Nous avons choisi de publier un article tiré du numero du combat syndicaliste N°226 mars Avril
2010
Le vendredi 5 décembre dernier, nous étions une dizaine de la coordination antinucléaire
à avoir essayé de perturber le bon déroulement d’un colloque à Lille portant sur la « Préparation au post accidentel nucléaire ».
Ce colloque organisé par l’association EDA (Environnement et Développement Alternatif)*dans une salle du Grand Siècle, avait réuni pour l’occasion différents intervenants de la nucléocratie française de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire), de l’IRSN (Institut de radioprotection et de Sûreté Nucléaire), du CEPN (Centre Etude sur l’Evaluation de la Protection dans le domaine Nucléaire), le directeur de la centrale nucléaire de Gravelines, le HCFDC (Haut Comité Français pour la défense Civile), différents élus de Gravelines, de Lille et de la région Nord – Pas-de-Calais. Y étaient associés de supposés antinucléaires comme Monique Sené, Jean- Claude Autret de l’ACRO (Association pour la Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest), Jean-Claude Delaborde Président de l’association nationale des CLI (Comités Locaux d’Information) qui se veulent les représentants de toutes les composantes de la Société Civile et surtout des élus. A tout ce beau monde, nous devons ajouter l’expert en communication Gilles Hébrard Dubreuil de l’entreprise Mutadis Consultant. Expert en maquillage dont le travail consiste à devoir rendre attractif n’importe quel produit en utilisant les mots appropriés afin de le promouvoir. Un « fils de pub » en quelque sorte !
Devant ce panel d’experts de toutes sortes, nous avons tenu à marquer notre désapprobation à l’encontre de cette entreprise de banalisation dans laquelle on parle par exemple d’ « évènement radiologique » au lieu d’accident majeur, langage étudié afin de minimiser la catastrophe et sa perception. Il était également question d’une certaine « montée en puissance citoyenne » afin de flatter l’importance du citoyen et ainsi lui faire accepter ce qui a été imposé et décidé sans lui, c'est-à-dire le nucléaire et sa future catastrophe. Si pendant des décennies, cette catastrophe a été déclarée comme impossible par les nucléocrates de tous poils, dorénavant, nous sommes dans la gestion postaccidentelle et c’est déjà un peu la catastrophe sans sa contamination. Ces spécialistess’attendent au pire tout en continuant de sevendre et de promouvoir cette activité mortifère. Mais ces nucléocrates essaient encore de nous rassurer et quand l’un d’eux, de l’IRSN, déclare « Il faut se préparer au pire même si cela est improbable ». Reste à douter de sa conscience du pire à coté de l’emprisonnement sanitaire et militaire auquel il nous condamne à plus ou moins long terme. Le qualificatif « improbable » est non seulement cynique au regard des conséquences énormes que peut avoir un tel accident mais contredit la débauche de moyens financiers et logistiques mis en place afin de nous faire avaler cette entreprise de communication. Nous prennent-ils à ce point pour des imbéciles pour essayer de nous faire croire que l’Etat ou ses relais associatifs dépenseraient autant d’argent et d’énergie pour de l’ « improbable » ? Ce qui ne l’est pas, c’est le coût du financement de tous ces intervenants présents à ce colloque, même si Michaël Petitfrère de l’IRSN semble réclamer plus de moyens pour ce genre d’opération de propagande comme il le précise en termes plus feutrés dans le dossier ressource colloque EDA. Il y avait entre cinquante etcent personnes dans la salle qui, après leur inscription,recevaient un dossier d’une vingtaine
de pages dans une pochette cartonnée présentant les différentes interventions de ce colloque.L’intervention qui n’était pas prévue au programme, c’était la notre quand nous avons réussi,
sans micro, à interrompre cette duperie en nous imposant haut et fort par la parole contre ces vendus, en leur précisant ce que nous pensions de leurs manigances. Cela a été de courte durée mais il n’était, de toute façon, pas question d’entreprendre une discussion avec eux pour ne pas cautionner ce genre d’enterrement et nous pensons que nos raisons ont été bien comprises de la salle. Les experts s’attendent de plus en plus, avec le vieillissement des centrales, à un accident grave comme celui de Tchernobyl et ce qu’ils redoutent le plus, ce sont des accès de violence de la part de la population si un tel accident arrivait. C’est justement pour mieux les contrôler et les désamorcer qu’ils adoptent la stratégie d’essayer d’impliquer et d’intégrer les opposants,les élus locaux aini que les simples citoyens dans la gestion de cette future catastrophe nucléaire. S’ils ne font pas, pour l’instant, beaucoup de battage médiatique autour de ce genre de réunions, elles n’en sont pas moins stratégiques pour eux et cela relève d’une opération graduelle d’adaptation. Pour une société nucléaire durable, les gestionnaires
politiques et scientifiques ont besoin de ce simulacre de démocratie participative avec ou sans catastrophe majeure. Pour cela, il leur faut culpabiliser, responsabiliser, corrompre et flatter les futurs liquidateurs, les opposants, les mécontents et ainsi contrecarrer au mieux tout mouvement de révolte qui pourrait se radicaliser. On peut inscrire également ce genre de colloque dans la continuité des programmes de réhabilitations de terrains contaminés élaborés avec les programmes européen Core,
Ethos et Sage en France. Il est également une sorte de prolongement du grenelle de l ’ env i ronnement sans en avoir fait partie. Il révèle aussi une sorte de paritarisme tendant à se généraliser à l’ensemble de la société, à l’image de celui qui a si bien fonctionné avec le mouvement ouvrier pour le corrompre et le neutraliser. Si le syndicalisme institutionnel a fini par avoir besoin des patrons et de l’Etat pour survivre, les associations environnementales se réclamant d’un développement durable pour gérer l’existant, se retrouvent à vivre des nuisances contre lesquelles elles sont censées s’opposer afin de conserver leurs subventions. Sous prétexte d’essayer d’en limiter les conséquences, survie oblige, en jouant la carte du moins pire qu’est le réformisme, elles conduisent en réalité à accepter l’inacceptable et l’invivable à long terme. Nous refusons la cogestion citoyenne absurde de cette République nucléaire et totalitaire. Avec un accident majeur, nous serons encore plus entraînés dans des logiques sécuritaires, de survie individuelle, d’hystérie sanitaire, d’une dictature dont nous ne voulons pas. C’est principalement
pour ces raisons que nous refusons de discuter, de négocier quoique ce soit qui pourrait nous amener à cautionner ou collaborer à notre propre emprisonnement, à notre souffrance programmée. Nous n’attendons pas de nos empoisonneurs qu’ils nous sauvent. Sommairement ce sont les raisons de notre intervention, c’est aussi celles qui expliquentle mieux notre position : Arrêt immédiat du nucléaire. A chacun de savoir si oui ou non nous voulons faire arrêter cette entreprise immonde le plus rapidement
possible. Si cela reste le plus sûr moyen pour limiter la radioactivité quis’accumule et qui nous pourrit la Vie, il serait illusoire de croire pouvoir l’arrêter sans remettre en question l’état, le capitalisme et le monde scientiste qui nous l’ont imposé. Afin d’étayer notre intervention, nous avons distribué
le matin, devant le bâtiment du Grand Siècle, le tract qui suit « l’atome citoyen » appuyé par quelques
banderoles dont celle -ci : « Vous avez aimé Tchernobyl, vous adorerez Gravelines »
Imaginez un accident à la centrale atomique de Gravelines, la plus puissante d’Europe : sirènes hurlantes, plaquettes explicatives, calfeutrage des fenêtres, l’armée sur toutes les routes pour contenir les 4 millions de nordistes, interdiction de manger les produits récoltés et la viande produite dans la région... Bref, tout le monde crève ou attend son cancer généralisé, et la région est inhabitable pour des centaines d’années.
A « nouveau siècle », néo-nucléaire : après avoir nié, 50 ans durant et de toutes leurs forces statistiques, la possibilité de l’accident majeur en France, les nucléocrates viennent faire enregistrer leur nouvelle doctrine : nous aurons bel et bien notre Tchernobyl, mais il nous appartiendra de « gérer » nous-mêmes le désastre, sous le contrôle « citoyen » des militaires, des « élus » et autres « acteurs de la santé » ; il s’agirait ainsi de se « concerter » dès maintenant pour préparer ce « post-accidentel » auquel nous n’échapperons pas.
Le coming out de la nucléocratie ne lésine pas sur le jargon participatif à la mode : « gouvernance » du risque, entrée dans la « transparence », implication « citoyenne ». L’énormité de l’arnaque ne devrait soulever en temps normal que mépris et indignation, et ne trouver face à elle qu’une salle vide. Elle va pourtant rencontrer ici même des admirateurs et des complices.
Que l’Etat et les experts de l’atome nous fassent sentir tout leur pouvoir d’usurpation, cela n’a rien de surprenant ni de très nouveau. Mais ce n’est pas seulement l’oppression qui s’avance, c’est la servitude volontaire. Ces politiciens, ces techniciens et ces bureaucrates n’ont pas eu besoin de s’imposer, ils ont été cordialement invités à « débattre » par une officine locale de « développement durable ».
Participer, c’est adhérer : les contre-experts citoyennistes ici présents ou présents par la « pensée », n’aspirent qu’à cogérer avec le pouvoir les nuisances en cours et à venir. Ils veulent des places, ils en auront. Encore un peu de servilité et ils se verront déléguer le plein exercice du contrôle total qu’ils appellent de leurs voeux.
Pendant les colloques, les contaminations quotidiennes et les pollutions irréversibles continuent. La contamination sous contrôle citoyen, c’est toujours la contamination. La préparation à la catastrophe, c’est déjà la catastrophe. Il n’y a pas à ergoter plus longtemps sur la question nucléaire, pas plus qu’à établir scientifiquement des « plans » de sortie à grand renfort d’énergies renouvelables industrielles. N’apprenons pas à « vivre avec » le nucléaire, comme on nous l’ordonne ; luttons contre la société qui le produit !
Conseil des Ennemis de l’Atome (C.E.A), 4 décembre 2009
Tant il est vrai que nous ne sommes pas en Russie A suivre… plus nombreux si possible, car ce genre d’opération de manipulation ne manquera pas de se reproduire.