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Le 9 février dernier, une inspection de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a révélé un incident lié à l’intégrité des barrières de confinement de la matière radioactive à l’usine d’enrichissement de l’uranium Eurodif du Tricastin. Cet écart vient d’être rendu public plus de 20 jours après l'incident.

C'est inopinément que les inspecteurs de l’ASN ont constaté le surremplissage d’un conteneur qui a reçu 12 500 kilos d’hexafluorure d’uranium (UF6), au-delà de la limite fixée à 12 000 kilos. L'hexafluorure d'uranium (UF6) est un composé de l'uranium dont l'utilisation industrielle est liée au cycle du combustible nucléaire nécessaire pour les réacteurs nucléaires et les armes nucléaires. Sa synthèse chimique, qui intervient après l'extraction de l'uranium, fournit l'entrée au procédé d'enrichissement.

2012-02-25_usine_Eurodif_tuyauterie-enrichissement.jpgCe dépassement de volume admissible aurait été causé par... la défaillance de la vanne principale d’arrêt qui n’a pas pu activer la mise en service automatique d’une autre vanne. Face à la défaillance technique, un salarié-opérateur a du intervenir manuellement pour s'y substituer. Mais cette opération a pris du temps, temps pendant lequel le risque s'en est trouvé accru.

Eurodif, une autre filiale d'Areva comme la Socatri qui avait été impliquée dans l'indicent nucléaire de l'été 2008 (déversement accidentel de plus de 70kg d'uranium dans les rivières La Gaffière et l'Auzon), a du déclarer cet événement significatif pour la sûreté. L’ASN a demandé des actions correctives "au plus vite".

Une multitudes de défaillances quelques jours plus tard ... à la Socatri

Comme on le sait les installations nucléaires puisent en permanence de l'eau dans les rivières pour refroidir leur système de génération de vapeur et rejettent aussi des effluents radioactifs dans les-dites rivières. Que le niveau de l'eau vienne à augmenter (inondation) ou a manquer (sécheresse et gel) et la centrale nucléaire se trouve en perdition. La vague de grand froid qui a balayé la France et le Vaucluse pendant une dizaine de jours courant février a ainsi exposé la population à un risque nucléaire démultiplié.

Les inspecteurs de l'ASN ont conduit une inspection le 14 février 2012 sur l’installation SOCATRI (INB n°138) afin de vérifier le bon fonctionnement des installations et la disponibilité des systèmes de distribution d'eau, des systèmes de secours électriques et des autres systèmes susceptibles d'être impactés par la vague de froid, les inspecteurs ont contrôlé l’organisation mise en oeuvre par la SOCATRI pour gérer la période de grand froid et surveiller les systèmes requis pour assurer la sûreté des installations. Les inspecteurs sont aussi allés voir les cuves attenantes à la STEU, le camion « trois boules » et se sont rendus à l’extérieur de la casemate de dissolution et dans le local 56L.

Le bilan est accablant

. Les inspecteurs ont constaté que plusieurs installations étaient à l’arrêt, les conditions climatiques extrêmes ayant endommagé les réseaux d’eau industrielle, d’eau potable et d’incendie et rendu temporairement inutilisable le réseau d’air respirable.

. Les inspecteurs ont également constaté que SOCATRI ne disposait pas de consigne relative aux conditions climatiques extrêmes, décrivant les actions à mener en cas de prévision de grand froid et en anticipation du dégel. L’exploitant avait commencé à vidanger quelques canalisations en prévision de la période de « grand froid » mais ces opérations se sont révélées insuffisantes et n’ont pas suffi à préserver les installations du gel.

. L'organisation mise en place par la SOCATRI n'a pas permis d’anticiper certaines défaillances ni les opérations à réaliser en vue du dégel.

2012-02-25_usine_george_besse.jpg. La SOCATRI n’a pas mis en place de surveillance particulière du bon état des points bas des rétentions ni du bon fonctionnement de leurs détecteurs de niveaux. L'entreprise nucléaire ne s’est pas doté de moyens supplémentaires pour contenir une éventuelle pollution, tels que des kits antipollution, et n’a pas non plus fait de test de démarrage du groupe électrogène.

. Dans le local 56 L où se trouve un entreposage maillé de matières nucléaires, de l’eau gouttait au niveau d’une bride d’une canalisation en hauteur et s’écoulait dans le caniveau de rétention nord ainsi que sur les couvercles de certains fûts risquant de produire ainsi un vieillissement prématuré et un affaiblissement de leur résistance.

. La cuve T17, située en extérieur et qui dispose d’une rétention, est restée ouverte dans sa partie supérieure et donc exposée aux pluies et à la neige éventuelle qui se mélangent allégrement à son contenu. Conséquence : en cas de surremplissage, les eaux excédentaires sont envoyées vers la station de traitement des effluents.

. Les trois aérothermes de l’Atelier de Dissolution Matière (ADM) indispensables pour éviter toute cristallisation des solutions contenues dans les cuves de dilution isotopique en cas de perte du réseau d’eau surchauffée ne sont pas contrôlés régulièrement, augmentant ainsi les risques de perte de mesures et de contrôle.

. Une directive interne d’AREVA recommande que l’air respirable soit utilisé entre 15 et 30 °C. Or la Socatri autorise de son propre chef l’utilisation de l’air respirable à partir de... 11 °C. Ce non-respect ne plait guère aux inspecteurs qui demandent à l'entreprise nucléaire de leur transmettre les éléments d’analyse qui lui ont permis de ne pas respecter les consignes.

. Cerise sur le gâteau : la SOCATRI n’avait pas encore consigné au jour de l'inspection de l'ASN l’ensemble des anomalies et des défaillances provoquées par le gel lui permettant notamment de remédier aux défaillances lors de cette vague de grand froid.

JR