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le blog du laboratoire anarchiste

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4 janvier 2013 5 04 /01 /janvier /2013 21:41

Le capitalisme chinois qui investit sur le nucléaire et aussi sur la gestion des déchets chimique. tout ceci grace au fluide miraculeux; le fluide supercritique.

Entretien avec Charles Reeve

 

Tu as écrit plusieurs livres sur le capitalisme d’État chinois. La Chine est devenue une puissance commerciale dans le capitalisme mondialisé. Certains expliquent simplement sa force par la non-convertibilité de sa monnaie et son régime répressif. Les luttes ouvrières s’y développent pourtant, ou en tout cas on en entend davantage parler. En l’absence de syndicalisme indépendant, s’agit-il toujours de grèves sauvages ou la situation est-elle plus complexe ? S’agit-il toujours de luttes cantonnées à une seule entreprise ou y a-t-il des formes de coordination, ou simplement d’extensions, à des branches ou des villes ?

Brève mise au point… Il peut y avoir syndicalisme indépendant et grèves sauvages. Une grève est sauvage par rapport à la stratégie de la bureaucratie syndicale, fut-elle indépendante des partis. Et un syndicat indépendant qui fonctionne selon le principe de la négociation et la cogestion, est opposé à toute action autonome des salariés pouvant déranger sa nature « responsable » et « réaliste ». La grève sauvage est une action qui montre que les intérêts des travailleurs ne coïncident pas nécessairement avec les objectifs du syndicat, institution négociatrice du prix de la force de travail. Inversement, il y a eu dans l’histoire du mouvement syndical, aux États-Unis et en Afrique du Sud par exemple, des grèves sauvages sur des objectifs réactionnaires, parfois même racistes.

En Chine, la situation est certes complexe. Le syndicat unique (ACFTU, All China Federation of Trade Unions), est lié au parti communiste et a joué pleinement son rôle de police de la classe ouvrière pendant le maoïsme et après. Depuis l’ « ouverture » (au capitalisme privé), il est devenu une gigantesque machine de gestion de la force de travail au service des entreprises, y compris les entreprises privées étrangères dans les Zones Économiques Spéciales. Il est totalement discrédité auprès des travailleurs. Il est perçu à la fois comme la police et un appendice de la direction des entreprises. Depuis quelques années, la bureaucratie du Parti communiste a fait des efforts pour restituer au syndicat unique un semblant de crédibilité. Ainsi, par exemple, des campagnes démagogiques furent lancées pour « organiser » les mingong, c’est-à-dire pour introduire un certain contrôle du parti dans ces communautés ouvrières marginalisées, des immigrés de l’intérieur sans papiers, à l’intérieur de leur propre pays. Tout cela fut sans effets ni suites et l’image de l’ACFTU auprès des travailleurs n’a pas changé. Parfois, le pouvoir central fait pression pour que les instances de l’ACFTU se positionnent contre telle ou telle direction d’entreprise à capitaux étrangers. Puis, dans des luttes récentes, on a vu à nouveau les nervis du syndicat attaquer des grévistes et des piquets en défense de ces mêmes entreprises. Preuve que cette organisation reste, par sa nature, foncièrement réactionnaire et du côté du pouvoir, de tous les pouvoirs.

Curieusement, certaines organisation d’esprit syndicaliste indépendant, tels le China Labour Bulletin (Hongkong) continuent, contre vents et marées et à l’encontre de ce qu’ils analysent eux-mêmes, à parler d’une possible transformation du syndicat unique dans un « vrai syndicat » de type occidental. Ils s’appuient sur l’attitude de quelques bureaucrates locaux et régionaux (surtout dans le sud, le Guangdong) qui tentent de jouer un rôle négociateur afin de déminer la situation explosive existante. Les militants de ces organisations indépendantes (comme le China Labour Bulletin) sont imprégnés de la vision traditionnelle du mouvement ouvrier. Pour eux l’organisation « naturelle » des travailleurs est le syndicat et seul le syndicat peut exprimer la conscience ouvrière, qui, sans l’aide des « politiques », ne peut dépasser la conscience trade-unioniste. On connaît le discours. Ils en sont encore aux valeurs et principes du vieux mouvement ouvrier qui se rattache à l’idée social-démocrate d’antan.

En Chine, il n’y a pas de syndicalisme indépendant et il n’y en aura pas tant que la forme politique du Parti-État perdurera. Vu la force du mouvement gréviste depuis maintenant des années, l’absence d’organisations créées à partir de la base témoigne du degré de répression du pouvoir. Et toutes les grèves sont par définition sauvages, puisqu’elles doivent se faire hors de l’autorisation et du contrôle de l’ACFTU. Or, tout mouvement, toute lutte, impliquent une organisation, principe de lutte ouvrière. En Chine on se trouve face à des organisations éphémères, des comités de grève informels, animés par les travailleurs(euses) les plus militant(e)s. Ces organisations disparaissent toujours après la lutte. La plupart du temps, ces travailleurs plus actifs et courageux payent de leur personne, ils sont arrêtés, disparaissent dans l’univers carcéral. Il semble que, depuis un certain temps, le pouvoir est plus tolérant, moins féroce dans la répression. Ces organisations informelles ne sont pas reconnues mais on les réprime moins. Ce changement d’attitude est à mettre au crédit de la crise profonde et complexe de la classe politique chinoise, de ses divisions internes. Une des facettes de cette crise est la fracture existante entre les pouvoirs locaux et le pouvoir central, ce dernier allant jusqu’à soutenir parfois les grévistes pour mieux affaiblir les potentats locaux. De leur côté, les grévistes tentent aussi de jouer sur ces divisions et antagonismes pour obtenir satisfaction. Et le syndicat unique traversé par les divisions fractions du pouvoir politique est d’autant plus paralysé.

La dernière tentative de création d’une structure ouvrière permanente, d’esprit syndicaliste et indépendante du parti communiste, date de 1989, lors du Printemps de Pékin, avec la constitution de l’Union Autonome des Ouvriers. Le massacre de Tian’anmen, le 4 juin, frappa tout particulièrement ses militants (Charles Reeve et Hsi Hsuan-wou, Bureaucratie, bagnes et business, Insomniaque, 1997).

Il existe aujourd’hui un réseau d’ONG, souvent créées à Hong Kong, qui comblent le vide et jouent un rôle syndical, en évitant précautionneusement toute confrontation politique avec le pouvoir. (Pun Ngai, Avis au consommateur, Insomniaque, 2011)

Jusqu’à très récemment, les luttes ouvrières restaient isolées à des entreprises ou régions. Il faut pourtant relativiser cet isolement et reconnaître que la situation change. Isolement ne veut pas dire séparation. Il y a une unification qui se fait par les revendications communes, par la conscience de partager l’énorme mécontentement social, d’appartenir à la société des exploités, de s’opposer à la mafia du pouvoir et des capitalistes rouges. Le rôle des nouvelles technologies, de la blogosphère en particulier, est primordial (Les mots qui font peur, Insomniaque). On serait presque tenté de dire que les informations circulent aujourd’hui plus vite en Chine que dans les sociétés de « libre information » comme les nôtres, où à force de pouvoir tout dire et tout savoir on ne dit rien et on ne sait rien. Où l’information est soumise au consensus de ce qui est « important », ce qui est considéré « information ». En Chine, par le réseau des nouvelles technologies, une lutte importante, une émeute populaire, des manifestations contre une usine polluante, sont rapidement partagées par des centaines de milliers d’autres travailleurs.

Il est rare qu’il y ait des « formes de coordination » et, surtout, elles restent totalement clandestines. On peut, par contre, constater aujourd’hui une nouvelle tendance dans ces luttes : leur extension. Depuis quelque temps, les luttes sortent rapidement des entreprises et s’attaquent aux lieux du pouvoir local, mairies, siège du parti, police, tribunaux.

On constate aussi une extension des luttes qui se généralisent dans des zones industrielles. La solidarité de classe augmente et des travailleurs se déplacent pour prêter main-forte à ceux qui se battent ailleurs. La présence des mingong, communautés de travailleurs sans droits, violemment exploitées, joue un rôle important dans cette extension. C’est un processus en cours, vécu très consciemment, et qui est très politique au sens qu’il dépasse rapidement les revendications immédiates et affronte les organes de répression et de décision de la classe dirigeante. Politique aussi dans le sens que ces luttes sont porteuses d’un désir d’une société différente, d’une société non inégalitaire, non répressive, non contrôlée par la mafia du parti. Certes, le projet démocratique parlementaire de type occidental, défendu par des courants dissidents peut s’y enraciner. C’est inévitable et c’est logique. Qu’il puisse s’imposer, scellant toute perspective d’émancipation sociale, c’est aussi possible. Tout dépend, en dernier ressort, de l’ampleur des mouvements sociaux et de leur radicalité.

Dans la notice biographique sur Paul Mattick (père) que tu publies dans « Marxisme, dernier refuge de la bourgeoisie ? », tu parles d’un « épuisement du projet keynésien ». C’est un peu ce que disait aussi Pierre Souyri dans son livre, également posthume et inachevé, « La Dynamique du capitalisme au XXe siècle » : l’utilisation de l’Etat pour « apaiser » la lutte des classes et dynamiser l’investissement, et la production par ses commandes, n’a pas survécu aux lendemains de la crise pétrolière et à la mobilité mondialisée du capital. L’Etat semble désormais la proie au lieu d’être le renfort. Mais ne voit-on pas des signes d’essoufflement du projet néo-libéral qui a succédé au projet keynésien : les populations résistent aux excès de privatisations des services et les capitalistes hésitent sur le capital fictif depuis la crise de 2008 ?

C’est une excellente idée de partir de Paul Mattick (1904-1981) pour reparler de Pierre Souyri (1925-1979). Deux théoriciens proches, malgré des parcours différents, construits dans des contextes historiques différents. Les deux sont assez peu connus, presque jamais étudiés, voire ignorés, en dehors des petits cercles radicaux. Souyri l’est encore moins que Mattick, même s’il a eu un parcours universitaire après sa participation à Socialisme ou Barbarie (où il signait Pierre Brune). Souyri était sensible aux idées de Mattick, dont il était un lecteur attentif. Son livre posthume La dynamique du capitalisme au XXe siècle (Payot, 1983) est passé quasi inaperçu à sa parution et n’est presque jamais cité.

Mattick et Souyri partagent une même théorie de la crise capitaliste, fondée sur la question de la baisse de rentabilité du capital et des difficultés d’extraction de la plus value nécessaire à l’accumulation. L’un comme l’autre considéraient que, et au contraire de ce qu’ont défendu la plupart des courants du marxisme radical (par rapport à la social-démocratie), le problème auquel se heurte l’accumulation capitaliste est celui de l’extraction de la plus value et non celui de sa réalisation. Ils se sont démarqués des sous-consommationnistes, qui étaient et restent pour l’essentiel des marxistes keynésiens… ou des keynésiens marxistes. On s’aperçoit ainsi que les idées défendues par Mattick font partie d’un courant plus large, qui intègre entre autres, Souyri en France et Tony Cliff en Grand-Bretagne.

Souyri voyait dans la crise pétrolière de 1974 le signe d’un renversement du cycle d’accumulation capitaliste de l’après guerre (« La Crise de 1974 et la riposte du capital », Annales, n°4, 1983). Dans Le Jour de l’addition (Insomniaque, 2009 ; une version élargie de ce texte est parue aux Etats-Unis en 2012, chez Reaktion Books et en Allemagne, aux Edition Nautilus), Paul Mattick fils (qui était, lui aussi, compagnon en politique de son père, un autre point commun avec Souyri père et fils…) montre également comment la crise de 1974 fut un tournant à partir duquel le capitalisme a cherché à surmonter sa crise de rentabilité par un recours constant et croissant à l’endettement.

Pour Souyri, le marxisme classique (la social-démocratie et sa gauche bolchevik) a sous-estimé les transformations du capitalisme et sa capacité à intégrer la classe ouvrière. De son côté, Mattick n’a cessé d’analyser le rôle qu’ont joué les organisations du marxisme classique dans cette intégration. Le débat sur la fonction et les limites du keynésianisme part du constat de cette sous-estimation. Souyri s’est intéressé à la question du passage au capitalisme planifié, où l’Etat interviendrait non seulement pour corriger les déséquilibres de l’accumulation mais aussi pour les prévenir, l’idée d’une dynamique qui mènerait à une économie rationalisée. C’était, on le sait, l’idée partagée par des éminents théoriciens de la social-démocratie, dont Hilferding. Pour Souyri, ce passage rendait nécessaire l’intégration capitaliste du prolétariat, car la persistance de la lutte de classe rendait impossible la planification. C’est pourquoi, dans les années 70, il pensait pouvoir conclure que ce passage, cette capacité de l’Etat à planifier l’économie, ne se ferait pas. Comment peut-on confronter cette idée avec la période actuelle ? Plus qu’intégré, le prolétariat est aujourd’hui défait par les mesures de restructuration capitaliste, et, pourtant, la classe capitaliste ne souscrit pas à ce projet de rationalisation de l’économie ; plutôt elle est revenue à l’idée du laisser faire, de la main invisible du marché. Il importe alors de replacer la question sur un autre plan. Ce que faisait Souyri, pour qui, au delà des antagonismes de classe, il y a « un problème plus fondamental : celui de la rentabilité du capital et de son déclin. » (La dynamique du capitalisme au XXe siècle, p.29). Souyri constatait d’ailleurs que l’action régulatrice de l’Etat n’a été possible qu’en période de croissance et que, dès que la croissance a été rompue, les limites de l’intervention de l’Etat deviennent visibles, « …les premiers symptômes de déstabilisation du système, permettent de s’apercevoir que les vraies barrières auxquelles se heurte l’accumulation continue du capital sont celles-là mêmes qui limitent l’extraction d’une quantité suffisante de plus value » (p.30). « La crise de 1974 fait nettement apparaître que la planification d’une croissance continuelle est un mythe qui s’effondre aussitôt que le taux de profit se contracte » (p.38).

C’est donc dans le problème de la rentabilité et de la baisse tendancielle du taux de profit du secteur privé, qu’il faut chercher l’épuisement du projet keynésien, de ses velléités à réguler le capitalisme. Ici Souyri se trouve en convergence avec l’analyse des limites de l’économie mixte faite par Mattick. Pour Souyri comme pour Mattick, « la rentabilité du capital privé a subi une érosion graduelle qui lui a enlevé sa capacité d’auto-expansion » (p.35). Ce que Keynes reconnaissait lui aussi, tout en prétendant y apporter une « solution » capable d’éviter une possible rupture sociale et ses dangers révolutionnaires. Or, argumente Mattick, cette « solution », l’interventionnisme économique, fait disparaître les conditions mêmes qui la rendaient efficace, se révèle être un nouveau problème. L’accroissement de la demande par l’intervention de l’Etat agit sur la production globale sans parvenir à restaurer la rentabilité du capital privé et entraîner durablement l’accumulation ; augmente l’endettement et pèse d’autant plus sur l’insuffisance des profits privés.

Aujourd’hui, alors que les effets d’une profonde crise du capitalisme sont vécus au quotidien, les débats sur la nature de la crise sont rares ou confinés à des milieux confidentiels. On continue à parler de « crise monétaire » sans l’expliquer. La critique du keynésianisme est essentiellement portée par les néo-libéraux. Et les voix qui se démarquent du discours officiel viennent d’économistes néo-keynésiens. C’est le cas, en France, du cercle Les économistes atterrés, ou encore de Frédéric Lordon, dont les discours prennent une place centrale dans la mouvance post ATTAC et dans Le Monde Diplomatique. Dans un de ses derniers articles, Lordon propose « un grand compromis politique, le seul qui puisse rendre le capitalisme temporairement admissible, en fait le minimum que devrait revendiquer une ligne social-démocrate un peu sérieuse (…) », lequel se résumerait pour l’essentiel à l’acceptation de la déstabilisation créée par le capitalisme en échange d’un engagement des capitalistes à « assumer les dommages collatéraux », « faire enfin payer au capital le prix des désordres qu’il recrée indéfiniment dans la société par le travail sans fin de ses déplacements et de ses restructurations. ». Ce « grand compromis » néo-social démocrate serait une pâle copie de ceux du passé ; il ne s’agit même plus de « corriger » ou « prévenir » les crises, mais de « vivre avec » et de « payer pour les désordres » engendrées par le système. (Frédéric Lordon, « Peugeot, choc social et point de bascule », Le Monde Diplomatique, août 2012). Face à cette déliquescence programmatique de la « gauche » on mesure l’importance de l’œuvre de Paul Mattick, sa critique du keynésianisme d’un point de vue anti-capitaliste.

Souyri écrit : « Entre une économie où le secteur public est limité et subordonné au capitalisme des monopoles et une économie où le secteur étatisé devient prédominant tandis que le secteur privé tend à devenir résiduel, il existe une différence quantitative qui tend à devenir une différence qualitative. La société bourgeoise ne peut pas entièrement étatiser l’économie sans cesser d’être la société bourgeoise. » (Ibid, p.18).

Ce débat sur la dynamique du capitalisme et l’évolution possible vers une forme de capitalisme d’Etat est aussi présente dans l’œuvre de Mattick. Lequel considérait aussi que les limites de l’économie mixte peuvent poser, à terme, le problème de l’expropriation du capitalisme privé par les prélèvements de l’Etat, transferts des profits privés vers le secteur public. Cette dynamique ne peut que rencontrer l’opposition de la classe bourgeoise. Et la « différence qualitative » soulève une question politique majeure. Le néo-libéralisme est aujourd’hui une réaction idéologique militante à cette tendance et à ce danger. Une reconnaissance par les économistes bourgeois des limites de l’économie mixte. Pourtant, et malgré l’impact de ce discours anti-keynésien, le niveau de l’intervention d’Etat n’a jamais été si élevé depuis la fin de la deuxième guerre. Et, comme le soulignait Mattick, toute diminution de cette intervention ramène les économies vers la récession. L’essoufflement du projet néo-libéral se retrouve dans cette marge étroite, entre cette absence de « capacité d’auto-expansion » du capitalisme privé et l’impossibilité de continuer à accroître l’intervention de l’Etat dans l’économie.

Ceci étant, ce danger qui menace la société bourgeoise explique que les capitalistes privés ne peuvent pas temporiser face aux tendances interventionnistes. Et que les tendances politiques néo-libérales ne désarment pas. Il en va, à terme, de la survie de la classe bourgeoise. L’Etat ne devient pas leur proie, il reste leur institution politique, dont ils se servent pour piller l’ensemble de l’économie, pour sauvegarder et faire fonctionner les réseaux de spéculation, s’approprier les profits sans pour autant relancer l’accumulation. On peut néanmoins imaginer l’avènement d’une situation de soulèvement social face à laquelle la seule façon de préserver le mode de production capitaliste serait un retour à l’interventionnisme généralisé, à une étatisation de l’économie, où même la bourgeoisie se rangerait tactiquement derrière un programme « socialiste d’Etat ». Donnant une fois de plus du sens à la phrase de Rosa que Mattick a repris en exergue dans son dernier livre, « La classe bourgeoise dispute son dernier combat sous un drapeau imposteur : le drapeau de la révolution elle-même. » Mais le drapeau de la social-démocratie, du capitalisme d’Etat masqué en « socialisme possible », est lui-même aujourd’hui bien discrédité. La social-démocratie s’est, elle-même, fourvoyée dans les marais du néo-libéralisme. On peut alors espérer que, vu l’état de développement des sociétés et l’expérience historique accumulée, une telle situation ouvrirait la voie à d’autres possibles, à une lutte vers l’émancipation sociale.

Nous n’en sommes pas là. Pour le moment les capitalistes s’acharnent à augmenter les taux d’exploitation dans l’espoir d’augmenter substantiellement les profits et inverser la tendance au désinvestissement. Mais, déjà en 1974, Souyri écrivait : « Une politique inconsidérée de réaction en matière de salaires pourrait bien avoir pour effet d’accumuler dans le prolétariat un désespoir et des colères dangereuses, sans pour autant modifier sensiblement le taux de profit d’une manière positive. » (« La Crise de 1974 et la riposte du capital », ibid). C’est la situation dans laquelle on rentre aujourd’hui. Si l’effondrement des économies s’approfondit il entraînera la désorganisation des sociétés. Les luttes sociales subiront, elles aussi, une modification qualitative. La résistance ne suffira plus, la subversion de l’ancien ordre social apparaîtra à certains comme une nécessité. Du point de vue du capitalisme, vu le stade d’accumulation auquel il est parvenu, pour rétablir la rentabilité il faudra plus que de la surexploitation, une destruction gigantesque de capital et de force de travail. Des guerres isolées, délimitées, comme celles qui se succèdent, ne suffiront pas, alors que le capitalisme, par sa technologie nucléaire, se trouve désormais devant sa capacité d’autodestruction.

Nous sommes à l’aube d’une longue période où le capitalisme prouve à nouveau sa dangerosité comme système. Les conséquences politiques nous sont encore impossibles à saisir. L’alternative, émancipation sociale ou barbarie se pose à nouveau à l’évidence. Les formes que prendra un possible mouvement émancipateur seront nouvelles. Comme celles de la barbarie politique, car même le fascisme du passé, système politique et social de la contre-révolution n’est plus d’actualité, variante totalitaire de l’interventionnisme d’Etat. Lire aujourd’hui Mattick et Souyri, entre autres, peut nous aider à mieux discerner où nous en sommes et les chemins à éviter.

Les mobilisations actuelles contre les mesures « d’austérité » – sous des formes diverses comme le mouvement « Occupy » aux Etats-Unis ou les « indignés » dans d’autres pays – constituent-elles selon toi une nouvelle forme de la lutte des classes ? Plus largement, comment analyses-tu les réactions des travailleurs face aux conséquences de la crise capitaliste, que les classes dirigeantes nous font partout subir ?

 On peut commencer par la fin. En Espagne, en 2011, les banques ont expulsé de leurs logements, avec l’aide de la police évidemment, entre 160 et 200 personnes par mois. Ces chiffres continuent d’augmenter. En même temps, le nombre d’expulsions empêchées par des mobilisations collectives a été de l’ordre d’une par jour. Si la disproportion est énorme il n’en reste pas moins qu’il existe un fort mouvement d’opposition aux expulsions. Il s’articule désormais avec le développement d’actions de travailleurs à la rue visant à occuper – « libérer » disent ceux qui les mènent – des immeubles vides appartenant aux Banques et sociétés immobilières. De grandes propriétés agricoles (appartenant à l’agro-industrie ou aux banques) commencent aussi à être occupées par des salariés agricoles et des chômeurs, surtout en Andalousie et dans la province de Cordoue. Ces actions directes sont exemplaires des nouvelles formes d’action menées par des travailleurs qui subissent directement les effets des politiques d’austérité. Le cas espagnol est sans doute celui en Europe où les luttes se radicalisent le plus. Et cette radicalisation, la popularité de ces actions, ne sauraient être séparées de l’impact des mouvements des Indignés, en Espagne le mouvement 15 M. Aux États-Unis, où le mouvement Occupy a été écrasé par une forte répression de l’Etat fédéral et des autorités locales, les groupes locaux qui continuent à se réclamer d’Occupy, s’investissent également dans la lutte contre les expulsions dans les quartiers populaires. Ces luttes se caractérisent par le fait qu’elles sortent du cadre purement quantitatif de la revendication immédiate. Elles vont à l’encontre du cadre légal et posent la question de la nécessaire réappropriation des conditions de vie par celles et ceux qui font fonctionner la société.

Les mouvements des Indignés ont fait leur chemin, avec des différences et des contradictions, selon les conditions spécifiques à chaque société. Ils sont chargés de contradictions et d’ambiguïtés, mais ils sont différents de ceux que nous avons vécu auparavant. Là où leur dynamique a été la plus forte, où le mouvement a réussi à garder durablement l’espace public, en Espagne et aux Etats-Unis, des divergences ont fini par prendre une forme organisée, entre réformistes et radicaux. Progressivement, cette dernière tendance, opposée à l’électoralisme et à la négociation, a investit son énergie et sa créativité dans des actions directes, comme celles du soutien à des grèves et occupations de logements vides, des actions contre les expulsions, contre les banques. Ils se démarquent des formes d’action précédentes, intègrent les impasses et défaites du passé récent, discutent les principes du compromis et des tactiques négociatrices. Très critiques de la classe politique et de la corruption qui lui est associée, ils questionnent – de façon plus ou moins extrême – les fondements même de la démocratie représentative. Ils cherchent de nouvelles voies, s’interrogent sur la priorité de l’affrontement physique avec les mercenaires de l’Etat et sont particulièrement sensibles à la nécessité d’élargir le mouvement. Ils doutent des projets d’aménagement du présent, rejettent la logique productiviste capitaliste actuelle et posent la nécessité d’une société différente (groupe Etcétera, « A propos du caminar indignado », Barcelone, mars 2012, publié dans Courant Alternatif, mai 2012). Ces préoccupations sont clairement antinomiques avec l’activité consensuelle et normative des institutions partidaires et syndicales traditionnelles. L’énergie créative dégagée par ces mouvements a permis leur extension sociale, parfois au-delà de ce qu’on pouvait prévoir. Un exemple récent, le grand mouvement étudiant qui vient de secouer la société québécoise, alors qu’il avait débuté avec de simples revendications corporatistes (Des casseroles en ébullition « La grève étudiante québécoise générale et illimitée : quelques limites en perspective » ).

Parmi les idées portées par ces mouvements celle de l’Occupation semble avoir rencontré un large écho. Ainsi que la proposition selon laquelle les intéressés doivent agir directement, par eux-mêmes, pour eux-mêmes, afin de résoudre leurs propres problèmes. L’insistance mise dans l’organisation de base a été un élément moteur de ces mouvements, par la constitution de collectivités non hiérarchiques, méfiantes des manipulations politiques, insoumises aux charismes de chefs. Lorsque la presse la plus consensuelle (Paris Match et Grazzia, pour ne citer que deux exemples récents…) s’intéresse aujourd’hui de façon paternaliste aux Indignés, c’est pour regretter qu’ils se soient éloignés de la vie politique traditionnelle et aient refusé de se donner des chefs, carences qui, bien évidemment, sont avancées comme la cause principale de leur échec.

Aux Etats-Unis l’impact du mouvement Occupy et de ses idées a été énorme et il est trop tôt pour en analyser la portée et la suites (Charles Reeve, « Occupy, cette agaçante interruption du « business as usual » ). Si, au départ, il a touché surtout les jeunes étudiants-travailleurs précaires, qui constituent désormais une fraction croissante de la « classe ouvrière » en termes sociologiques, le mouvement a très vite attiré à lui – comme en Espagne – la grande masse des éclopés du capitalisme contemporain, exclus, sans-abris et autres itinérants de la vie. En plusieurs grandes villes, ils constituaient, vers la fin, une partie importante des campements de rue. Mais Occupy a aussi captivé les secteurs les plus combatifs du mouvement ouvrier, interpellé les syndicalistes de base. Ceci dit beaucoup sur l’état de désarroi dans lequel se trouvent les travailleurs conscients de l’impasse du syndicalisme devant la crise et la violence de l’attaque capitaliste.

Le slogan « We are the  99% », au-delà de son sens simpliste et réducteur, a battu en brèche l’expression idéologique de « classe moyenne », catégorie dans laquelle on intègre tout salarié, travailleur, ayant un niveau de consommation (à crédit, bien sûr) moyen. Il a également dévoilé la tendance actuelle du capitalisme, la concentration de la richesse et du pouvoir dans une infime partie de la société. Ainsi, après Occupy, les concepts d’exploitation, de classe, de société de classe ont refait surface dans le discours public. Dans un vaste territoire-continent comme c’est le cas aux États-Unis, où les conflits, grèves, mobilisations étaient de plus en plus séparées les unes des autres, le mot Occupy constitue désormais une référence unificatrice dans toute lutte locale, sectorielle.

 L’occupation de la rue n’est pas l’occupation d’un lieu de travail. Mais, aux États-Unis et en Espagne, l’esprit d’Occupy et du 15M a de toute évidence contaminé le « monde salarié ». Il retrouve un écho chez des travailleurs conscients du fait que la lutte syndicale du passé est désormais sans prise sur le renversement, ou même le ralentissement, du mouvement du capitalisme et les décisions agressives des capitalistes. Le seul objectif qui a un sens dans le cadre de l’effondrement actuel de secteurs industriels est de créer par la lutte un rapport de force, d’obtenir un maximum d’argent de la classe capitaliste, de faire payer cher sa peau. La lutte des ouvriers de Continental a été, à ce titre, exemplaire. S’acharner à vouloir rendre viable telle ou telle entreprise, tel ou tel secteur, ne fait qu’endormir les victimes. L’idée d’« autogérer » une entreprise isolée apparaît encore plus dérisoire aujourd’hui face à la mondialisation du capitalisme. On verra quelle forme et contenu prendra la lutte à venir dans l’automobile français. Si elle pourra unifier d’autres luttes, d’autres secteurs où la classe capitaliste va frapper. Dans un premier temps le gouvernement et les syndicats se cantonnent à un discours de « restructuration », alors que le secteur automobile est soumis à une concurrence mondialisée dans des marchés saturés. Les militants de la gauche syndicale (la dernière tâche historique des trotskistes !), font ce qu’ils savent faire et qu’ils ont toujours fait : créer un comité de lutte, accéder aux comptes de l’entreprise et revendiquer l’interdiction des licenciements. Au-delà, ils n’ont rien à dire – ou ils s’interdisent de le dire pour des considérations tactiques – sur le sens social, humain et écologique, de la production automobile sur comment et pourquoi sauvegarder une telle logique, une production qui épuise les hommes et les sociétés.

 On peut, bien sûr, critiquer les mouvements des Indignés, souligner ses contradictions et ses ambiguïtés. Mais comment comparer ces mouvements qui ont secoué en quelques mois des sociétés modernes, avec l’état aphone des luttes ouvrières ? D’où il ne ressort actuellement, et pour cause, la moindre proposition alternative, la moindre idée d’un monde différent, si ce n’est des résistances et le souhait d’un retour au passé proche, celui-même qui a enfanté le désastre présent. Les mouvements Indignés sont-ils « une nouvelle forme de la lutte des classes » ? Ils sont, certainement, une forme de lutte qui est en rapport avec la période actuelle de la lutte des classes. Ils réveillent la société et les exploités les plus conscients aux dangers du mouvement du capitalisme, à la nécessité de dépasser la litanie classique de la revendication immédiate pour se poser des questions sur l’avenir de la société. Le mouvement ouvrier est vieux et ne peut offrir ni opposition ni alternative aux attaques capitalistes en cours. Il se meurt et il est vain de vouloir y remédier. Un nouveau mouvement doit se construire à partir des luttes de celles et ceux qui se démarquent des vieux principes et formes d’action. Ça prendra du temps. Occupy et le 15M, entre autres, ont tracé des chemins, indiqué des façons de faire. Le travail de la Taupe fera le reste. Ce n’est qu’un au revoir et les formes et contenus de ces mouvements réapparaîtront transformés, ailleurs et plus tard, dans d’autres mouvements avec des dynamiques nouvelles.

 Charles Reeve, 15 août 2012.

(entretien réalisé par Stéphane Julien et Marie Xaintrailles, pour Critique Sociale)

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4 janvier 2013 5 04 /01 /janvier /2013 21:01

lu sur non fides

Nantes-Carquefou : Récit d’une manifestation devant la taule

Nantes-Carquefou : Récit d’une manifestation devant la taule

vendredi 4 janvier 2013

Le samedi 29 décembre a eu lieu à carquefou, en banlieue nantaise, une manifestation anti-carcérale en soutien aux camarades zadistes emprisonnés mais aussi à toutes celles et ceux enfermées dans les geôles de l’État. C’est en fin d’après midi qu’un groupe de 300 (?) personnes se regroupe devant un centre commercial proche de la taule avant de partir en direction de celle-ci. Le cortège est animé, et dynamique malgré quelques moments pluvieux à la bretonne et c’est au rythme de la batucada, de la voiture sono et des différents chants entonnés par les manifestants et manifestantes que tout le monde se dirige vers la prison. Au passage des tracts et brochures (Comme un chien enragé) sont distribués au passants et passantes.


À l’approche de l’objectif, le cortège constate qu’un comité d’accueil bloque l’accès routier principal. Qu’à cela ne tienne, il est alors décidé collectivement de passer à travers les bois par l’arrière de la taule. Et aux zadistes qui s’étaient faits tout beau pour venir à la ville de remettre les pieds dans la boue… Arrivé près des murs extérieurs, le groupe toujours aussi bruyant y va de plus belle pour foutre le bordel aux abords de la taule et la batucada accompagne les cris et les chants qui sortent du bois vers les barreaux des cellules. Très rapidement ça s’active à l’intérieur, les taulards se mettent aux fenêtres, crient, foutent le bordel, font du bruit avec tous ce qu’ils trouvent et jettent des rouleaux de PQ en feu comme pour souhaiter bienvenue à celles et ceux venus les soutenir. Des prises de parole au mégaphone ont lieu, quelques échanges verbaux avec les taulards, des mots de soutien, des échanges de numéro de téléphone (« appelle après la gamelle ! ») etc. Au total le groupe restera une heure à proximité des murs avant de s’en aller au soleil couchant sous quelques feux d’artifices qui viennent clôturer les échanges. Au vue de l’excitation provoquée par ce rassemblement à l’intérieur de la taule, la soirée a du être longue pour les matons…

Tous et toutes rejoignent la route et rentrent groupés jusqu’au centre commercial. Au passage, comme pour finir en beauté, les manifestants et manifestantes ont l’heureuse surprise de trouver une des portes arrière du magasin Carrefour ouverte et peuvent ainsi faire quelques courses à moindre coût… On déplorera cependant une arrestation en fin de rassemblement, a priori par la BAC. La personne interpelée serait sortie le lendemain matin sans poursuite.

Il est important de garder à l’esprit que la lutte menée sur la ZAD subit la violence d’un État qui se sent en danger et que celui-ci n’hésite pas à enfermer dès qu’il le peut. Mais lutter contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-Des-Landes c’est aussi lutter contre le monde qui va avec et le monde qui va avec c’est le capitalisme, l’État et ses prisons de toutes formes. Parce que la lutte anti-carcérale doit être comprise comme partie intégrante des luttes qui sont les nôtres, l’enfermement comme une technique contre-révolutionnaire, alors à l’extérieur comme à l’intérieur nous la mèneront.

Pierre par pierre et mur par mur, nous détruirons toutes les prisons,

VINCI DÉGAGE, RÉSISTANCE ET SABOTAGE !

CRÈVE LA TAULE !

Ci-dessous, l’appel au rassemblement.

Contre l’aéroport et ses prisons

Parce que dans ce bocage, dans ces champs de gadoue, autour de ses barricades, lors de ces tambouilles gargantuesques, dans les rues de Nantes et partout en France, nous sommes toutes et tous ensemble contre leurs machines et leur monde du saccage… Rassemblons-nous devant les murs de la prison pour faire entendre notre solidarité et notre détermination à rester ensemble.

Ce projet d’aéroport, ils veulent le faire passer par la force. Ils occupent, ils essayent de contrôler et de bloquer la zone, ils fouillent, ils foutent la pression, ils tentent de manipuler, de diviser ; nous les évitons, nous les perturbons, nous continuons à vivre, à construire et à résister encore et encore.

Certain.es d’entre nous ont été condamné.es à des interdictions du territoire, de la Zad ou du département pour 1 ou 2 ans, à de la prison avec sursis, et dernièrement à des peines de prison ferme de deux et cinq mois. Lors des procès, les procureurs de la république justifient les peines prononcées comme “n’étant pas des peines contre le mouvement de contestation du projet d’aéroport, mais contre des actes délictuels”. Nous voulons affirmer que dans cette résistance contre les expulsions, nous ne nous habituerons pas à leur présence, à leur répression, et nous continuerons à lutter pour qu’ils dégagent.

Ils tentent de nous intimider, nous leur répondons que ça ne fonctionne pas ! Ils tentent de nous isoler physiquement, ça ne se passera pas comme ça !

RASSEMBLEMENT BRUYANT DEVANT LA PRISON DE NANTES/CARQUEFOU SAMEDI 29 DECEMBRE

Rendez-vous à 16H00 au parking du centre commercial Carrefour La Beaujoire du côté du Mc Donald

Pour s’y rendre depuis le périphérique de Nantes : sortie n°41 , le centre commercial est situé entre la route de paris et le boulevard de la Beaujoire.

Repris d’Indymedia Grenoble, 2 janvier 2003.

 Et un récit audio de la manif. (cliquer pour écouter)

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4 janvier 2013 5 04 /01 /janvier /2013 10:47

lu sur jura libertaire

Des slogans sur les murs et la porte de la maison d’arrêt. Peut-être l’œuvre d’un groupuscule anarchiste.

Une enquête est ouverte au commissariat de Valence après la découverte au matin du jour de l’An de graffitis sur les murs d’enceinte de la maison d’arrêt valentinoise.

Des tags et des logos très surprenants.

Presse carcérale (Florence Beaudet, FranceBleu.fr, 3 janvier 2013)

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 09:49

Nous sommes vraiment heureux  de son  geste . Les commentaires lui appartiennent !!

Mais tout de même dans cette ville de Soudard avec un régiment  de mercenaires pour les colonialistes et  cette ville aussi de religion de cul béni. La calotte se partage la ville avec les parpaillot et maintenant encore une  croyance religieuse. Ni dieu ni  maître!!!  . On ne manque l'occasion  de renvoyer les lecteurs du blog  vers un texte de joseph Déjacque Mandrin et Bonaparte  dont la lecture m 'a réchauffé le coeur

 

 

Le dessinateur de BD (Adèle Blanc-Sec) Jacques Tardi, natif de Valence (Drôme) et Ardéchois d’adoption a fait savoir hier qu’il refusait “fermement” d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur pour “rester un homme libre”.

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 09:39

Dans le monde une classe en lutte, lisible aussi au laboratoire et quelques feuillets à la librairie notre temps. ce texte a été copié collé ici

CONSIDERATIONS GENERALES SUR L’AUSTERITE
Les chiens prolétariens aboient et/ou se battent, la caravane capitaliste passe
D’après de récents commentaires économiques, de nouveaux signes montreraient qu’on est devant une nouvelle rupture économique mondiale, similaire à celle de 2009. Les firmes mondiales montreraient une chute dans les ventes et leurs profits, ce qui entraînerait une nouvelle vague de licenciements dans un avenir proche. La bataille des monnaies fait rage entre les entités économiques mondiales, et celles-ci déversent de nouveaux crédits et toujours plus de monnaie papier
Partout dans le monde – et plus particulièrement en Europe – ,l’austérité est reine, soi disant pour surmonter la crise, c’est-à-dire aider le capital à retrouver le moyen de faire des profits et de rémunérer toujours plus de capital. On nous abreuve de statistiques de toutes sortes, de chiffres, de prévisions, de pourcentages sur des valeurs que l’on ne connaît pas. Tout cela, même pour les initiés, contredit ce qui était affirmé comme une vérité la veille. A la vérité, financiers, dirigeants économiques de toutes sortes, politiques se noient dans leurs propres discours en essayant de nous faire croire que leur survie, et par suite la nôtre, dépend de ce qu’ils prétendent nous imposer.
Les choses sont pourtant simples, à condition de savoir comment fonctionne le système capitaliste. Tout simplement, sa force vient de sa possibilité de produire des marchandises, de se les approprier et de tirer de leurs ventes un profit. Essentiellement, cela repose sur le partage de la valeur que l’exploitation de la force de travail de milliards d’êtres humains secrète dans cette production de marchandises. Tant que le capitalisme existe, c’est la loi d’airain de ce système.
Selon cette loi, cette valeur est répartie entre le capital – l’ensemble des capitalistes gérant une masse énorme de capitaux – et l’ensemble des travailleurs. Ce fut de tout temps un partage inégal mais la part congrue revenant à la force de travail peut changer, avec le temps, selon les pays, en fonction du rapport de forces sur le lieu de l’exploitation de cette force de travail. Dans cette exploitation par le capital, il y a un paradoxe : plus le capital prend une part plus grande de cette valeur, plus il s’accroît, plus il a besoin de trouver des secteurs capables de lui apporter encore plus de valeur. La crise trouve son origine dans le fait que les travailleurs, avec leur portion congrue de valeur, ne peuvent consommer la totalité des marchandises mises sur le marché. D’un autre côté, les masses énormes de capital à la recherche de profitabilité se lancent dans des spéculations dont chacun peut connaître les effets nauséabonds.
Un des éléments essentiels de toute cette situation est la recherche effrénée partout dans le monde de moyens d’accroître la part de valeur revenant au capital. Les mesures d’austérité visent globalement à atteindre ce but. Les conditions d’exploitation du travail et la situation économique des Etats n’étant pas uniformes, ces mesures frappent différemment non seulement les travailleurs mais une bonne partie de la population. Les réactions sont différentes en fonction de l’impact relatif de ces mesures qui, sous différents vocables, ne revient finalement qu’à une ponction plus grande de valeur par le capital. Il suffit de comparer les ravages de l’austérité et les réactions dans des pays comme la Grèce, le Portugal, l’Espagne ou l’Italie, et le peu de réactions en France et an Allemagne, pas exemple ;
On nous casse les oreilles avec des comparaisons entre le coût du travail, le temps de travail et les avantages sociaux dans les différents pays européens pour nous inciter à « faire mieux que les autres », ce qui serait une incitation à des batailles entre prolétaires drapés dans leur nationalisme. Mais la simple logique devrait permettre de comprendre que si chaque Etat réussit à faire baisser le coût du travail, tout revient dans ces rapports relatifs entre Etats à la case départ, juste un degré en dessous de ce qui existait auparavant.
Pourtant, plusieurs choses ont changé : Globalement, pour l’ensemble des travailleurs, la part de la valeur qui lui était concédée diminue, ce qui augmente d’autant la part que s’octroie le capital. Peu importe que cela diminue d’autant pour les travailleurs la part dévolue à la consommation des marchandises produites, ce qui n’est pas pour résoudre la crise (ce dont certains cercles capitalistes sont conscients bien que ne sachant pas comment résoudre cette quadrature du cercle) ; La crise s’exprime aussi dans une guerre des monnaies (principalement dollar contre euro) pour trouver des marchés dans la compétition internationale. Plus on abaisse les coûts de production – par une instrumentalisation de l’ampleur de la crise dans certains pays le plus souvent –, plus on modifie les taux relatifs des monnaies, plus on a de chance de conquérir des parts de marché aux dépens des autres. Mais là aussi, c’est la quadrature du cercle car tous les coups sont permis.
Ce qui reste, c’est la lutte de classe pour tenter d’endiguer cette offensive généralisée sur la part des travailleurs dans la valeur ; les réactions, si fortes et si constantes soient-elles, restent localisées. Elles n’ont guère gêné jusqu’à présent la mise en œuvre des politiques d’austérité. Une tentative comme celle de la Confédération européenne des syndicats d’élever (du bout des lèvres) cette lutte au niveau européen a échoué lamentablement, à la fois par la défiance généralisée sur le rôle des centrales syndicales nationales, et par les différences nationales que nous avons relevées. Tant que les choses resteront à ce niveau, il y a de beaux jours pour l’offensive capitaliste et la diminution du niveau de vie dans le monde entier.

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3 janvier 2013 4 03 /01 /janvier /2013 09:30

Pour un débat qui  ne se  fait pas malheureusement dans cette ville dominée par la pensée bourgeoise par trop proche de Grenoble et de  Lyon

 

Trouvé sur le blog In Limine

Voici un extrait de l’ouvrage de Roland Simon « Théorie du communisme, Volume I, Fondements critiques d’une théorie de la révolution » paru en 2001 au éditions Senonevero, (de la page 32 à 35) qui a trait au rapport restructuré entre le capital et le travail depuis la fin des années 70. Il introduit une explication de la dynamique qui produit depuis une trentaine d’années une redéfinition de l’emploi salarié, qui, il est important de le noter car c’est là que se situe l’enjeu du « moment actuel », peut survenir dans les luttes à partir des situations de chômage, précarité, flexibilité, etc. et de ce qu’il en découle de révoltes (à partir du moment où ces révoltes arrivent à dépasser les limites qui obscurcissent la vision de leur relations directes avec la dynamique de contradictions de classes et de genres).

Cet extrait sera suivi d’un autre, la suite dans l’ouvrage en fait, approfondissant ce sujet du point de vue de la destruction de l’identité ouvrière. Il se veut aussi sur ce site, la suite de l’article : « La flexibilité ou la limite trouvée à l’affirmation de l’identité du prolétariat »

Bonne lecture

Voir le Fichier : Approche_generale_de_la_restructuration_du_rapport_entre_le_proletariat_et_le_capital.pdf

 

 

 

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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 09:51

lu sur CQFD, on passe ce texte car le combat que méne certaines et certains loin du misérabilisme et de la pensée des dames de charité  qui se camouflent encore dans les assos de solidarité aux sans droit

Roms, vils éternels ?

paru dans CQFD n°105 (novembre 2012), par Gilles Lucas
mis en ligne le 02/01/2013 -

Citoyens européens depuis l’intégration de la Roumanie et de la Bulgarie en janvier 2007, les Roms sont soumis à d’infinies contraintes destinées à freiner leurs déplacements sur ce territoire « communautaire » où il vaut mieux être une marchandise pour circuler librement.

Le 15 octobre, dans les travées du Sénat, seule une vingtaine de parlementaires – sur 348 – avaient trouvé une fenêtre dans leur agenda pour assister au débat suscité par Aline Archimbaud, sénatrice écologiste de Seine-Saint-Denis, à propos de « la proposition de résolution relative à la levée immédiate des dispositions transitoires pour les ressortissants de nationalité roumaine et bulgare ». Proposition rejetée par 173 sénateurs qui auront voté par procuration. Rejet favorisé par l’abstention des parlementaires du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), qui détient une des clés de la majorité dans cette haute assemblée.

Mutualisant morgue politique, fantasmes racistes à peine modérés et classiques mensonges déguisés en humanisme, Jacques Mézard, membre du Parti radical de gauche et président du RDSE, a justifié ainsi la position de son groupe : « Ce qui s’est passé à Marseille le 28 septembre devrait faire réfléchir ceux qui considèrent l’angélisme comme la solution et une politique d’immigration sans aucun filtre comme le meilleur chemin vers un monde en paix. […] Cela se reproduira s’il n’est pas mis fin à ces occupations illicites de terrains, dans des conditions inacceptables pour les riverains et, la plupart du temps, pour les occupants eux-mêmes, marginalisés, au contact d’une délinquance contagieuse constituant la seule école de vie pour les enfants, sans parler des conditions de santé déplorables, de l’absence d’école, de formation, d’intégration dans la république quasi impossible… »

Des « mesures transitoires », mises en place pour une durée d’au moins sept années après la date d’adhésion à la CE, interdisent aux citoyens bulgares et roumains un séjour sur le territoire français de plus de trois mois. En cas de contrôle policier, ils tombent sous le coup d’une reconduite à la frontière. Les emplois en tension auxquels ils pourraient avoir accès sont soumis à plusieurs entraves : outre le fait que les employeurs doivent réaliser des démarches pouvant durer plusieurs mois auprès des administrations, ces ressortissants européens de seconde zone ne peuvent s’inscrire à Pôle emploi, ni avoir accès au statut d’auto-entrepreneur. Si le 22 août, le gouvernement décidait de lever une des mesures les plus grossières contre l’embauche des Roms, celle contraignant leur patron à payer à l’Office français de l’immigration et de l’intégration une taxe de plusieurs centaines d’euros, l’indispensable « autorisation de travail », dont le traitement demande plus de temps que la durée légale de libre circulation, n’a insidieusement pas été levée. Et pour cause, cette dernière est délivrée par la même administration – la préfecture – qui ordonne l’expulsion des Roms installés sur des espaces sordides.

Cabanes posées loin des regards sur des terrains vagues ; absence de point d’eau ; refuge sous des ponts ; installation sur des trottoirs après des expulsions et des traques policières incessantes ; menaces, insultes, coups et incendies… La misère serait-elle le biotope naturel – ou culturel – de ces populations ? Ou plutôt, stigmatisées par des États qui les jettent en pâture à leurs propres citoyens, ne sont-elles pas juste le dernier maillon dans la chaîne sans fin de l’exclusion ?

Cibles d’un peu moins pauvres qu’eux qui voient dans leur détresse le souvenir mal assumé de ce qu’ont souvent souffert leurs propres aïeuls, et qui les regardent comme une menace ou une concurrence, les Roms subissent un sort déterminé par des raisons bien plus profondes que les multiples calomnies diffusées à leur égard. Les « mesures transitoires » sont un outil derrière lequel se cache la défiance séculaire des autorités à l’égard de populations jugées inassimilables. Ces populations itinérantes, et non nomades quoi qu’en dise le folklore, participaient depuis des siècles au commerce dans les campagnes. Lorsque l’économie capitaliste s’est imposée, elles sont apparues comme une entrave à cette modernité qui allait dégrader les liens sociaux et familiaux et définir l’acquisition de marchandises produites et distribuées industriellement comme le but essentiel de la vie – mutations inscrites dans le cadre d’un État national aux frontières formalisées – État s’estimant propriétaire d’une population dûment recensée et sous contrôle.

Des statistiques précisent que le nombre de Roms n’a pas varié en France depuis plus d’une dizaine d’années, avec une présence moyenne évaluée à environ 15 000 personnes. Arrivées dans les années 1990 de Yougoslavie, alors que la guerre y faisait rage, des milliers de ces personnes disposent aujourd’hui de logement, de travail, d’accès aux aides sociales et médicales, et elles scolarisent leurs enfants. C’était à une époque où la libre circulation en Europe n’était pas brandie comme une menace, avec cette feinte émotion dans les discours…

Et pourtant, malgré et avec la haine raciste exprimée contre les Roms, c’est toujours un air – souvent caricaturé – d’indocilité qui règne autour de leur culture. Le 28 septembre, dans la foulée du vernissage d’une exposition au Grand Palais de Paris rassemblant des artistes inspirés – depuis la Renaissance – par ces symboles de liberté que sont les bohémiens, il eût été instructif pour madame la ministre de la Culture, accompagnée de quelques parlementaires, d’aller voir sans tambours ni gardes du corps les lieux où se cachent les Roms. Touchée par la misère et la panique dans lesquelles vivent ces parias, elle aurait peut-être pris conscience d’une réalité honteuse dont elle et ses collègues du gouvernement sont les principaux responsables.

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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 09:46

lu sur sons en luttes

Nantes 29 décembre : Rassemblement devant la prison de Carquefou

Rassemblement devant la prison de Carquefou, Nantes, capitale "verte" de l’Europe pour cette année 2013...

En solidarité avec Cyril et nos potes, contre l’aéroport son monde et ses prisons.

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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 09:41

lu sur indymedia.paris     

Ce texte n’est qu’un récit qui en appelle d’autres. Il reflète un point de vue et ne prétend pas parler au nom des autres individuEs présentEs ce soir-là.

Dans la nuit du 31 décembre 2012 au 01 Janvier 2013, nous sommes allés rendre visite aux prisonniers à proximité de plusieurs lieux d’enfermement en Ile-de-France.

Vers 23H30 (peut être plus), nous sommes alléEs à plusieurs dizaines au centre de rétention de Vincennes. Alors que nous traversions le bois en direction du C.R.A, nous croisons un flic seul, avec son chien, qui après nous avoir demandé ce que nous faisions (et devant l’absence de réponse ou de quelques répliques ironiques) nous a alors gratifié d’un « bonne année » étrange et plein d’angoisse (Keufs ou matons : l’année sera plus belle sans vous). Après avoir traversé le bois derrière le centre, nous avons commencé à lancé des pétards, des feux d’artifices et des fusées en criant plusieurs slogans. Dont «  Liberté pour tous, avec ou sans papier », « Liberté ! Liberté ! » ou encore « pierre par pierre, et mur par mur, nous détruirons toutes les prison ».

En quelques minutes, sans doute alertés à l’avance par leur pote maitre-chien (le troll de la forêt), deux voitures pleines de flics débarquent. Nous nous esquivons alors tranquillement en repartant dans la forêt en hurlant sur les flics.

On recroise alors le troll de la forêt (le flic à chien de l’allée) qui est cette fois nettement plus remonté. Il nous dit de nous arrêter (il est seul, nous sommes à plusieurs dizaines) et commence à péter les plombs en menaçant de lâcher son chien et en essayant d’agripper des camarades. Le troll en uniforme finit par se ramasser le cul dans la boue et se faire copieusement insulter (notamment un retentissant « ferme ta gueule ! ferme ta gueule ! ferme ta gueule ! » sur un air chanté). Visiblement contenté de son premier échec de l’année, le troll de la brigade canine abandonne donc en continuant néanmoins à nous suivre de loin.

ArrivéEs sur un parking derrière le bois, les flics nous attendent avec 2 ou 3 bagnoles et commencent à descendre avec l’intention manifeste de nous attraper. Plusieurs personnes se séparent en groupes petits et grands et disparaissent dans la forêt ou aux alentours. S’en suis une petite cavalcade avec les flics qui rôdent un peu partout. Mais finalement, personne n’est arrêté.

Quelques temps plus tard…

Vers 1h30 du matin (peut être plus encore une fois) on est plusieurs à arriver vers la prison de Frêne. Il pleut et il fait froid, mais on se promène et on crie notre solidarité aux prisonniers qui commencent à répondre un peu et à gueuler. Puis le spectacle son et lumière commence.

Plusieurs groupes lancent des feux d’artifices (type mortier), pétards et fusées tout autour de la prison. A l’intérieur ça gueule, on lance des « liberté ! » qui reviennent comme un écho. Plusieurs slogans criés. On entend des gens gueuler à l’intérieur (la plupart contents, certains autres non : on les a peut-être réveillés…). Quelques pétards et fusées continuent de claquer pendant quelques minutes, puis on s’esquive tranquillement en continuant à crier.

Une société qui a besoin d’enfermer est elle-même une prison. Et la société dans laquelle nous vivons n’en a que trop besoin.

La prison est la soupape de sécurité d’une société autoritaire, divisée en classes, qui domine et opprime.

A défaut de pouvoir abattre ces murs dans l’immédiat, nous voulions réduire la distance entre ceux et celles qui sont dedans quelle que soit la raison et nous qui sommes dehors, au moins pour quelques minutes.

Parce que la liberté n’existera pas pleinement « hors les murs » tant qu’il y aura des murs de prison.

Parce que nous ne nous laisserons pas enfermer sans broncher.

Aussi, rappelons qu’avec un peu de malice et de bonne volonté, à 30 ou à 3000, il est toujours possible d’agir.

Tous les ans, partout dans le monde le jour du 1er de l’an, des rassemblements et des manifestations contre la prison et les lieux d’enfermement se déroulent aux abords des taules de toutes sortes à l’aide de feux d’artifices, de slogans, et d’autres trucs qui font du bruit ou laissent des traces.

Cette année encore, un appel international à des actions contre la prison avait été lancé pour la nuit du réveillon.

Enfin, le reste de l’année est là pour continuer à s’en prendre à la taule (dedans ou dehors) !

Feu à toutes les prisons !

Vive la belle ! Vive les mutinEs ! Vive la liberté !

Quelques anarchistes.

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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 08:59

relevé sur le blog non fides  la propagande d'état le mariage pour tous ressemble fort le retour du travail famille patrie

années 1930

L’individualisme subversif des femmes à Barcelone, années 1930

dimanche 27 mars 2011

Quand la révolution a éclaté à Barcelone en juillet 1936, les révolutionnaires ont eu besoin de toute l’aide et de l’appui qu’ils pourraient obtenir, aussi bien des travailleurs que des travailleuses qu’ils prétendaient représenter. À la radio et dans d’autres médias, les partis et syndicats ont fait des appels pour obtenir l’appui des femmes dans la lutte contre les nationalistes de Droite. Nous savons que les femmes les plus célèbres de la période - la communiste, La Pasionaria, et l’anarcho-syndicaliste, Federica Montseny - ont travaillé de manière ardente et apparemment inlassable pour la victoire de la Gauche. Nous connaissons également bien les contributions des militantes des Mujeres Libres et d’autres organisations. Cependant, l’histoire de beaucoup d’autres femmes prolétaires est moins bien connue, et presque invisible. Une étude centrée sur elles change l’accent traditionnellement mis sur la militance collective dans la révolution espagnole. La plupart d’entre elles ont agi de manière ambivalente envers la cause et les révolutionnaires ont été forcés d’affronter l’individualisme des femmes, qui se sont identifiées seulement de manière marginale avec le projet social collectif de la Gauche. Peut-être même plus que leurs homologues masculins, ces femmes ont refusé de se sacrifier pour le bien de la lutte et ont défendu leurs besoins personnels, pas ceux de la république ou la révolution.


La société révolutionnaire était incapable d’intégrer ces nombreuses femmes non-militantes qui ont défié sa discipline sociale. À cause de la recherche des identités collectives de classe et de genre, l’individualisme des femmes prolétariennes a été ignoré. Au lieu de négliger ou de condamner le personnel, les historien-nes doivent essayer de comprendre comment l’exploration des variétés d’individualisme subversif - la résistance à la discipline sur le lieu de travail, l’opportunisme et la petite fraude - peut étendre les frontières de l’histoire sociale et aider à contribuer à une théorie de l’Etat.

L’individualisme féminin ne doit pas être identifié exclusivement avec le conservatisme et la réaction, l’échec des femmes à se sacrifier pour la révolution ne signifie pas qu’elles étaient pro-Franco ou qu’elles formaient une « cinquième colonne » [1] féminine. En fait, les régimes autoritaires et fascistes ont également été forcés de s’y confronter et de contrôler l’individualisme subversif, mais sa persistance et sa croissance pendant la révolution à Barcelone suggèrent qu’un projet social fondé sur la propriété collective et la participation de l’ouvrier avait peu d’attrait pour beaucoup de femmes. L’individualisme subversif s’apparente à ce que Alf Ludtke a appelé Eigensinn [2]. Ces deux concepts explorent les aspects de vie quotidienne, comme la résistance au travail, l’indiscipline et le chapardage. En fin de compte individualisme et Eigensinn sont profondément distincts. Ce dernier n’englobe pas le conflit entre l’individu et la société. En effet, Ludtke implique que l’Eigensinn pourrait avoir été la base d’un socialisme plus inclusif et libéré. L’individualisme subversif résulte, d’autre part, de la contradiction entre l’individu et la société et rappelle ainsi la tradition négligée de l’anarchisme stirnerien dans lequel les besoins personnels et les désirs ont la priorité sur le travail salarié, qu’il soit capitaliste ou socialiste. La persistance de l’individualisme pendant la fin des années 1930 à Barcelone démontre l’incapacité de la société socialiste à surmonter la scission entre l’individu et la collectivité. La répugnance des femmes à se sacrifier est une critique implicite de l’anarcho-syndicalisme et de la vision révolutionnaire marxiste, que beaucoup de femmes ont ressenti trop souvent comme un renoncement personnel au profit du social.

De manière assez ironique, la militance collective féminine pourrait avoir été plus commune avant qu’après la révolution, dans la période de troubles précédant et suivant immédiatement l’établissement de la Deuxième République en avril 1931. En ce temps-là, et tout au long de la décennie, les femmes ont défendu leur niveau de vie et leurs sources de revenu. Bien que les émeutes pour l’alimentation semblent rares, les femmes ont activement participé à la grève des loyers de 1931, patronnée par la CNT (Confederacion Nacional de Trabajo) contre la rapide augmentation des dépenses de logement. Pendant les années 1920, la population de Barcelone avait grandi de 62,43 % et cette immigration massive avait élevé les loyers à une hauteur jamais atteinte auparavant. Après l’établissement de la Deuxième République en avril, la CNT exigeait des réductions de loyer de 40 %. En juin et juillet, les meetings du comité de grève des loyers attiraient de nombreuses femmes. Des propriétaires, la plupart d’entre-eux ne possédant que de petites propriétés, réagirent en organisant leurs propres réunions. Cependant, la grève se montra efficace et réveilla la participation de peut-être 100 000 personnes dans une ville de plus d’un million. La solidarité de voisinage rendait les expulsions difficiles, sinon impossible. Dans certains cas, les voisin-es menacèrent de lyncher ceux qui appliquaient les ordres du tribunal. Des masses de femmes et d’enfants ont entravé les expulsions de locataires. Le gouvernement réagit par la répression. Il emprisonna les leaders des grévistes, envoya la police pour assurer les expulsions et agit généralement dans l’intérêt des propriétaires.

Les femmes participaient aussi aux luttes sur le temps de travail. Quand une loi interdisant le travail de nuit pour les femmes a été changée, ce changement de programme « n’a pas été bien accueilli par les ouvriers » qui ont alors fait la grève. Les Femmes voulaient que la prohibition du travail de nuit s’applique aux heures entre 23h00 et 5h00 « au lieu de 22h00 à 4h00 », refusant de venir une heure plus tôt. Les femmes travaillant dans une usine textile de Badalona refusèrent la proposition patronale que la moitié d’entre elles travaillent trois jours par semaine, et l’autre moitié, trois autres jours. Les femmes préféraient une semaine de travail durant les mêmes trois jours pour chacune. L’Union Textile de la CNT anarcho-syndicaliste exigeait que les femmes enceintes reçoivent un congé de maternité de quatre mois et que les établissements de plus de 50 ouvrières fournissent des centres de garderie.

Les femmes se battaient collectivement pour la hausse des salaires. Des entrepreneurs textiles affirmaient que leurs ouvrières avaient refusé de contribuer aux fonds de maternité, et quand les industriels essayèrent de déduire la part des femmes de leurs paies, entrainant « des conflits sérieux en raison de la résistance des ouvrières ». Le gouverneur civil indiqua que salariées et employeurs devaient obéir à la loi, qui exigeait de leur part des contributions approximativement égales, mais les femmes continuèrent la grève pour empêcher la retenue sur leur paie. Selon le Gouverneur, elles refusaient de comprendre que l’assurance maternité leur permettrait de recevoir des indemnités qui excéderaient énormément leur contribution. Il envoya la Garde civile dans les villes castillanes de Berga et de Pobila de Lillet où « le syndicat » faisait de l’agitation en faisant circuler des « prospectus séditieux ». Les autorités craignaient que les ouvrières puissent réagir en volant des produits finis ou même des pièces de machines, et elles ordonnèrent à la Garde civile d’évacuer les usines pour empêcher une grève avec occupation. Finalement, les femmes acceptèrent les déductions sur la paye, complétant la loi de 1907, qui avait accordé six semaines de congé maternité avant et après la naissance.

Les femmes défendaient aussi leurs emplois et leurs sources de revenu. Pour protester contre une fusillade, elles participèrent à une des grèves les plus sanglantes de la période. Le 2 octobre, 760 ouvriers sortent d’une usine métallurgique sous contrôle étranger, qui emploie 1100 ouvriers dans Badalona. Deux jours plus tard, la police arrête et emprisonne deux ouvriers pour avoir violé le droit du travail. Les autorités arrêtent également quatre femmes, dont la militance et la solidarité avec les grévistes provoquent un traitement brutal de la part des Gardes civils. Les ouvriers métallurgistes protestent contre ces arrestations et chargent la police, qui s’occupait du chargement et du déchargement, agissant comme des briseurs de grève. Le 24 octobre, le syndicat patronal de Badalona consent à rétablir les ouvriers licenciés, mais affirme le droit de l’employeur de licencier le personnel pour « des motifs justifiés ». En outre, les patrons interdisent aux délégués syndicaux d’agir à l’intérieur de l’usine, mais promettent de ne pas licencier les ouvriers qui avaient une année d’ancienneté. Les ouvriers doivent retourner travailler le lundi suivant, mais, sans le notifier aux autorités, ils continuent leur grève « illégale ».

La tension monte le 29 octobre, quand les grévistes désobéissent à une sommation de se disperser, ordonnée par la police montée armée de sabres. La Garde arrête quatre femmes qui portent des pierres, et cinq hommes. Le jour suivant, 250 « jaunes », selon les mots du Gouverneur, entrent dans l’usine. Quand un camion, accompagné par des policiers, quitte l’entreprise, des grévistes, « vraisemblablement du Sindicato Unico [CNT] », attaquent le véhicule avec des armes légères. Ceux qui sont dans le camion, peut-être des gardes, tirent en réponse et tuent deux grévistes. Le jour suivant, le Gouverneur répond aux morts des ouvriers en emprisonnant les présidents des syndicats du transport et de la construction de Badalona. Pendant les obsèques des grévistes, la Garde civile « a été forcé de charger [la foule] ».

Mais les jugements concernant la participation des femmes dans les organisations militantes doivent être mitigés. La plupart des femmes avaient moins de raisons que les hommes de rejoindre et de mener les syndicats, à cause de leur place marginale sur le lieu de travail. En 1930, les 1 109 800 travailleuses espagnoles constituaient 12,6 % de la main-d’oeuvre totale et 9,16 % de la population féminine. Seules 43 000 à 45 000 ont rejoint les syndicats, et 34 880 à 36 380 d’entre elles appartenaient au mouvement syndical catholique. On peut expliquer cette relative réserve face aux syndicats par l’importance de l’emploi provisoire féminin. Certaines commençaient le travail entre 12 et 14 ans, mais le quittaient immédiatement après avoir été épousées, d’habitude entre 25 et 30 ans. Si elles devenaient veuves, elles pouvaient retourner sur le marché du travail. En 1922, les industriels de Barcelone affirmaient que la plupart des ouvrières avaient quitté leur emploi pour se marier et que presque aucune n’avait travaillé jusqu’à l’âge de la retraite. Dans les années 1930 - peut-être à cause de la dépression économique - des mères et des filles se sont engagées dans le travail salarié. En 1930, 65,6 % des ouvrières étaient célibataires, 19,29 % étaient mariées et 14,26 % étaient veuves. À Barcelone, 65 % de la population active féminine, qui composaient approximativement 30 % des salarié-es, travaillaient dans l’industrie.

Les obligations familiales, dont les femmes contrôlaient le budget, auraient pu refroidir la militance collective. Dans certaines familles, qui voulaient acquérir un petit commerce ou un lopin de terre, les femmes contrôlaient le budget familial. Ces femmes devaient être peu disposées à voir leurs maris se joindre à des grèves sauvages. Certaines travailleuses, qui bossaient pour un salaire complétant les gains des autres membres de la famille, étaient aussi récalcitrantes quant à la grève. Les femmes des classes moyennes appauvries, travaillant pour garder les apparences, pouvaient aussi résister à la participation aux mouvements militants. En juillet 1931, 560 ouvrier-es - principalement le personnel de bureau et les réparateurs - se sont battu-es contre la société téléphonique, et les jeunes femmes semblent avoir été parmi les premières à retourner travailler. Pendant le conflit, trois grévistes masculins - probablement des membres d’une filiale de la CNT - sont arrêtés par la police pour avoir traîné trois senoritas non-grévistes. La grève a abouti « à l’échec », peut-être à cause du manque d’appui féminin. Les chiffres disponibles montrent que les hommes étaient beaucoup plus partants pour faire grève que leurs homologues féminines, qui recevaient souvent la moitié des salaires masculins.

Pendant la Deuxième République, particulièrement pendant le Bienio negro (1934-1935), l’adhésion syndicale a baissé, au moment où l’Etat et les employeurs ont pris des mesures répressives contre les organisations ouvrières. Au début de la révolution, de nombreux-ses salarié-es - particulièrement des femmes, la plupart d’entre-elles n’ayant jamais appartenu à aucun syndicat avant juillet 1936 - se sont assemblé-es dans la CNT et, dans une moindre mesure, à l’UGT marxiste (Union General de Trabajadores). Il faut souligner que de nombreux-ses ouvrier-es n’ont pas rejoint les syndicats pour des raisons idéologiques, mais pour des raisons personnelles : la vie dans le Barcelone révolutionnaire était très difficile sans une carte syndicale. Pour manger un repas dans une cuisine collective, bénéficier d’une aide sociale, obtenir ou conserver un travail, intégrer un centre de formation technique, obtenir un logement, être admis dans une clinique ou à l’hôpital, pour voyager à l’extérieur de Barcelone, pour être exempté du service militaire, etc., une carte syndicale était souvent désirable, sinon nécessaire.

Selon les propres chiffres de la CNT, elle représentait seulement 30 % des ouvrier-es industriel-les catalan-es en mai 1936, un mois avant la révolution, beaucoup moins que les 60 % en 1931. Ainsi, « des dizaines de milliers », dont beaucoup de femmes, avec une faible « conscience de classe » ou une faible adhésion aux buts de la Gauche, sont entré-es dans l’un ou l’autre syndicat à la recherche d’une protection sociale et d’un emploi stable. Un cadre de la CNT au pouvoir pensait que :
« Une des principales erreurs des syndicats était de forcer les ouvriers à rejoindre l’un d’entre eux. Nous ne sommes pas vraiment sûrs d’un nombre énorme des nouveaux membres, bien qu’il ne soit pas souhaitable de discuter de ceci à l’extérieur du syndicat ».

En juin 1937, H. Rudiger, un représentant à Barcelone de la Première Internationale ressuscitée (AIT), a écrit qu’avant la révolution, la CNT avait seulement 150 000 à 175 000 membres en Catalogne. Dans les mois après le début de la guerre, l’adhésion à la CNT catalane avait bondi à presque un million, desquel-les, « Quatre-cinquièmes sont, ainsi, de nouvelles personnes. Nous ne pouvons pas considérer une grande partie de ces gens comme des révolutionnaires. Vous pourriez prendre n’importe quel syndicat comme un exemple de cela. Beaucoup de ces nouveaux membres pourraient être dans l’UGT ».

Ce fonctionnaire de l’AIT ressuscitée en concluait que la CNT ne pouvait pas être « une démocratie organique ». Dans le syndicat rival, la situation était peu différente. Un militant officiel de l’UGT affirmait que la Fédération catalane de l’UGT avait 30 000 membres avant le 19 juillet et 350 000 à 400 000 après. Il recommandait une nouvelle organisation du syndicat puisque beaucoup de filiales manquaient d’expérience. Bien que les responsables syndicaux n’aient pas fait des remarques sur le sexe de leurs nouveaux membres, il semble probable que, particulièrement dans le secteur textile, il y avait un nombre disproportionné de femmes. Quelques syndicats CNT ont découragé l’élection de membres arrivé-es après le 19 juillet 1936 aux postes de responsabilité dans l’organisation ou dans les collectifs, à moins que ces nouvelles/aux membres n’aient été unanimement approuvé-es. Cette règle doit avoir eu pour effet l’exclusion de la plupart des femmes des positions de direction. Donc, le grand afflux de nouveaux membres dans les syndicats et partis politiques catalans n’était pas une indication de conversion idéologique à l’anarcho-syndicalisme, au socialisme, ou au communisme, mais une tentative de la base ouvrière, particulièrement des femmes, de défendre leurs propres intérêts du mieux qu’elles pouvaient dans une situation révolutionnaire. Pendant la révolution, les syndicats se sont intégrés dans l’Etat. Ils ont donc perdu leur statut d’organisations indépendantes dont la première priorité était de défendre les intérêts immédiats des ouvrier-es et de protéger les salarié-es insatisfait-es. Au lieu de cela, ils sont devenus responsables de l’efficacité de la production.

Au début de la révolution, les syndicats ont collectivisé les grandes usines et ont encouragé le contrôle ouvrier dans les ateliers plus petits. Cependant, même après que la collectivisation ou le contrôle ouvrier aient été institués, beaucoup de salarié-es étaient peu disposé-es à participer aux activités collectives sur le lieu de travail. Illes ont individuellement évité d’aller au conseil d’usine, aux réunions syndicales ou de payer des cotisations syndicales. En fait, les activistes prétendaient souvent que la seule façon d’obtenir des ouvrier-es qu’els suivent les assemblées était de les tenir pendant les heures travaillées et donc aux dépens de la production. Dans une grande entreprise métallurgique, seul 25 % du personnel a participé activement aux assemblées. Les ouvriers les plus actifs avaient plus de 30 ans, avaient au moins cinq ans d’ancienneté et une compétence technique. Nous pouvons supposer qu’ils étaient généralement des hommes. La plupart du temps, les assemblées ont simplement ratifié des décisions prises en petits groupes de militants ou de techniciens. Certain-es ouvrier-es - à nouveau, probablement beaucoup de femmes - se sont senti-es mal à l’aise et peu disposé-es à parler, et plus encore à protester, pendant les réunions. Par exemple, seules 29 des 74 ouvrières dans une société de vêtements dominée par l’UGT, une branche où les femmes étaient une écrasante majorité, ont suivi l’assemblée en octobre 1937. A d’autres réunions, même quand la base était présente, elles arrivaient souvent tard et partait tôt. Le personnel téléphonique UGT - apparemment pas intéressé par le double fardeau féminin du travail domestique et du travail salarié - critiquait les collègues femmes - la majorité d’entre elles ayant rejoint le syndicat après le 19 juillet - parce qu’elles n’avaient jamais suivi une seule assemblée. Quelques activistes ont, sans succès, proposé des amendes pour les membres qui n’étaient pas venu-es aux réunions.

Même quand les syndicats ont amélioré les conditions de travail, ils ont dû affronter l’individualisme des ouvrières. Au début de la révolution, un certain nombre de collectifs ont aboli le travail à la pièce dans le secteur. En conséquence, quand la productivité des salariées femmes a baissé, les militants masculins se sont trouvés à « sermonner les ouvrières ». Le journal CNT, Solidaridad Obrera, prétendait que les femmes qui faisaient les uniformes dans les nouveaux ateliers de couture de la CNT étaient contentes et montrait le contraste entre l’espace, l’éclairage et les machines des ateliers de la Confédération avec les conditions peu hygiéniques qui prévalaient avant la révolution. La CNT exposait chaque jour fièrement : « nous organisons certains ateliers avec le même système qu’aux Etats-Unis ». Même en juin 1937, la Junte centrale des tailleurs critiquait « la majorité immense » des ouvriers qui comprenaient mal la révolution. La base ne s’était pas encore rendu compte qu’elle devait se sacrifier et, en conséquence, les plans pour la collectivisation de l’industrie de la couture durent être remis à plus tard.

Différents rapports ont montré que les femmes non-militantes étaient peu disposées à se sacrifier pour la révolution, et ont parfois exigé d’être payées pour le travail « volontaire ». Le Sindicato de Vestir UGT avait invité quatre hommes et femmes à rassembler des vêtements pour les troupes. Les volontaires n’avaient pas « compris » qu’illes ne seraient pas rémunéré-es pour leurs services, et exigèrent leurs salaires. Comme dans d’autres révolutions sociales, la disparition des classes fortunées a privé un nombre considérable des domestiques féminins de leurs sources de revenu. Ces domestiques étaient souvent concerné-es par leurs problèmes personnels plutôt que par les besoins collectifs. Avec l’approbation du gouvernement régional catalan, la Generalitat, les comptes bancaires qui appartenaient aux employeurs avaient été gelés et employés pour payer le personnel de ménage. Les ancien-nes domestiques, cependant, gonflaient parfois la somme de leurs salaires en retard. Il se peut que leurs fausses revendications aient reflété l’individualisme des domestiques et des autres ouvrier-es qui étaient en contact personnel avec les employeurs. L’individualisme, cependant, ne s’est pas limité aux anciennes bonnes. Au lieu de faire grève pour la sécurité de l’emploi, comme c’était arrivé avant la révolution, les ouvrier-es étaient connu-es pour passer d’un syndicat à un autre pour trouver l’organisation qui serait la plus compatissante envers leurs demandes. Par exemple, quand l’Union Métallurgique de la Confédération refusa un travail à deux femmes membres de la CNT, elles essayèrent d’acquérir des cartes UGT.

S’adonnant à la pratique pré-révolutionnaire de participation aux grèves de loyer, de nombreuses familles refusèrent de payer leur loyer, ainsi que les factures de gaz et d’électricité. Plusieurs semaines après que la révolution ait éclaté, le Comité de contrôle du gaz et de l’électricité choisit d’employer les Milices antifascistes pour recouvrer les dettes « des éléments qui profitent des circonstances présentes pour éviter de payer leurs factures ». Deux mois plus tard, le comité s’est plaint à un représentant de l’Union de la construction CNT que beaucoup de consommateurs étaient malhonnêtes, « en essayant toujours de trouver une façon de récupérer des kilowatts libres. Malheureusement, des camarades prolétaires sont parmi les fraudeurs. Si nous attrapons un fraudeur de classe supérieure, nous lui donnons ce qu’il mérite, mais nous ne pouvons rien faire aux ouvriers puisque beaucoup plaident le fait qu’ils n’ont pas de travail. »

Les militant-es se sont demandé-es pourquoi, malgré l’achat de tous les fourneaux électriques disponibles, aucune augmentation de la consommation n’avait été enregistrée, impliquant que les ménages - vraisemblablement avec le consentement féminin - falsifiaient leur consommation. À la fin de l’année, le Comité étudia une proposition pour établir une section spéciale consacrée à la lutte contre la fraude. Les membres suggérèrent que les consommations de gaz et électriques ne soient plus séparées, mais rassemblées. Une lecture commune économiserait non seulement le travail, mais menacerait aussi les fraudeur-euses potentiels de l’interruption des deux sources d’énergie. Le Comité voulait prendre des mesures fortes pour forcer les consommateur-ices qui avaient déménagé pour éviter de payer les factures à leur ancienne adresse. Un militant demanda à la Commission de logement de ne pas louer à quelqu’un qui n’avait pas présenté le reçu d’une facture d’électricité récente. Quand la Gauche a commencé à perde en 1937, le désir de se sacrifier avait encore plus reflué et beaucoup d’ouvrières du textile semblent avoir diminué leurs efforts. Les syndicats ont répondu en essayant de réprimer les résistances individuelles au travail. Le comité de contrôle CNT-UGT de la société Rabat, où les femmes étaient majoritaires, avertit que n’importe quelle camarade qui manquerait le travail sans être malade perdrait sa paie ; on expliqua aux ouvrières de cette société que la désobéissance pourrait mener à des amendes et peut-être à la perte de travail, dans une industrie où - il faut le rappeler - malgré la mobilisation des hommes en temps de guerre, le chômage était élevé. On a exigé que toutes les ouvrières de Rabat suivent les assemblées sous la menace d’amendes. Seules les conversations concernant le travail étaient autorisées pendant des heures de travail. D’autres collectifs dans l’industrie de l’habillement, qui avait sans succès demandé aux ouvrier-es d’augmenter la production, mirent aussi en application des règles interdisant les conversations, le retard et même la réception d’appels téléphoniques.

Plutôt que de s’organiser pour des salaires plus élevés, comme cela s’était passé au début des années 1930, des femmes ont pris individuellement des vacances non autorisées pendant la révolution. Celles qui travaillaient dans des bureaux CNT ont ignoré le slogan, « pendant la guerre, il n’y a aucune vacance ». Les militant-es se sont senti-es contraint-es de prendre des mesures disciplinaires contre une dactylo qui avait refusé de travailler le dimanche. Ils ont craint que si la contrevenante n’était pas été sanctionnée, « beaucoup de camarades [femmes] manqueraient le travail le dimanche ». Une entreprise occupée avertit une employée que si elle continuait à manquer le travail pour « faire la fête », elle serait remplacée ». En termes semblables, le comité des ouvrier-es de la Casa Alemany, a menacé deux autres femmes qui avaient pris un « congé illimité ». Même les Mujeres Libres - le groupe des femmes de la CNT qui voulait intégrer les femmes dans le processus productif – se sont senties contraintes de réprimer l’individualisme. Elles accusèrent une de leurs militantes d’absences injustifiées, d’indiscipline et d’immoralité et prirent des mesures disciplinaires contre elle.

Les actions répressives des syndicats et de leurs organisations satellites sur le lieu de travail trouvaient un parallèle à un niveau plus élevé, par la reconstruction d’un Etat puissant. Dès mars 1937, quand la CNT participait au gouvernement, tou-tes les citoyen-nes entre 18 et 45 ans (à l’exception des soldats, des fonctionnaires et des invalides) durent posséder un « certificat de travail ». Les autorités pouvaient demander cette carte « à n’importe quel moment » et assigner ceux et celles qui ne la portaient pas au travail de construction des fortifications. « Si des fraudeurs étaient trouvés dans des cafés, des théâtres et d’autres lieux de distraction, ils pourraient être emprisonnés durant trente jours ». Dans les colonnes du quotidien CNT, Solidaridad Obrera, le socialiste Luis d’Araquistain louait la Confédération pour avoir reconnu « la nécessité de l’Etat comme un outil de consolidation des conquêtes révolutionnaires. Quelle joie pour un Socialiste de lire [...] le programme de la CNT. ». En mars 1938, la CNT se mettait d’accord avec l’UGT sur le fait que l’Etat devait jouer le rôle principal dans la direction des affaires militaires, économiques et sociales. En même temps, l’UGT et le CNT affirmaient que :
« Un salaire lié au coût de la vie et qui tienne compte des catégories professionnelles et de la productivité doit être établi. Dans ce sens, les industries contrôlées par [les syndicats] défendront le principe de "meilleure et plus importante est la production, plus grande sera la paie" sans distinction au sexe ».

L’échec des syndicats à se montrer à la hauteur de ce principe, et par conséquent, la persistance du salaire et de la discrimination au travail est peut-être partiellement responsable de l’indiscipline féminine et de l’indifférence. Les femmes se sont moins identifiées que les hommes au lieu de travail, à cause des paies basses et du travail sans intérêt. La révolution, quoique nivelant partiellement les différences de salaire, n’a détruit ni les salaires féminins inférieurs à ceux des hommes, ni la division sexuelle traditionnelle de travail. Quand la Fédération locale de l’UGT a eu besoin de secrétaires ou de personnel d’entretien, elle a naturellement cherché des femmes. A la Comedor Popular Durruti, tous les serveurs, les cuisiniers et les plongeurs étaient des hommes. Les deux premières catégories gagnaient 92 pesetas et la troisième 69 pesetas ; tandis que les sept femmes de ménage gagnaient 57,5 pesetas. A la grande usine Espanya Industrial, où plus de la moitié du personnel était féminine, les femmes gagnaient 45 à 55 pesetas par semaine ; tandis que les hommes en recevaient 52 à 68. Dans un grand collectif métallurgique, les femmes dans la même catégorie professionnelle que leurs homologues masculins gagnaient une paie inférieure. Le salaire minimal proposé pour des employés du téléphone était de 90 pesetas ; pour les femmes, 70. Quand les employés du téléphone UGT se sont assemblés pour discuter de la formation militaire, ils ont été d’accord - avec le consentement des participantes féminines - pour que les femmes reçoivent l’instruction comme infirmières, pas comme soldats.

Les syndicats étaient parfois insensibles aux besoins des femmes. Quand les fabricant-es de caisses ont rencontré des problèmes économiques, les militant-es CNT ont approuvé un mouvement pour ne pas payer des travailleuses, « qui avaient d’autres moyens d’appui ». Dans d’autres cas, certaines sociétés ont continué à fournir des cantines séparées par sexe, institutionnalisant efficacement la coutume d’avant-guerre qui - par exemple - a eu tendance à interdire aux femmes certains espaces sociaux. Dans un autre cas, les syndicats se sont sentis contraints de rationaliser l’industrie textile catalane arriérée pour augmenter son efficacité. La rationalisation a signifié que la main-d’oeuvre, surtout féminine, a dû travailler à l’usine et abandonner la maison, où elle exécutait le travail à domicile ou, comme on l’appelait, trabajo un domicilio. Les femmes ont donc eu un moindre contrôle de leur programme de travail, et les mères ont été forcées de prendre de nouvelles dispositions pour la garde des enfants.

La situation économique de plus en plus dure à Barcelone a rendu des femmes de moins en moins enclines à avoir le temps ou l’envie de se sacrifier ou même à travailler pour la révolution. Les femmes ont continué à porter le double fardeau du travail salarié et du travail domestique sans, bien sûr, l’aide d’appareils électroménagers modernes. Ces fardeaux ont augmenté avec détérioration rapide de la situation économique de la ville. L’inflation en temps de guerre a certainement aggravé le mécontentement, puisque des prix de gros ont été multipliés par 2,5 pendant la révolution. A la fin de 1936 et au début de 1937, les femmes ont manifesté contre le manque de pain. Les divers partis politiques, particulièrement les communistes, ont tenté d’employer le mécontentement causé par l’inflation pour augmenter leur popularité. En effet, les célèbres journées de mai 1937, quand les hommes communistes se sont battus contre les anarcho-syndicalistes et la gauche anti-stalinienne, pourraient avoir été causées, en partie, par le mécontentement féminin sur la hausse des prix et le manque d’approvisionnement. En tout cas, le 6 mai 1937, des manifestantes ont montré leur esprit de rébellion par l’action directe. Reprenant la tradition barcelonaise de saisie populaire des vivres, « un large groupe de femmes est descendu sur le port de Barcelone où elles ont pillé un certain nombre de camions remplis d’oranges ». Des produits alimentaires de base ont été rationnés et les ménagères ont été forcées d’attendre en longues files. En 1938, le lait, le café, le sucre et le tabac étaient très mal approvisionnés. Aucune mort de la faim n’a été annoncée en 1936 et seulement 9 en 1937, mais en 1938 le chiffre est monté à 296. La faim a continué à inciter d’autres manifestations de femmes à propos des produits alimentaires. Il n’est pas étonnant qu’en ayant à faire survivre elles et leurs familles, les femmes aient eu peu de temps pour les réunions des collectifs ou les autres affaires publiques.

Même dans des circonstances aussi difficiles, les révolutionnaires ont fait une tentative sincère pour réaliser certaines demandes féminines. Ils ont essayé de socialiser le travail domestique féminin en organisant des centres de garderie, qui, de manière assez prévisible, ont employé seulement des ouvrières. Cependant, les parents des travailleuses (généralement les mères ou les belles-mères) ont probablement continué à porter la principale responsabilité de la garde d’enfants. Les militants se souciaient parfois des enfants de compañeras [3] pour qu’elles puissent suivre les réunions syndicales. Les activistes ont légalisé l’avortement et ont rendu la contraception plus librement disponible. Ils ont simplifié les procédures de mariage et ont permis aux responsables des partis et des syndicats de certifier de facto les mariages, ou ce que les libertaires ont préféré appeler des « unions libres ». La révolution a favorisé l’amélioration de la retraite, de la santé et des assurances maternité.

Quand on compare à la situation d’avant-guerre, les révolutionnaires ont réduit les inégalités de salaire et ont offert plus d’emplois. En novembre 1937, de nouveau avec l’aide du gouvernement, les organisations catalanes ont participé à l’établissement d’un lnstituto para la Adapcion Profesional de la Mujer qui a permis à des femmes de maîtriser des compétences non seulement en secrétariat et en cuisine, mais aussi en ingénierie, en électricité et en chimie. Les Mujeres Libres, soutenues par la CNT, ont fait campagne pour réduire le taux d’analphabétisme élevé parmi les femmes et ont essayé de créer une école technique, qui fournirait aux femmes une formation pour leur permettre de remplacer les hommes mobilisés. Les militantes de cette organisation ont offert « de parcourir les usines et des ateliers stimulant les ouvriers à produire le maximum » et les encourager à se porter volontaire pour le travail de fortification et le front.

Le désir d’intégrer les femmes dans le processus productif était aussi l’objectif de la campagne contre la prostitution. En condamnant les hommes qui fréquentaient les prostituées, les activistes anarcho-syndicalistes et les membres des Mujeres Libres ont argumenté en faveur d’une réforme des membres de "la plus ancienne profession" par la thérapie par le travail. Elles ont voulu copier le modèle soviétique qui, pensaient-elles, avaient éliminé le trottoir. Federica Montseny, la ministre CNT, a affirmé que la révolution avait offert aux prostituées la chance « de changer leurs vies et faire partie de la société ouvrière ». C’était plutôt ironique, car il y a maintenant des preuves qu’avant la révolution, certaines femmes se prostituaient précisément pour éviter le travail productif et les conditions de travail miséreuses. La campagne anti-prostitution a reflété un certain puritanisme parmi les militant-es. Bien que, comme mentionné, l’avortement ait été légalisé et l’information sur la régulation des naissances rendue disponible, certains activistes ont recommandé que la sexualité et les naissances soient retardées à la fin la révolution, « quand les outils entonneront la symphonie du travail ». La sexualité et la prostitution ont sans aucun doute persisté, d’autant plus que les domestiques féminines, qui avaient perdu leurs emplois à cause du départ des classes fortunées, avaient rejoint les professionnelles.

La campagne de l’UGT pour adapter les femmes au lieu de travail était couronnée de plus de succès que les efforts contre la prostitution. Le syndicat marxiste voulait coopérer avec la CNT pour enseigner aux apprenties féminines comment produire les matériaux nécessaires pour la guerre. Selon le secrétaire général de la Fédération UGT de Barcelone, « les femmes catalanes démontraient toujours un amour du travail et une grande capacité sur le lieu de travail ». Il exigea que certains collectifs en finissent avec leur pratique de payer les femmes moins que des hommes même quand elles exécutaient le même travail. Il pressa également les syndicats de promouvoir des femmes aux positions de direction dans leurs organisations. Dans quelques ateliers, les femmes commencèrent à mener une campagne en faveur de l’égalité des salaires. Dans d’autres, les mères reçurent un congé payé de maternité de douze semaines, et trente minutes quotidiennes pour les soins. En août 1938, une dirigeante UGT demanda aux membres des syndicats d’étudier les possibilités d’embaucher plus de femmes. Les réponses des dirigeants syndicaux révèlent à la fois l’état de l’industrie catalane et une gamme d’attitudes masculines envers les travailleuses. Le Secrétaire général de l’Union des travailleurs du bois répondit que le manque de matières premières et d’énergie électrique empêchait l’intégration des femmes dans sa branche. Il affirmait aussi que les femmes ne possédaient pas les compétences pour se substituer aux travailleurs du bois, dans ce secteur toujours non-standardisé. De plus, ce leader UGT sexiste pensait que « avec des exceptions honorables », les femmes étaient qualifiées uniquement pour des tâches « simples », comme le vernissage, pas pour les travaux lourds ou dangereux. Le syndicat UGT des travailleurs de la santé publique prétendait que le monopole du travail CNT l’a empêché d’embaucher plus de femmes, qui étaient pourtant « biologiquement » mieux adaptées pour les services médicaux.

Dans d’autres secteurs, les besoins de la guerre ont amené des changements dans la division traditionnelle du travail. Dans les bureaux de poste ruraux, les femmes ont occupé les places de parents masculins mobilisés ou décédés, et dans les villes, elles ont commencé à travailler comme transporteurs de courrier. Malgré le souvenir de briseuses de grève au début des années 1930, le responsable UGT des syndicats postaux recommanda que les femmes servent aussi dans les bureaux. Le Secrétaire général du syndicat UGT du Papier pensait qu’avec une formation appropriée, les femmes seraient capables d’exécuter la plupart des emplois dans la production de papier, mais pas dans la fabrication de carton qui exigeait plus de force brute. Le syndicat du Papier était fier de son record d’emploi féminin, dans les usines et dans le syndicat lui-même. Le syndicat de l’Imprimerie citait un exemple où deux imprimeuses produisaient aussi bien que leurs homologues masculins. Dans l’industrie textile, 80 % des 250 000 ouvrier-es étaient des femmes, mais seul le manque de matières premières et la perte des marchés a empêché l’emploi de plus de femmes encore.

Ainsi, malgré des efforts sincères pour intégrer les femmes dans un projet social collectif, l’individualisme féminin a persisté et a peut-être augmenté, comparé à la situation pré-révolutionnaire. Autrement dit, la conscience féminine menait sans doute tout autant à des actions individuelles pour défendre ce que l’historienne Temma Kaplan a nommé l’objectif de « préservation de la vie », qu’elle favorisait une défense collective du rôle "nourricier". L’individualisme féminin a reflété l’aliénation des organisations qui ont prétendu représenter le prolétariat. Cette indifférence envers les partis et les syndicats démontre la priorité immédiate que beaucoup de femmes ont accordée aux questions personnelles. Le travail pour une société socialiste ou libertaire éloignée était un but secondaire. En outre, les femmes avaient moins de raison de se sacrifier. Les mâles ont continué à dominer les organisations révolutionnaires, et même si les opportunités pour les femmes se sont étendues pendant la révolution, il était clair, que les hommes continueraient à régner même si la Gauche était victorieuse. Les militants masculins et les soldats ont été sûrs de souffrir si la République était perdue, mais les femmes, pour leur part, pouvaient trouver plus simple d’éviter de s’identifier comme « rouges », et s’épargner ainsi l’emprisonnement ou la mort.

Il ne s’agit pas de soutenir que les femmes prolétaires étaient crypto-franquistes, mais plutôt qu’elles opposeraient une résistance à n’importe quel régime - de gauche ou de droite, qui empiéterait sur leurs propres intérêts personnels sur le lieu de travail, dans les rues, ou à la maison. Des historiens sociaux ont négligé l’individualisme pour plusieurs raisons. Par sa nature même, l’histoire sociale implique l’étude des groupes, pas des individus, Bien que son centre se soit éloigné des partis et des syndicats vers les mouvements populaires et le genre, elle continue d’examiner des ensembles. De plus, l’individualisme est presque toujours associé au capitalisme libéral, voire à la réaction. L’individualisme, cependant peut avoir un aspect critique et même subversif. Le refus de travailler et de se sacrifier s’oppose à la vision révolutionnaire sociale des marxistes et des anarcho-syndicalistes. Beaucoup de femmes n’ont pas trouvé de satisfaction sur le lieu de travail collectivisé et elles ont refusé de se consacrer à une révolution dont le but était de les transformer en bonnes travailleuses salariées. Pour combattre leur résistance à la discipline sur le lieu de travail, l’opportunisme et la petite fraude, les anarcho-syndicalistes ont institué un ordre répressif dans les collectifs et ont collaboré avec les socialistes et les communistes pour construire un Etat puissant capable de contrôler les individualismes subversifs. Les héritiers des traditions anarchistes et marxistes ont échoué à surmonter la division entre les individues féminines et la société.

Michael Seidman.

Texte original paru dans International Review of Modern History, n° XXXVII (1992), avec des notes et une bibliographie abondante, non traduites.

Notes

[1] Note de l’éditeur (ainsi que les notes suivantes) : En 1936, les forces nationalistes espagnoles convergeaient en quatre colonnes vers Madrid, demeurée aux mains des républicains. La radio fasciste annonça que leur cinquième colonne était déjà sur place. Cette manœuvre de guerre psychologique désorganisa la défense en faisant régner la suspicion. L’attaque nationaliste sur Madrid échoua cependant (Wikipédia).

[2] En allemand, littéralement : entêtement, obstination.

[3] Camarades femmes, en castillan.

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