Copié sur mondialisme.org. Nous reproduisons ce texte car cette intervention devrait succiter un débat et des réactions dans les villes française qui hébergent des
casernes.
Introduction au débat
Dans le monde réel et dans un intervalle de temps proche : intervention approuvée par l’ONU ? Intervention uniquement de la CEDEAO comme le
demande Survie ? Intervention approuvée par le Parlement français comme le demande Mélenchon ? Toutes les solutions pratiques sont mauvaises vu les rapports de forces
actuels.
Donc il faut condamner l’intervention française au Mali, pour dire qu’elle aura des conséquences sans doute aussi néfastes que celles en Irak ou en Afghanistan, et même certainement
aussi néfastes.
Mais une fois qu’on a dit cela, on avoue seulement notre impuissance à aider le peuple malien avec nos forces inexistantes et nos raisonnements déficients, faiblards, etc. On reste à un
niveau théorique, où l’on ne se compromet pas avec le réel, mais on a aucune solution à proposer aux Maliens sinon d’endurer les exactions des bandes islamistes, ou la constitution
d’un Etat islamiste à la talibane...
Je pense depuis longtemps que nos discours automatiques ne sont ni cohérents ni compréhensibles et qu’il nous faut travailler à les affiner avec les premiers intéressés : les
victimes de l’impérialisme et de l’islamisme. Or ces victimes ne parlent guère....
De plus, si l’on est cohérent avec le “Laissons les Africains se débrouiller eux-mêmes immédiatement” il faut rapatrier tous les Français et tous les Occidentaux de tous les pays d’Afrique, du
Proche et du Moyen Orient où ils sont des cibles.
Pourquoi pas ? Mais ce monde où les frontières se refermeront ne sera pas meilleur que le nôtre je le crains.
Y.C.
Nous reproduisons ci-dessous deux contributions envoyées par une lectrice et un lecteur de la revue “Ni patrie ni frontières”. Le débat est
ouvert.
***
S’inspirer en partie de la position d’Achcar ?
Oui, tu as raison, aucune des interventions dites « humanitaires » n’a été une solution, et on a que trop vu où elles ont mené, que ce soit celles
qui avaient pour dite-mission de protéger les peuples kosovar, irakien, afghan, puis le peuple lybien. Au sujet de l’ intervention de l’Otan à Benghazi, Gilbert Achcar avait énoncé le
problème et pris parti de façon limpide :
« On ne peut pas, au nom de principes anti-impérialistes, s’opposer à une action qui éviterait un massacre de la population civile Je suis resté
en cohérence avec ma position initiale, qui était que nous ne devions pas faire campagne contre l’intervention aussi longtemps qu’il y avait vraiment le besoin d’empêcher un massacre,
mais que nous devions néanmoins observer de près la situation et dénoncer tout ce qui allait au-delà de ce but premier. J’ai dit cela dès ma première interview publiée sur ZNet le 19 mars,
celle qui a provoqué un déluge de discussion. Et en effet, une fois ce but premier atteint, j’ai préconisé une campagne sur deux exigences indissociables : « Arrêtez les
bombardements ! Livrez des armes aux insurgés ! » Il n’était ni acceptable ni décent, à partir du confort de Londres ou de New York, de dire « Non à la zone d’exclusion
aérienne ». Ceux qui à gauche l’ont fait ont réagi, à mon avis, par réflexe anti-impérialiste irréfléchi, montrant peu de souci pour les personnes concernées sur le terrain. Ce n’est
pas ainsi que je comprends le fait d’être de gauche Cela étant, je n’ai jamais dit qu’à gauche, moi-même compris, nous devions soutenir l’intervention de l’OTAN en Libye, ou même soutenir
la résolution de l’ONU. J’ai critiqué cette résolution et dénoncé, dès le premier jour, le véritable mobile de l’intervention et le fait qu’elle avait un relent de pétrole. Mais j’ai dit
en même temps que nous ne pouvions pas nous y opposer d’emblée pour les raisons que j’ai expliqué. Une fois écartée la menace qui pesait sur Benghazi – et il n’a fallu que quelques jours,
une semaine ou dix jours, pour que les forces aériennes de Kadhafi soient définitivement écrasées — il devenait possible, voire nécessaire de s’opposer à la poursuite des
bombardements, qui allaient clairement au-delà de la mission initiale et officielle de protection. Là encore, en conformité avec ma conception de ce que signifie être de gauche — non
pas un anti-impérialisme réflexif et irréfléchi au premier chef, mais le fait de se préoccuper d’abord et avant tout de la libération des peuples de l’oppression — j’ai appelé la gauche à
faire campagne contre la poursuite des bombardements, à condition toutefois de faire campagne en même temps pour la livraison d’armes aux rebelles »
Tout y est :
ne pas faire campagne contre l’intervention demandée par la population et la rebellion
rappeler les limites de cette intervention
dénoncer ses buts non avoués mais évidents
faire campagne pour donner à rebellion / population les moyens en armes nécessaires à leur défense par elles-mêmes.
On est d’accord, la situation n’est pas identique. Ces principes exposés par Achcar sont forcément à modeler en fonction de la situation particulière du
Mali. Mais idéologiquement, le problème est le même.
Les limites de la position de G. Achcar rejoignent pourtant ce que tu exposes :
« observer de près la situation et dénoncer tout ce qui allait au-delà de ce but premier ». Où et comment pour que ça ait un impact ? Si on n’a à disposition que
les medias militants, on restera encore une fois entre nous pour accord ou débat, et ça sera déjà un exploit au vu de nos divisions et notre esprit de chapelle.
— « une campagne sur deux exigences indissociables (« Arrêtez les bombardements ! Livrez des armes aux insurgés ! »
) » : encore une fois, une campagne avec qui et comment ? Nos capacités de mobilisation sont faibles, et l’aliénation qui altère notre réflexion ne porte pas la majorité
des gens à s’occuper de ce qui se passe au loin, surtout si c’est dans une ancienne colonie, ni à s’occuper d’autre chose que de son propre univers individuel. Et en conséquence,
influence nulle sur les décisions du gouvernement.
- Et donc, non, ne « laissons (pas) les Africains se débrouiller eux-mêmes immédiatement”, ne nous opposons pas à l’intervention au Mali, mais comme le
fait Survie, montrons quelles en sont les limites et les risques, soyons vigilant/e/s et dénonçons tout ce qui ira au-delà des buts qui nous ont été exposés par le gouvernement.
- Et oui, comme il est manifeste que nous sommes impuissant/e/s, acceptons cette impuissance non comme une désespérante réalité mais comme une situation qu’il
nous faut saper, même si c’est long, même si nous savons que ni nous, ni même nos enfants ne verront les conséquences de cette entreprise, on n’a pas vraiment d’autre choix. Ca n’aide pas les
Malien/ne/s qui continuent à se faire violenter ou assassiner, mais ça nous permet au moins de continuer à réfléchir, à nous remettre en cause, à nous insurger ( mais hélas, simplement
au sens de « s’indigner », ). Oui, ça leur fait une belle jambe, aux Malien/ne/s et aux autres peuples opprimés
Constat de notre faiblesse, j’en arrive au même point que toi, et mon développement n’était sans doute pas nécessaire il reste « déficient, faiblard,
théorique ». « Travailler à affiner (nos discours et réflexions) avec les premier/e/s intéressé/e/s » nécessiterait la constitution de réseaux ou l’entrée dans ceux qui,
comme Survie, existent déjà et sont en lien étroit avec les gens du terrain. Sachant que ceux/celles qui y mettent leur liberté et parfois leur vie en danger, ce n’est pas nous, mais
ceux/celles qui sont sur place
Amitiés
Tamara