de l’armée, en envoyant des ren­forts de CRS et de par­chut­tis­tes, et même en recru­tant des mili­ciens, qui ne se gênent pas de fusiller des Algériens de tous âges et sans défense.

De Sétif, la répres­sion san­glante s’est géné­ra­li­sée. Elle allait tou­cher tout le pays durant tout le mois de mai. L’Algérie s’embra­sait sous les feux brû­lants du prin­temps 1945. Le géné­ral Weiss, chef de la cin­quième région aérienne, avait ordonné le 13 mai le bom­bar­de­ment de tous ras­sem­ble­ments des indi­gè­nes sur les routes et à proxi­mité des vil­la­ges.

Kateb Yacine, écrivain algé­rien, alors lycéen à Sétif, écrit : « C’est en 1945 que mon huma­ni­ta­risme fut confronté pour la pre­mière fois au plus atroce des spec­ta­cles. J’avais vingt ans. Le choc que je res­sen­tis devant l’impi­toya­ble bou­che­rie qui pro­vo­qua la mort de plu­sieurs mil­liers de musul­mans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon natio­na­lisme. »
« Je témoi­gne que la mani­fes­ta­tion du 8 mai était paci­fi­que. En orga­ni­sant une mani­fes­ta­tion qui se vou­lait paci­fi­que, on a été pris par sur­prise. Les diri­geants n’avaient pas prévu de réac­tions. Cela s’est ter­miné par des dizai­nes de mil­liers de vic­ti­mes. À Guelma, ma mère a perdu la mémoire... On voyait des cada­vres par­tout, dans toutes les rues. La répres­sion était aveu­gle ; c’était un grand mas­sa­cre. »

Dans les loca­li­tés envi­ron­nan­tes à Sétif, Ras El Ma, Beni Azziz, El Eulma, des douars entiers furent déci­més, des vil­la­ges incen­diés, des dechras et des famil­les furent brû­lées vives. On raconte le mar­tyre de la famille Kacem. Korrichi, son fils Mohamed et son frère Nouari furent tor­tu­rés et tués à bout por­tant... Les légion­nai­res pre­naient les nour­ris­sons par les pieds, les fai­saient tour­noyer et les jetaient contre les parois de pierre où leurs chairs s’éparpillaient sur les rochers...

L’armée fran­çaise avait pla­ni­fié l’exter­mi­na­tion de mil­liers d’Algériens. Pour mettre à exé­cu­tion leur des­sein les sol­dats fran­çais avaient pro­cédé au regrou­pe­ment de toutes les popu­la­tions avoi­si­nant les côtes-est de Béjaïa à Bordj Mira en pas­sant par Darguina, Souk El-Tenine et Aokas. Toutes les popu­la­tions de ces régions étaient for­cées de se regrou­per sur les plages de Melbou. L’occu­pant n’avait en tête que la liqui­da­tion phy­si­que de tout ce beau monde. Des sol­dats armés fai­saient le porte-à-porte à tra­vers la ville de Sétif et cer­tai­nes régions envi­ron­nan­tes, et obli­geaient hommes, femmes et enfants à sortir pour monter dans des camions.

Dès lors, des camions de type GMC conti­nuaient à char­ger toute per­sonne qui se trou­vait sur leur pas­sage. Le convoi pre­nait la direc­tion de Kherrata. Les habi­tants de cette autre ville his­to­ri­que n’allaient pas échapper à l’embar­que­ment qui les menait avec leurs autres conci­toyens de Sétif, vers le camion de la mort. Les mil­liers d’Algériens furent déchar­gés depuis les bennes des camions au fond des gorges de Kherrata. L’hor­reur n’était pas ter­mi­née pour ces pau­vres « bou­gnouls » comme aimaient les sur­nom­mer les colons fran­çais. Des héli­co­ptè­res dénom­més « Bananes » sur­vo­laient les lieux du mas­sa­cre pour ache­ver les bles­sés. Une véri­ta­ble bou­che­rie humaine allait per­met­tre, plus tard, aux oiseaux cha­ro­gnards d’inves­tir les lieux.

Avec la venue de l’été, la cha­leur monte... et l’odeur de la mort. Vers Guelma, faute de les avoir tous enter­rés assez pro­fond ou brûlés, trop de cada­vres ont été jetés dans un fossé, à peine recou­verts d’une pel­le­tée de terre. Les débris humains sont trans­por­tés par camion. Le trans­port est effec­tué avec l’aide de la gen­dar­me­rie de Guelma pen­dant la nuit. C’est ainsi que les restes des 500 musul­mans ont été amenés au lieu dit « fon­taine chaude » et brûlés dans un four à chaux avec des bran­ches d’oli­viers.

Alors que l’on sait que ce sont en tout 102 Européens ou mili­tai­res qui ont été tués, et 110 bles­sés, à ce moment-là, en riposte aux tue­ries des auto­ri­tés fran­çai­ses, malgré un minu­tieux tra­vail de recher­ches, il est aujourd’hui abso­lu­ment impos­si­ble de savoir le nombre exact d’assas­si­nats per­pé­trés par la France parmi les Algériens. Tout a été fait pour que cet énorme mas­sa­cre soit le plus pos­si­ble dis­si­mulé à l’opi­nion publi­que. On peut esti­mer cepen­dant qu’il y a eu à ce moment-là plu­sieurs dizai­nes de mil­liers de bles­sés algé­riens, pas loin de cent mille. Selon l’armée amé­ri­caine cet énorme mas­sa­cre de la France de de Gaulle, par l’armée fran­çaise, la police et les mili­ciens, aurait fait 45.000 morts. C’est le chif­fre, qui peut sem­bler peut-être vrai­sem­bla­ble, retenu offi­ciel­le­ment désor­mais par les Algériens.

Dans la mati­née du fati­di­que 8 mai, en guise de riposte à cette mani­fes­ta­tion paci­fi­que, la police ouvrit le feu... Plusieurs d’entre acteurs et témoins encore en vie sont ainsi soumis à la souf­france du sou­ve­nir et le devoir de dire ce qu’ils ont vécu, vu, entendu dire et se dire. Ils crai­gnent pour la pos­té­rité, l’amné­sie.

Parler à Sétif du 8 mai 1945 rend obli­ga­toire la cita­tion de noms-phares : Abdelkader Yalla, Lakhdar Taârabit, Laouamen dit Baâyou, Bouguessa Askouri, Gharzouli, Rabah Harbouche, Saâd Saâdna, Miloud Begag, Saâdi Bouras, Benattia, le Dr Hanous, le Dr Saâdane, Bachir Ibrahimi, et beau­coup d’autres que seul un tra­vail sérieux ins­ti­tu­tion­nel pour­rait les lister et en faire un fron­ton mémo­rial.

Le 8 mai 1945, un des plus atro­ces mas­sa­cres colo­niaux est per­pé­tré par cette France fraî­che­ment libé­rée. Et, à Sétif en Algérie, où est orga­ni­sée une mani­fes­ta­tion paci­fi­que indé­pen­dan­tiste par les mili­tants du PPA (Parti Populaire Algérien), le gou­ver­ne­ment fran­çais envoie l’armée, sous le com­man­de­ment du géné­ral Duval. Dans une répres­sion vio­lente contre la popu­la­tion civile, des navi­res de guerre tirent et l’avia­tion bom­barde la popu­la­tion de Sétif. 10.000 sol­dats sont enga­gés dans une véri­ta­ble opé­ra­tion mili­taire. Ils sont issus de la Légion étrangère, des tabors maro­cains, des tirailleurs séné­ga­lais et algé­riens. En outre, des mili­ces se for­ment sous l’œil bien­veillant des auto­ri­tés, et se livrent à une véri­ta­ble chasse aux émeutiers. Le géné­ral Duval déclare que « Les trou­pes ont pu tuer 500 à 600 indi­gè­nes. » Le nombre de vic­ti­mes est aujourd’hui estimé à au moins 30.000 morts.

Le drame est passé ina­perçu dans l’opi­nion métro­po­li­taine. Le quo­ti­dien com­mu­niste L’Humanité assure alors que les émeutiers étaient des sym­pa­thi­sants nazis ! Il faudra atten­dre le 27 février 2005 pour que, lors d’une visite à Sétif, M. Hubert Colin de Verdière, Ambassadeur de France à Alger, qua­li­fie les « mas­sa­cres du 8 mai 1945 de tra­gé­die inex­cu­sa­ble. » Cet évènement cons­ti­tue la pre­mière reconnais­sance offi­cielle de sa res­pon­sa­bi­lité par la République fran­çaise.

Pourtant, en ce jour de com­mé­mo­ra­tion de la liberté, de la fin du joug nazi, pas un mot ne sera dit sur ce mas­sa­cre de la France colo­niale. Rappellons qu’il en est d’autres (Madagascar 1947, Paris le 17 octo­bre 1961, Alger le 26 mars 1962...). Cette France qui fait tein­ter ses médailles aujourd’hui, à coup de célé­bra­tions idéo­lo­gi­ques, conti­nue de pra­ti­quer le déni his­to­ri­que sur ses pro­pres crimes.

Aujourd’hui seront rapel­lés la bar­ba­rie nazie et les crimes de Vichy.
Aujourd’hui seront oubliés les crimes colo­niaux, ou encore le fait que les der­niers camps de concen­tra­tion en France pour Tziganes n’ont fermé qu’en 1946, que Papon n’a jamais été inquiété pour les crimes qu’il a commis en tant que préfet de la Ve République, la nôtre.

Les crimes commis par la France sont struc­tu­rels. Non Nicolas, cette France-là nous ne l’aimons pas.

D i s s i d e n c e . f r

P.-S.

Sources :

- livre de Boucif Mekhaled « Chroniques d’un massacre 8 mai 1945 Sétif Guelma Kherrata » (1995, Syros, au nom de la mémoire)

- site Setif info (Ce site a recopié un article du journal El Watan dont les informations ne sont plus archivées).

- et quelques témoignages qui se recoupent de Lyonnais originaires de Sétif.

Notes

[1] Parmi la population européenne d’Algérie certains disent a contrario que ce massacre abominable d’Algériens “faisait suite à l’assassinat d’une centaine d’Européens par des indépendantistes”. Qui croire ? Il semble que ce soit vraiment l’inverse, et que ce soit la plupart du temps par défense ou par riposte que des Européens ont été blessés ou tués. En tout cas, tout ce pan de notre histoire a été méticuleusement occulté par la France et l’armée française qui a tout fait pour détruire toutes preuves et empêcher qu’une réelle enquête puisse être ordonnée... Cependant, même si les traumatismes sont encore bien présents, il nous reste suffisamment de témoignages sérieux.

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8 mai 2011 7 08 /05 /mai /2011 08:28

Depuis les années 2000 apparaissent en Europe des jeunes femmes portant un voile intégral, en général un niqab qui recouvre tout le visage sauf les yeux, dans la tradition des pays arabes du golfe persique. On pourrait croire que la résurgence de ce voile relève d’une imposition masculine, et (ou) d’une poussée de radicalisme islamique. Or ce qui en prend l’apparence et est perçu comme telles par les autres, n’est ni l’une ni l’autre pour ses protagonistes. Ce voile - spécifiquement celui que se développe maintenant dans les sociétés industrielles avancées et non le voile musulman en général - est non seulement majoritairement volontaire mais hypervolontaire, si l’on peut dire : il traduit un désir d’ascétisme, de changement existentiel total, le désir d’une reconversion radicale, d’exhiber son identité, de la rendre visible. C’est aussi parce qu’un tel vêtement est pénible à porter qu’il est désiré, car il exprime ainsi non pas la soumission à un ordre social, à une culture archaïque, mais un choix profond, contraignant et… ostensible. C’est un voile de distinction, entendons une façon de se distinguer aux yeux de Dieu et… des autres, il n’est donc pas prosélyte. Si tout le monde le portait, il en deviendrait moins désirable. Le problème n’est pas de savoir, comme il a pu être discuté dans les médias, s’il s’agit d’un “vrai” accoutrement musulman. Les Evangiles ne prescrivent pas de se vêtir d’une manière ou d’une autre, ce qui n’empêche pas les Souverains Pontifes successifs de l’Eglise catholique et romaine de porter des bijoux symboliques ; ce qui n’empêche pas non plus des millions de chrétiens d’arborer fièrement une croix sur leur poitrine.
Ce sont les motivations des fidèles qui importent, le sens de leur désir. L’expression de la foi se traduit d’ailleurs toujours, même si l’habit ne fait pas le moine, par une tenue, au sens de se tenir, de se mouvoir d’une certaine manière, mais aussi de se vêtir d’une certaine manière. Si la foi ne se démontre pas, force est dès lors de constater qu’elle se montre. C’est même parce qu’elle ne peut absolument pas, par nature, se démontrer que la foi a besoin en contrepartie de se montrer, qu’elle a besoin de lustre, d’éclat, de décorum. Au point que l’on définit parfois le sacré par ce décorum. Par le décor, par la pompe et par l’habit, un lieu, un moment ou un mode de vie sont sacralisés. Les bijoux, les parures, racontent l’histoire de ce que nous voudrions être. Ce qui distingue extérieurement un temple d’un simple bâtiment, c’est aussi sa parure. Prendre une résolution consiste, d’abord, à se raconter cette résolution, à s’en donner des preuves tangibles, visibles dans la glace le matin, jetant un œil discret sur l’arrangement de notre physionomie. Changer, c’est changer ses habitudes alimentaires, son habillement, radicalement parfois, en se perçant de part en part de bijoux de métal, se maquillant et se vêtissant en noir ébène comme les jeunes adeptes du gothisme. Sans aller jusqu’à l’entrée en religion stricto sensu, le seul fait de se raser, de se vêtir autrement, participe à l’état d’esprit d’une journée que l’on veut réussie, participe à renforcer une intention. Or, il s’agit exactement de cela chez ces femmes et jeunes filles qui arpentent fièrement les rues des grandes métropoles occidentales en voile intégral. En tout cas, nous n’avons pu rencontrer aucune femme, même s’il y en a sûrement par hypothèse, qui déclare, même anonymement et après plusieurs mois de prise de contact régulière, se sentir contrainte. Qu’une telle contrainte existe dans certaines conditions sociales n’est pas l’objet de cet article.
L’enquête menée pendant près d’un an par Agnès de Féo, et soutenue par l’Observatoire du religieux (1), qui a donné lieu à un documentaire ethnographique saisissant (2), décrit les aspects innovants, hypermodernes, du voile intégral. La décision de porter ce vêtement apparaît très réfléchie, acte fort participant de la reconversion à un islam réimaginé, et déconnecté de son histoire traditionnelle. Les femmes qui le portent entendent “se retrouver”, “se rapprocher de Dieu” mais surtout “d’elles-mêmes”. Cette métamorphose intérieure s’exprime d’abord par un changement dans le décor (l’ameublement de leur habitation) et dans la présentation de soi (le voile intégral !). Elles tiennent, pour la plupart, un discours très libéral et rationnel, sur leur “engagement spirituel”, sur la voie qu’elles entendent suivre pour se transformer, sur le fait que chacun doit pouvoir exprimer ses engagements intérieurs comme il le désire.
Trois catégories apparaissent (3). Les jeunes filles ayant entre 17 et 29 ans, pour la plupart nées en France, issues de famille d’origine musulmane mais souvent ni croyantes ni pratiquantes. Comme dans le cas de Khadîdja, d’origine maghrébine, qui affirme que ses parents sont architecte pour l’un et médecin pour l’autre, et ne comprennent pas son attitude, mais qui dénie surtout à quiconque (à ses parents en priorité) le droit de juger son “choix”. Elle affirme qu’elle veut choisir sa vie, que personne n’a le droit de lui imposer une ligne directrice. Ces jeunes filles n’adhèrent en général à aucune organisation fondamentaliste particulière, mais entendent être des musulmanes totales si l’on veut, comme beaucoup de jeunes aujourd’hui entendent être totalement quelque chose, absolument différents, originaux et en même temps appartenir à un groupe, à un petit monde d’élus. Cette volonté d’appartenir totalement à un petit monde choisi, à un groupe, à une identité, est typique de l’hypermodernité. Célibataires pour la plupart, elles se projettent sur la scène d’un monde où elles s’apparaissent comme hypermusulmanes. Certains quartiers, comme la rue Jean-Pierre Timbaud à Paris, où les boutiques d’accessoires musulmans, les librairies “fondamentalistes” sont pléthore, deviennent, comme certaines rues gay, des lieux où il est de bon ton d’exhiber un style, de se montrer plus-que-musulman, musulman hype. Dans ce sens, les formes variées de la radicalité se déclinent, elles aussi, selon des modalités esthétiques. La modernité, d’ailleurs, est la liberté, juridiquement protégée, de vivre selon différents modes de vie, différentes modalités esthétiques, de suivre tel mode de pensée, telle religion ou telle autre, et de suivre aussi, vestimentairement, telle mode ou telle autre. Pousser à l’extrême, cette multiplication des modes, radicalisée dans leurs expressions volontairement visibles, autrement dit ostensibles, est exactement ce qui définit l’hypermodernité.
La deuxième catégorie de ces reconverties est aussi embarquée dans la quête du retour au “vrai” soi. Âgées entre 30 et 47 ans, ces femmes entendent s’amender d’un passé regrettable (du moins qu’elles disent regretter), qui aurait été empreint de mauvaises fréquentations, de délinquance, de promiscuités sexuelles, d’usage de drogue. Le voile intégral est, pour elles, une rédemption, une façon de changer intégralement de chemin. Soit elles sont célibataires (parfois divorcées), soit mariées. Dans ce dernier cas, elles imposent à leur époux leur propre exigence spirituelle et leurs principes dans la vie quotidienne. C’est une manière, aussi, de prouver à l’époux leur attachement et leur dévouement, et d’exiger en retour une fidélité pointilleuse. Le voile est donc ainsi un instrument de contrôle, un vecteur de puissance féminine au sein du couple.
Enfin, la dernière catégorie, beaucoup moins présente en Europe, qui se trouve surtout dans les pays majoritairement musulmans comme l’Indonésie, est celle du voile que j’appelle ménopausée. En effet, après la ménopause il n’est plus traditionnellement exigé des femmes musulmanes la même rigueur, la même pudeur que celle que l’on attend des jeunes (4), et c’est exactement ce moment qui est choisi par certaines d’entre elles pour porter le niqab. Cette reconversion, souvent soudaine, décrite par les intéressées comme une exigence de leur foi retrouvée, d’un revival, relève aussi, au moins de la coquetterie, au plus de la tentative d’entretenir le mystère sur leur âge réel et de maintenir ainsi une charge érotique. Ces femmes sont en général très évasives sur leur âge, éludant la question, et peuvent même, nous en avons fait l’expérience, aller jusqu’à se rajeunir par quelque pieux mensonge. Cette dimension érotique n’est pas absente dans les deux premières catégories : entretien du mystère d’une beauté qui se dérobe, se voile, et doit donc être méritée et conquise tant elle est extra-ordinaire. Ces catégories bien que schématiques, et très approximatives, apparaissent clairement à l’écoute attentive et continue des discours de ces femmes.
Ces femmes européennes qui décident de porter le voile intégral ne se refusent pas pour autant à faire du sport, à aller au cinéma, à sortir au restaurant, bien au contraire. Elles se veulent des croyantes modernes mais ascétiques, engagées dans une voie spirituelle rigoureuse. Si elles n’étaient pas d’origine maghrébine, subsaharienne ou pakistanaise, elles auraient pu choisir de devenir gothic, néo-bouddhiste, néo-hindouiste, de se lancer corps et âme dans un groupe new age, de devenir végétalienne, de se teindre les cheveux en jaune paille, de faire dix heures de méditation par jour et de réciter des mantras. L’islam était à la fois plus proche d’elles (nostalgie des racines) et dérobé (racines perdues), par conséquent plus désirable, mystérieux, et, en même temps, certes, sulfureux et provocant. La décision est souvent déclenchée par une “rencontre exceptionnelle”, quelqu’un qui fait figure de modèle, ou bien elle est un simple élément d’un contexte plus large, celui d’une résolution matrimoniale par exemple.
Nous avons affaire, indéniablement, à du fondamentalisme : désir de retourner à des fondements, à une pure origine (si pure qu’elle ne peut qu’en être imaginée). Mais ce fondamentalisme musulman nouveau ressemble à celui d’un néo-bouddhiste contemporain qui ne se contenterait pas comme la majorité de ses coreligionnaires européens ou américains de suivre quelques enseignements du dalaï-lama en cdrom et de faire un stage de méditation de temps à autre, mais se prendrait plus radicalement au jeu de la spiritualité en rasant ses cheveux, pour extirper la racine des désirs (ainsi que l’énoncent les textes), s’accoutrerait d’une saillante robe safran, et se baladerait hardiment et pieds nus sur le Pont Neuf à Paris ou dans Central Park à New York en pleine journée devant des touristes amusés. Seulement voilà, avec le voile intégral, les touristes ne sont pas amusés mais saisis par la peur. Parce qu’ils projètent l’image de l’islamisme, caractérisée au mieux par l’enfermement de ces femmes derrière cette “terrible prison de tissu”, au pire par une déclaration de guerre contre l’Occident, une machiavélique conspiration contre la démocratie, contre “nos” valeurs sacrées, dont ce vêtement auto-stigmatisant ne peut qu’être l’effrayant et intolérable emblème. Alors que, non seulement il ne s’agit pas d’une imposition, en général (5), mais d’un phénomène nouveau de décrochage entre le fondamentalisme islamiste (politisé, organisé en réseaux, avec une idéologie, un projet qui peut déboucher sur le terrorisme) et un nouveau fondamentalisme, individualiste, voire narcissique, proche du développement personnel, qui se caractérise par une volonté de changement intérieur, mystique, par un désir de retour aux fondements certes, mais apolitique et spiritualiste, ce qui le rapproche des néo-bouddhistes occidentaux. Un des points communs de ces femmes est de n’appartenir, pour la plupart d’entre elles, à aucune organisation islamique spécifique, de ne se soumettre à aucun réseau, et de n’être sensibles qu’au discours spiritualiste.
Le simple voile, qui s’est développé chez les jeunes filles et les femmes musulmanes dès les années 80, traduisait déjà un revival, avec une tendance esthétisante, que j’avais déjà appelé à l’époque le voile de distinction, mais aussi avec une tendance fondamentaliste plus politisée, réactionnelle, réagissant au fait de se sentir une minorité oppressée. En revanche, ce simple voile n’avait pas la signification spiritualiste new age que l’on retrouvait à l’époque exclusivement chez les néo-soufis (6).
Paradoxalement donc, cette nouvelle radicalité, qui s’habille d’une certaine excentricité, ne traduit pas une résurgence de l’islamisme, mais plutôt son décrochage, sa perte d’audience relative dans les nouvelles générations de musulmans au profit d’une spiritualisation dépolitisée, qui n’existait pas à ce point dans les années 80. Non pas infiltration islamique de la modernité donc, mais au contraire, et contrairement aux apparences, infiltration hypermoderne de l’islam. Le niqab fait aujourd’hui partie des objets religieux mondialisés qui se retrouvent non seulement en Europe, mais aussi en Australie, aux États-Unis, au Canada, (etc.), avec les mêmes profils d’individus hypervolontaires qui entendent dire fièrement et ostensiblement avec leur corps, comme Menahal Begawala, jeune femme de 28 ans d’origine indienne élevée dans le Queens : “je suis musulmane” (7). Que porter ce vêtement paraisse masochiste à certaines, qu’il le soit d’ailleurs, ne change rien au fait qu’il s’agit d’une expression – inattendue peut-être, agaçante sans doute ! – d’un désir. Ces femmes n’ont véritablement pas le sentiment de brider leur corps, de l’étouffer (encore une fois celles avec qui nous avons été en contact), mais de faire quelque chose avec lui, de le rendre plus précieux (si ce n’est, pour certaines d’entre elles, désirable), de le spiritualiser. Cette tendance – comme il y a des tendances dans l’évolution des modes (des trends) – est d’ailleurs aussi inattendue et angoissante pour la plupart des musulmans classiques, aux États-Unis comme en Europe, que pour les non musulmans. Par ailleurs, et pour finir, et puisque les voix anti-niqab (8) les plus virulentes s’élèvent au nom de la lutte contre la domination masculine, je crois qu’il n’y a pas pire manifestation de domination masculine que d’estimer que ces femmes ne sont pas capables de dire ce qu’elles pensent, comme si nous avions affaire à des incapables au sens juridique du terme, des personnes mentalement retardées. N’accorder aucun crédit à leur parole alors même qu’elles argumentent, expliquent, illustrent en général leur choix, et répéter inlassablement (et mécaniquement), qu’elles sont manipulées, relève d’une forme discrète, mais très efficace, de mépris. Réduites comme elles le sont à de vulgaires potiches, à de pauvres femmes qui ne peuvent pas, par principe, savoir ce qu’elles veulent, et qui, en premier lieu, ne peuvent pas vouloir une chose pareille, il convient de prendre, pour elles, dans leur intérêt, des mesures protectrices, comme l’on protège un enfant contre lui-même, ou… une femme contre elle-même dans la plus belle tradition politico-médicale de contrôle de l’hystérie au XIXe siècle si bien décrite par Michel Foucault. Ce sont d’ailleurs de telles mesures, entre hygiène publique et rééducation républicaine, que réclamait le président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale : envoyer des médiatrices dans “les quartiers” pour faire revenir ces femmes dans le droit chemin, les déniaiser en quelque sorte, et, en cas d’échec de cette rééducation républicaine, passer à proprement parler à la contrainte par corps !
Raphaël Liogier
le Voile intégral comme trend hypermoderne / 2010
publié dans Multitudes n°42, Gouines rouges, viragos vertes
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7 mai 2011 6 07 /05 /mai /2011 22:15

 

Lundi, un détenu de la maison d’arrêt de Varces a pris en otage un maton, pendant une heure, sous la menace d’une arme qu’il avait fabriquée. La presse relate les faits en mettant l’accent sur le fait que le prisonnier a un suivi psychiatrique, pour le différencier des autres détenus, et présenter un acte de révolte et d’attaque comme le symptôme d’une personne malade.

« Vers 17 heures, un détenu a en effet profité d’une visite programmée dans l’Unité de consultation et de soins ambulatoires (Ucsa) pour menacer le personnel médical à l’aide d’une arme blanche. Une arme artisanale fabriquée avec une lame de rasoir. (...) Retranché dans une salle, le forcené aurait alors ingurgité une importante quantité de médicaments. Le surveillant aurait ensuite réussi à lui échapper et à quitter la pièce. Plusieurs surveillants sont alors intervenus et sont parvenus à maîtriser le détenu, visiblement sous l’effet des médicaments qu’il venait d’avaler. La prise d’otage aura donc finalement duré une demi-heure environ. » (le 05 mai) http://www.ledauphine.com/isere-sud...

Pourtant, si l’on lit entre les lignes, et si l’on met en relation cet acte avec d’autres informations récentes, la situation à l’intérieur de la taule est plutôt tendue. En effet, au mois d’avril, des matons ont fait grève dans différentes taules pour réclamer des « meilleures conditions de travail », parlant de violences à l’intérieur de la taule. Toujours selon le daubé,

« Une trentaine de surveillants de la prison de Varces (Isère), en grève, bloquaient lundi matin l’entrée de la maison d’arrêt pour réclamer de meilleures conditions de travail. "Nous en avons ras le bol des agressions, des menaces de mort et des insultes quotidiennes", a déclaré Jérôme Poulain, représentant syndical de l’Union Fédérale Autonome Pénitentiaire (Ufap-Unsa). » (le 11 avril)

http://www.ledauphine.com/isere-sud...

Qu’on ne s’y trompe pas, quand ils demandent de meilleures conditions de travail, c’est de plus de moyens, humains et techniques, dont il s’agit. Plus de matons, plus de prisons, plus de caméras, plus de barbelés, plus hauts, des cours plus surveillées... tout cela avec comme objectif d’enfermer toujours plus, et de mater toujours plus à l’intérieur.

Ce qui n’empêche pas les résistances ! Le même jour que la prise d’otage à Varces, a lieu la séquestration d’une surveillante dans un établissement pour mineurs à Marseille. Le détenu est ensuite allé libérer trois camarades, malheureusement ils n’ont pas pu aller très loin...

« Un peu plus tôt, lundi soir, c’est à Marseille qu’une surveillante s’est fait agressée. A l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM), un adolescent de 17 ans a frappée une surveillante dans un couloir avant de la ligoter et de lui poser un bâillon, rapporte l’AFP citant un syndicaliste de l’Administration pénitentiaire. Après avoir récupéré les clefs de la surveillante, le jeune a libéré trois détenus âgés de 15 à 17 ans, avec lesquels il a tenté de fuir, avant d’être bloqués par le personnel de l’établissement. Ils ont été placés en garde à vue à la brigade des recherches et mandats (BRM) pour tentative d’évasion et séquestration. » http://www.metrofrance.com/info/pri...La semaine précédente, c’est dans un Établissement Pénitentiaire pour Mineurs à Meyzieu qu’avait eu lieu une prise d’otage de surveillants, et il y a quelques jours, en Dordogne à Neuvic, suite au décès d’un détenu qualifié de suicide par l’administration pénitentiaire, des détenus se révoltent collectivement.

« Vendredi soir, une quarantaine de prisonniers n’ont pas voulu réintégrer leurs cellules. Des renforts ont dû intervenir. Le centre de détention de Neuvic a connu une soirée mouvementée vendredi. Vers 18 heures, quelque 38 détenus qui se trouvaient dans les deux cours de promenade ont refusé de réintégrer leurs cellules tandis qu’une quinzaine se sont enfermés à l’intérieur. « Il semble que le déclencheur soit le suicide d’un détenu découvert le matin », indique Ivan Steinkevich, délégué FO Pénitentiaire au centre de détention de Neuvic. Vendredi matin, le corps d’un Girondin de 31 ans a été découvert (lire « Sud Ouest » de samedi). L’homme, issu de la communauté des gens du voyage, avait été transféré en octobre dernier de la maison d’arrêt de Gradignan (33) et était surveillé pour ses tendances suicidaires. L’autopsie a confirmé la mort par pendaison et exclu une intervention extérieure. Afin de ramener le calme, des hommes des équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris) de Bordeaux et Toulouse sont intervenus. Ces 35 gardiens sont spécialement formés pour ce type de situation. « Leur professionnalisme a permis de régler la situation sans heurts ni blessures », précise Ivan Steinkevich.

Huit prisonniers transférés

Cependant, des dégradations ont été commises. Les concertinas (sorte de fils barbelés) ont été endommagés, tout comme les serrures de certaines cellules dans lesquelles les détenus avaient glissé des allumettes. Huit prisonniers considérés comme les meneurs de cette rébellion ont été transférés vers d’autres centres de détention de la région. Quelques membres des Eris sont restés sur place une partie du week-end.

La prison de Neuvic n’avait pas connu ce type de mouvements depuis plusieurs années. Considéré comme plutôt calme, le centre n’échappe cependant pas aux actes de mécontentement envers les agents. D’ailleurs, c’est vendredi 6 mai que le détenu qui avait frappé un gardien au visage, le 29 mars, comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Périgueux »

http://cettesemaine.free.fr/spip/ar...

En prison on est complètement assujetti à l’arbitraire de l’institution et de ses exécutants, on ne devrait qu’obéir, se taire, demander des autorisations et espérer des faveurs. On devrait, plus encore qu’à l’école, au travail et dans la famille, se soumettre à l’autorité et espérer tirer son épingle du jeu... alors ses mouvements de révolte , collectifs et ou individuels, sont une bouffée d’air frais, pour un monde sans prison, ni autorité ! Solidarité avec les révoltes des détenu-es !


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15h à 16 h

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pour les proches de détenu(E)s...

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du 22 juillet